Le lobby de l’alcool
« Si les cigarettiers se saisissent de toutes les opportunités, les alcooliers avaient ouvert la voie.
Le propriétaire de la bière Corona, le groupe américain de spiritueux Constellation Brands [Dont les premiers actionnaires s’appellent également Vanguard, Capital Group, State Street et BlackRock], avait fait sensation en 2018 en déboursant près de 4 milliards de dollars pour monter au capital de la société canadienne Canopy Growth [Une entreprise canadienne spécialisée dans la production et la distribution de cannabis à usage médical qui a vu son bénéfice exploser de 660 % en 2017.] et en détenir 38 %.
Il a été suivi par le géant de la bière AB Inbev (Budweiser, Stella Artois…) qui a dévoilé son partenariat avec Tilray. [Coopération rompue par la suite. Pour l’origine de la firme, voire notre section sur Peter Thiel. En 2018, Tilray a signé un accord de coopération avec le géant pharmaceutique NOVARTIS.]
L’entreprise britannique DIAGEO (Bailey’s, Johnnie Walker, Smirnoff, Guinness…) a fait état de ses démarches pour entrer sur le marché des boissons faites à partir de cannabis. L’entreprise aurait rencontré au moins trois sociétés canadiennes de cannabis pour discuter de la possibilité de créer de nouvelles boissons infusées. Heineken a lancé une bière infusée au cannabis pour l’instant commercialisée uniquement aux Etats-Unis.
Bien que Pernod Ricard n’ait pas l’intention de s’impliquer dès aujourd’hui dans le cannabis, le géant français surveille les évolutions du marché : ‘Nous regardons de près ce marché. Même si, à ce stade, il est encore difficile de se prononcer. Mais il y a une vraie question à se poser’, déclare Alexandre Ricard, PDG de l’entreprise.
Tout comme les cigarettiers, les alcooliers avancent leurs pions pour être dans la meilleure position possible lors de l’ouverture du marché du cannabis récréatif, ouverture qu’ils considèrent comme inévitable ». [1]
Le problème cependant, pessimisme culturel oblige, c’est que les auteurs de Décryptages finissent, hélas, par plaider pour la légalisation, car « Rien ne serait plus dommageable pour la santé publique que de laisser les acteurs économiques décider seuls du cadre de la commercialisation du cannabis. Si les acteurs de l’addictologie et de la santé publique sont unanimement en faveur de la légalisation du produit – les inconvénients de la prohibition étant bien supérieurs aux prétendus bénéfices d’une répression en réalité inefficace sinon inopérante –, il importe de ne pas être naïfs par rapport aux grandes manœuvres d’acteurs économiques, notamment les cigarettiers et les alcooliers, dont les pratiques ne sont pas marquées par le souci évident et premier de protéger notre santé ».
Par conséquent, « Les autorités de santé et les acteurs de santé publique doivent se préparer concrètement à répondre sur tous les plans pour proposer les conditions concrètes de la légalisation du cannabis afin d’éviter qu’elles ne soient définies selon des logiques uniquement économiques ».
Conclusion
Emmanuel Macron devra donc trancher. Où il continuera à se plier aux caprices de ses amis banquiers d’affaires et autres gestionnaires d’actifs pour qui la légalisation du cannabis est désormais impérative, ou il transforme simplement les paroles qui sortent de sa bouche en action, notamment lors de son entretien au Figaro en avril 2021 où il reconnaissait que les trafics de stupéfiants « explosent » et « forment la matrice économique de la violence dans notre pays ». « Les éradiquer par tous les moyens est devenu la mère des batailles, puisque la drogue innerve certains réseaux séparatistes mais aussi la délinquance du quotidien, y compris dans les petites villes épargnées jusqu’ici. Ne laisser aucun répit aux trafiquants de drogue, c’est faire reculer la délinquance partout », avait-il souligné. « À l’inverse de ceux qui prônent la dépénalisation généralisée, je pense que les stups ont besoin d’un coup de frein, pas d’un coup de publicité. Dire que le haschich est innocent est plus qu’un mensonge ».
Au boulot donc M le Président, car l’histoire jugera vos actes, pas vos belles paroles.
Source : Source : Karel Vereycken