F. MALTAIS (M.D. PNEUMOLOGUE) ET M. MORISSETTE (CHERCHEUR) (1)

Pot, mari, weed. Peu importe comment vous l’appelez, le cannabis sera légalisé sous peu au Canada. Points de vente, taxes, prix, conduite sous influence, etc. ; les sujets de discordes et de préoccupations fusent de toutes parts. Mais qu’en est-il de l’impact de l’utilisation du cannabis sur notre santé, plus précisément notre santé pulmonaire ? Y a-t-il un réel danger ?

Encore de la « boucane »

Nos poumons sont faits pour respirer de l’air propre, pas de la fumée. Alors que les effets du tabagisme sur la santé des poumons sont très bien documentés, ceux du cannabis commencent à peine à être mieux compris.

Puisque les utilisateurs de cannabis consomment souvent du tabac ou d’autres drogues dommageables pour les poumons, isoler les effets propres au cannabis est un défi scientifique important. Nous savons cependant que la fumée de cannabis n’est pas sans danger.

La combustion du cannabis produit de nombreux composés qui favorisent le développement du cancer du poumon. L’inhalation du cannabis cause également la toux, la production de mucus et expose l’utilisateur à une quantité de goudron plus élevée que celle du tabac.

L’utilisation chronique de cannabis peut par elle-même, et surtout lorsqu’elle est associée au tabac, mener à la bronchite chronique, une composante de la maladie pulmonaire obstructive chronique.

La consommation de cannabis par les adolescents et les jeunes adultes est également préoccupante. En effet, exposer de jeunes personnes à la fumée de cannabis avant que le plein développement pulmonaire ne soit complété pourrait compromettre leur santé respiratoire et les rendre vulnérables aux maladies respiratoires pour le reste de leur vie.

Le THC, au-delà du « buzz »

Le principal agent actif du cannabis, celui qui crée ses effets psychotropes, le fameux « buzz », est le THC ou tétrahydrocannabinol. Mais le THC est bien plus qu’un agent psychotrope. D’un point de vue botanique, le THC est au cannabis ce que la nicotine est au tabac : une substance insecticide produite par des plantes qui cherchent à se protéger des envahisseurs.

Il faut également savoir que notre corps produit ses propres cannabinoïdes, appelés endocannabinoïdes (du grec endon qui veut dire intérieur), et ils sont très importants. On leur reconnaît plusieurs fonctions biologiques sur les systèmes immunitaire et cardiovasculaire ainsi que sur le métabolisme, pour ne nommer que ceux-là.

C’est d’ailleurs un domaine de recherche bouillonnant d’activités. Les sources externes de cannabinoïdes comme le cannabis ont donc le potentiel d’influencer le bon fonctionnement de notre système endocannabinoïde interne, et ce, à nos risques et périls.

C’est la dose qui fait le poison

Le débat concernant le lien entre le cannabis et la santé respiratoire n’est pas terminé. Sans être alarmiste, il ne faut pas non plus considérer le cannabis comme une substance inoffensive pour les poumons.

Comme pour toutes substances récréatives, il existe une relation entre l’importance de l’exposition et les risques pour la santé. Le plaisir et, surtout, la sécurité demeurent donc dans la modération… et vous savez maintenant pourquoi.

(1) François Maltais est pneumologue à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec et professeur titulaire à la Faculté de médecine de l’Université Laval. Mathieu Morissette est professeur au Département de médecine de la Faculté de médecine de l’Université Laval et chercheur de l’axe pneumologie de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec. Les deux font partie du collectif de chercheurs de l’Alliance santé Québec.

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