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Date

20 janvier 2014

Santé : le cannabis se banalise (Midi Libre 19/01/2014)

L’addiction aux drogues, alcool et tabac est à l’origine de la moitié des cancers.

L’addiction aux drogues, alcool et tabac est à l’origine de la moitié des cancers. (MAX BERULLIER)

Plus de 40 % des élèves de seconde en ont déjà fumé.

Certains avouent dépenser jusqu’à 3 000 € en quelques mois !

Un faux médicament, mais une vraie drogue. » Le Figaro d’hier, présente à la “Une” un dossier sur « l’inquiétante banalisation du cannabis chez les jeunes ». Le Pr Jean Costentin, professeur de pharmacologie, est catégorique : le tétrahydrocannabinol (THC), principale molécule active du cannabis, est mauvais pour la santé.

Les arguments développés par le praticien sur « les effets négatifs » du produit font froid dans le dos. Par exemple, « le risque d’infarctus du myocarde est multiplié par cinq dans l’heure qui suit la prise et des accidents vasculaires cérébraux peuvent survenir chez des personnes jeunes »…

« A l’origine de 30 % des hospitalisations, de la moitié des cancers » Pr Michel Lejoyeux

Le cannabis reste toutefois un sujet de polémique dans la mesure où certains sont favorables à sa dépénalisation, d’autres y sont totalement opposés. Et tous avancent des arguments qu’ils disent, et croient sincèrement, irréfutables. Comment s’y retrouver ? Dans Le Figaro d’hier, on apprend que « 41 % des élèves de seconde ont déjà fumé du cannabis, selon une étude de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies ».

Jusqu’à 3 000 € en quelques mois » pour se fournir en cannabis

Mais le principal problème, ainsi que le précise le Pr Michel Lejoyeux, chef de service à l’hôpital Bichat, est celui de l’addiction à quelque drogue que ce soit – il cite aussi l’alcool et le tabac -, « phénomène majeur de santé public », assène-t-il. « Elle est à l’origine de 30 % des hospitalisations, de la moitié des cancers. L’addiction, c’est dix années d’espérance de vie perdues », ajoute-t-il. Inquiétant en effet.

Le député des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti (UMP), propose de « rendre obligatoire le dépistage au lycée », en amendant notamment un article du Code de l’éducation. Le Pr Lejoyeux considère, lui, que « face à l’addiction, une pédagogie vaut mieux qu’une stigmatisation ».

« L’addiction, c’est dix années d’espérance de vie perdues »

Hormis les divergences de vue sur le degré de sa dangerosité, le cannabis possède une autre caractéristique : sa valeur marchande. Le journal met l’accent sur la lutte contre les trafiquants et les consommateurs. Les premiers réalisent un chiffre d’affaires annuel de 2 milliards d’euros.

Ce sont les « années lycée » qui favorisent la consommation. « Des élèves interpellés dans une opération de démantèlement à Orléans ont reconnu avoir dépensé jusqu’à 3 000 € en quelques mois » pour se fournir en cannabis, informe le journal. La chute des prix du “produit” est un élément fort de l’augmentation de la consommation.

Il y a donc d’un côté un marché énorme, de l’autre des consommateurs qui estiment qu’un joint de temps en temps ne fait pas de mal. Le marché a donc de beaux jours devant lui… tant que les acheteurs n’auront pas pris la mesure de la dangerosité du cannabis.

Source

Dépénalisation du cannabis : pourquoi Madrid est revenu en arrière

depenalisation espagne

La foire du cannabis de Pampelune, en avril 2008.

DÉCRYPTAGE – Les Espagnols peuvent toujours fumer chez eux et même y faire pousser des graines pour leur consommation personnelle, mais plus dans les espaces publics.

Dépénaliser le cannabis ou, à tout le moins, en tolérer l’usage? Ce serpent de mer ressurgit à chaque fois que le gauche revient aux affaires. Avec, chez les tenants des solutions les plus libérales, une étrange amnésie qui, pour parodier la garde des Sceaux, «confinerait à la lâcheté». C’est que l’Espagne, toute proche, a déjà donné en matière de légalisation des «drogues douces». L’Espagne socialiste des années quatre-vingt, emmenée alors par le premier ministre Felipe Gonzalez. Avec des conséquences tellement désastreuses que les mêmes socialistes espagnols ont été contraints de faire machine arrière toute, dix ans plus tard.

Que s’est-il passé? Le 23 juin 1983, le gouvernement Gonzalez dépénalise la consommation de drogue à titre individuel. Une décision qui s’inscrit dans un mouvement général d’affirmation des libertés. Cette politique repose sur un pari audacieux: la libéralisation de la consommation doit en principe casser le trafic, mettre fin à la mainmise des mafias, et rationaliser les comportements des fumeurs du fait même de la disparition de l’interdit.

L’explosion de la consommation est immédiate et finit par prendre de telles proportions que Madrid et Barcelone sont sur le point de détrôner Amsterdam comme capitales du «joint». Le constat est amer pour les idéalistes: plus on inonde la jeunesse de drogue, plus elle en consomme. Une loi invariable qui fait le jeu d’organisations criminelles devenues si puissantes en Espagne que plusieurs membres de la Guardia Civil ont dû être poursuivis et condamnées pour complicité. Un ancien préfet fut même arrêté en raison de ses liens présumés avec des narcotrafiquants.

Plus grave encore: ce climat délétère a contribué à la banalisation des stupéfiants, favorisant le passage des «drogues douces» aux «drogues dures». En dix ans, les morts par surdose en Espagne ont quasiment décuplé, passant de 93 décès en 1983 à plus de 800 en 1992. Sans parler des contaminations par le VIH.

Le 21 février 1992, l’Espagne arrête les frais et adopte la loi Corcuera. Elle ne pénalise pas formellement l’usage de cannabis, mais sanctionne comme «infraction grave» tant la consommation de drogue dans les lieux publics que le simple fait d’en détenir «même si elle n’est pas destinée au trafic». En Espagne, on peut donc fumer chez soi et même y faire pousser des graines pour sa consommation, mais pas dans la rue. Les sanctions prévoient des amendes, voire la suppression temporaire du permis de conduire pour le contrevenant.

Le combat contre la drogue ne peut se nourrir d’idéologie. L’Espagne des années 1980 s’était ainsi rendu compte qu’en supprimant toute menace de sanction à la consommation, elle s’était privée d’un moyen efficace pour obliger le toxicomane à suivre un traitement. Paris devrait s’en souvenir.

Jean-Marc Leclerc

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