Pr. Jean COSTENTIN Rouen le 3 Juin 2017
Président du Centre National de Prévention d’Etudes et de Recherches sur les Toxicomanies
4 Place Pomme d’Or
76.000 – R O U E N
à Monsieur le Président de la République
Monsieur le Premier Ministre
Monsieur le ministre de l’Education nationale
Monsieur le ministre de l’Intérieur
Monsieur le ministre de la Justice
Madame la ministre de la Santé
Madame la ministre des Sports
Le C.N.P.E.R.T. s’efforce, depuis plus de 20 ans, d’informer nos concitoyens sur les méfaits physiques ainsi que psychiques du cannabis et des autres drogues qui intoxiquent notre société. L’académie nationale de Médecine, tout comme l’académie nationale de Pharmacie s’y sont également employées, mais les médias n’ont voulu ni les entendre, ni diffuser leurs mises en garde.
Nous en arrivons au stade, préparé de longue date par les prosélytes des drogues illicites, de l’effondrement des derniers remparts législatifs, opposés au cannabis et aux autres drogues. C’est à vous Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les ministres, qu’ils demandent aujourd’hui d’assurer un accès encore plus facile à ces drogues, alors que nous sommes en Europe la Nation la plus consommatrice de ce cannabis et de diverses autres drogues.
A l’heure où la puissance publique s’avère impuissante contre le tabac (avec ses 79.000 morts par an et ses multiples estropiés), impuissante contre l’alcool (avec ses 49.000 morts par an), alors qu’elle s’applique à réduire davantage l’accidentalité sur route et dans les activités professionnelles, alors qu’elle œuvre résolument contre le dopage sportif, alors qu’elle s’applique à améliorer nos faibles performances éducatives (26ième rang du classement PISA, marqué à l’évidence par l’intrusion du cannabis dans la sphère éducative), la simple « contraventionnalisation » de l’usage et de la détention de cette drogue constituerait un déplorable signal.
En effet, une enquête effectuée auprès d’adolescents ne consommant pas de cannabis nous a appris que c’est en raison de la dangerosité de la drogue que 40% d’entre eux y renoncent et que pour les 60% autres, c’est en raison de son interdiction. Cette plus grande permissivité donnera à penser aux premiers qu’un Etat responsable ne pouvant baisser la garde vis à vis d’un produit toxique, il ne l’est pas ; et aux autres que l’interdiction étant toute relative, ce ne sera plus franchir un Rubicon que de s’y adonner.
Cette dépénalisation interviendrait au stade où l’on dispose de maintes précisions sur les multiples méfaits du cannabis et de son tétrahydrocannabinol (THC), restitués en apostille.*
Les justifications comptables, publicitaires ou «jeunistes» qui sous tendraient une telle dépénalisation, sont de peu de poids face aux conséquences très graves qu’elle aurait pour notre société et pour sa jeunesse. Le très éminent Pr. P. Deniker, il y a près de 30 ans, l’avait exprimé en des termes forts**
Nous ne pouvons imaginer que, dans votre dessein sincère de soigner notre Nation de ses nombreux maux, vous aggraviez les toxicomanies, dont elle est déjà si gravement atteinte, et qu’historiquement vous attachiez vos signatures à ce très malencontreux faux pas.
Si d’aventure vous passiez outre à notre supplique, acceptez au moins d’atténuer la portée de votre décision en y associant les amendements suivants :
– la mise en place d’un fichier informatisé de ces contraventions, pour informer le policier du nombre de récidives lui permettant de déterminer en conséquence le montant de l’amende.
– que l’infliction de ces contraventions soit portée à la connaissance des parents du mineur, qui seraient garants de son paiement, ou qui la feraient commuer en des travaux d’intérêt général.
– la remise systématique aux parents d’un livret les informant des risques que fait encourir la consommation de ce cannabis et des autres drogues illicites.
– au delà de trois récidives le contrevenant devrait suivre un stage (payant) d’information sur les méfaits des drogues, validé par un examen ; avec redoublement du stage en cas d’échec.
– le dossier des infractions pourrait être communiqué aux services de recrutement pour l’accès à certains métiers incompatibles avec une consommation irrépressible de cette drogue.
– le développement d’une véritable information et prévention (d’une quarantaine d’heures, de l’école jusqu’à l’Université) sur les méfaits des drogues et toxicomanies, impliquant des praticiens du corps médical, préparés à cet exercice par un document unique et validé par un collège pluridisciplinaire.
Ceci dit dépénaliser, avant d’avoir fait fonctionner et vérifié l’efficacité d’un dispositif de prévention, reviendrait à mettre la charrue avant les bœufs.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier Ministre, Mesdames et Messieurs les Ministres, l’expression de ma plus haute considération.
Pr. Jean Costentin
N.B. – Le CNPERT se tient à la disposition de vos services pour leur exposer les bases neurobiologiques, cliniques, pharmacologiques et épidémiologiques qui fondent sa position sur le cannabis.
*La toxicité physique du cannabis l’emporte sur celle du tabac, en générant 7 fois plus de goudrons cancérigènes et 5 fois plus d’oxyde de carbone, avec : des cancers buccaux, laryngés, pharyngés, broncho-pulmonaires, des bronchites aigues puis chroniques ; une toxicité cardio-vasculaire (artérites, maladies coronariennes, accidents vasculaires cérébraux..) ; des retentissements sur la grossesse et l’enfant qui en naîtra ; la suspicion d’effets épigénétiques (i.e. transmissibles à sa descendance) ; des effets perturbateurs endocriniens…
Au-delà du tabac, le cannabis induit de nombreux méfaits cérébraux : ivresse, désinhibition, délires, hallucinations, perturbations de la conduite des véhicules et des activités professionnelles ; altération de la cognition ; syndrome amotivationnel ; anxiété ; dépression, avec risque suicidaire ; induction, décompensation, aggravation de la schizophrénie; incitation au passage à d’autres drogues, avec l’installation de poly toxicomanies…
** « Du point de vue médical et sanitaire, il n’est pas question d’accepter le développement d’un mal nouveau sous prétexte qu’il ressemble à celui dont nous souffrons déjà. Les dégâts produits par l’alcoolisme et le tabagisme ne nous disposent pas, au contraire, à subir passivement ceux des toxicomanies. Il ne s’agit pas de choisir entre la peste et le choléra qui sont déjà là. Il s’agit bien d’empêcher l’extension d’une troisième épidémie, sorte de lèpre… »