Seattle, le mercredi 30 août 2023 – Dans un Etat où le cannabis est totalement légal, 21 % des consommateurs en ont un usage problématique selon une nouvelle étude.
Les Etats-Unis se sont engagés depuis dix ans dans un long processus de dépénalisation et de légalisation du cannabis. A ce jour 38 Etats ont légalisé l’usage récréatif du cannabis et 23 son utilisation médicale. Plus de la moitié des adultes américains ont désormais accès librement au cannabis. Un usage facilité qui n’est bien sûr pas sans poser des problèmes de santé publique.
Des chercheurs américains ont donc souhaité connaitre la part des consommateurs de cannabis présentant un trouble de l’usage du cannabis (« cannabis use disorder » ou CUD) notamment en fonction du motif de leur consommation (médical, récréatif ou mixte). L’étude, publiée ce mardi dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) a été menée au sein de l’Etat de Washington, ce qui est tout sauf un hasard : cet état progressiste sur la côte Pacifique est en effet le premier à avoir autorisé le cannabis à usage récréatif il y a de cela plus de dix ans en 2012.
Un trouble de l’usage plus grave chez les fumeurs récréatifs
Les auteurs de l’étude ont interrogé environ 1 500 fumeurs réguliers de cannabis, c’est-à-dire indiquant consommer du cannabis au moins une fois par mois. Parmi eux, 42,4 % indiquaient fumer du cannabis pour raison médicale, 25,1 % à titre récréatif tandis que 32,5 % disaient fumer à la fois pour raison médicale et à titre récréatif. Les personnes fumant pour raison médicale étaient généralement plus âgées que ceux consommant à titre récréatif. Les chercheurs de l’université de Washington ont ensuite demandé aux participants à l’étude s’ils présentaient l’un des onze symptômes reconnus par la dernière édition du DSM du trouble de l’usage du cannabis.
Au total, 21,3 % des consommateurs de cannabis interrogés présentaient au moins deux des symptômes listés, une situation synonyme d’un trouble de l’usage léger et 6,5 % en présentaient au moins quatre, ce qui correspond à un trouble de l’usage sévère. Si la proportion de personnes présentant un trouble de l’usage (en général) ne variait pas selon les types de consommation, tel n’est pas le cas en cas de trouble de l’usage sévère : les personnes fumant du cannabis à titre récréatif (7,2 %) ou faisant un usage mixte (7,5 %) étaient bien plus nombreuses à présenter de nombreux symptômes d’un usage problématique que ceux consommant du cannabis pour raison médicale (1,3 %).
De manière générale, les symptômes les plus fréquents rencontrés par les consommateurs de cannabis sont l’accoutumance, l’augmentation incontrôlée de la consommation et le manque. Plus spécifiquement, ceux fumant à titre récréatif rapportaient plus fréquemment qu’ils continuaient à fumer malgré des conséquences néfastes, qu’ils perdaient du temps à fumer et que la consommation les empêchait de remplir leurs obligations sociales.
Un argument contre la légalisation du cannabis ?
Les résultats de l’étude confirment ceux de précédentes recherches, notamment d’une méta-analyse mené en 2020 ayant conclu que 22 % des consommateurs de cannabis présentaient un trouble de l’usage.
Mais cette nouvelle étude, la première réalisée dans un Etat ayant légalisé le cannabis récréatif, montre que le trouble de l’usage du cannabis risque de devenir un problème de santé publique majeur, surtout quand on sait que 20 % des habitants adultes de l’Etat de Washington disent consommer régulièrement du cannabis.
« Même si beaucoup de personnes peuvent consommer du cannabis sans devenir dépendants, la prévalence du trouble de l’usage dans cette étude montre qu’il est important de comprendre qui est à plus grand risque de présenter un tel trouble afin de mieux éduquer le public et mieux former les professionnels de santé » commente le Pr Beth Cohen, professeur à l’université de Californie.
Selon les auteurs de l’étude, le fait que les personnes consommant du cannabis pour raisons médicales puissent présenter un trouble de l’usage devrait pousser les professionnels de santé à limiter leur prescription de cannabis et à privilégier des alternatives thérapeutiques plus sures.
Mais les chercheurs ne se risquent pas à entrer dans le débat politique sur l’opportunité de revenir ou non sur la légalisation du cannabis.
Une étude publiée en 2021 semblait pourtant avoir démontré que la légalisation du cannabis au Canada avait augmenté la part de consommateurs présentant un trouble de l’usage, passant de 17 % à 24 %.
Quentin Haroche