fumeur cannabisLe terme anglais « craving » désigne l’attirance compulsive des toxicomanes pour rechercher et pour consommer leur drogue. Malgré l’effet délétère du cannabis sur le cours de la schizophrénie, on sait que de nombreux patients schizophrènes consomment pourtant cette substance (qu’elle soit ou non liée au déterminisme de leur psychose) en lui prêtant plus ou moins une valeur « d’automédication. »

Or dans cette situation en forme de cercle vicieux (puisqu’un facteur causal ou d’aggravation est recherché dans une finalité factice d’apaisement), ce désir intense de consommer du cannabis constitue un « élément prédictif important de rechute chez ces patients » expliquent les auteurs d’une étude allemande sur 51 sujets avec schizophrénie et troubles liés à l’utilisation de cannabis (TUC), et 51 sujets contrôles avec TUC mais non schizophrènes.

Les auteurs ont observé « une intensité plus forte du craving et un soulagement plus marqué chez les patients schizophrènes avec TUC » et une « association entre le besoin de soulagement (du manque) et les symptômes de la schizophrénie » chez ces mêmes sujets. Ils notent que leurs résultats valident certains arguments « pouvant justifier, du moins en partie l’utilisation (contrôlée) de cannabis chez ces patients » ou plaident, du moins, pour une connaissance plus approfondie des mécanismes relatifs au craving, dans la mesure où ce phénomène de désir intense conditionne l’évolution des troubles et où « sa meilleure compréhension pourrait contribuer à améliorer les interventions thérapeutiques visant à réduire la consommation de drogues chez ce groupe de patients difficiles à traiter. »

À l’heure où la polémique sur les « salles de shoot » concerne plusieurs pays dans le monde, gageons que –bien que très prudente– cette proposition sur le recours possible à un usage « thérapeutique » du cannabis dans l’aide au sevrage ne va pas manquer de rouvrir le débat sur la conduite à tenir (prohibitionniste ou plus libérale) face aux drogues qui ne sont pas toujours considérées comme « dures », malgré leur impact incontestable en matière de psychopathologie.

Dr Alain Cohen

Références

Schnell T et coll. : Craving in patients with schizophrenia and cannabis use disorders. Can J Psychiatry, 2013; 58: 646–649.