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Date

5 avril 2024

TÉMOIGNAGE. Il consomme du crack depuis ses 16 ans : « C’est un miracle que je sois encore là »

Accro depuis plus de 20 ans au crack, Antoine (prénom d’emprunt), lutte au quotidien pour se défaire de son addiction. Le trentenaire, qui réside à Lorient (Morbihan), témoigne des ravages de la cocaïne à fumer, qui l’ont conduit à frôler la mort. Récit d’une descente aux enfers.

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Antoine (prénom d’emprunt), 38 ans, consomme du crack depuis ses 16 ans. Il est actuellement suivi au centre d’addictologie Douar Nevez de Lorient (Morbihan).
Antoine (prénom d’emprunt), 38 ans, consomme du crack depuis ses 16 ans. Il est actuellement suivi au centre d’addictologie Douar Nevez de Lorient (Morbihan). | OUEST-FRANCE

« Si j’avais eu de l’argent tout à l’heure, j’en aurais certainement acheté… L’envie est toujours présente, ça revient en permanence. » Antoine (prénom d’emprunt), 38 ans, revient de loin. Des paradis artificiels qui ont tout de l’enfer quand il fait le récit de plus de deux décennies d’accoutumance aux drogues dures. « Avec tout ce que j’ai pris, c’est un miracle que je sois encore là. »

Le trentenaire qui se tient face à nous, casquette vissée sur la tête et look d’éternel adolescent, est un survivant. Un rescapé arrivé à Lorient (Morbihan) en 2021, « pour fuir la drogue, les mauvaises fréquentations, et recommencer une nouvelle vie ». Sauver sa peau, surtout.

« Je consomme encore. Beaucoup moins qu’avant, mais ça m’arrive, une fois par mois, parfois une fois par semaine. Pour être honnête, j’ai fumé du crack il y a trois jours », livre-t-il avec franchise, lui qui se méfie des certitudes. Aussi parce qu’il sait que ce combat-là n’est jamais vraiment gagné.

Au plus fort de son addiction, Antoine s’injectait entre 10 et 12 grammes d’héroïne par jour. Et consommait « entre 5 et 10 grammes de cocaïne à fumer, du crack quoi ! Ça a duré un an ».

Le regard fixe mais expressif, il raconte le premier « pétard », à « 11, 12 ans. C’est flippant la première fois mais on reteste et on y prend goût ».

« Le gros flash qu’on oublie jamais »

Il évoque avec pudeur le garçonnet, issu d’une famille « carrée. Mon père était sévère », dit-il juste sobrement. Sa scolarité, dans des établissements privés catholiques, « avec des facilités, mais je n’aimais pas l’école. J’ai décroché à la fin du collège, aussi par ce que je fumais tous les jours ».

Livré à lui-même à 16 ans, « j’ai démarré les drogues dures ». Un premier « ecsta » en rave party. Suit « l’escalade » : la cocaïne « à sniffer », avant qu’une amie débarque un jour avec tout l’arsenal pour cuisiner la première « galette » de crack. Et à suivre, « le gros flash, une grosse montée, comme une sensation d’ivresse, de vertige, l’ouïe qui se déforme, le corps comme engourdi ». Celui « qu’on oublie jamais et qu’on recherche constamment après ».

À 17 ans, alors qu’il décroche une « bonne place » dans une exploitation maraîchère, « le crack et l’héroïne ont pris toute la place. Je pouvais rester cinq jours sans dormir et sans manger, à fumer tant qu’on en avait. Et pour redescendre, il me fallait l’héroïne ». À cette époque, il y laisse environ 2 000 € par mois. « Du coup, je revendais aussi pour gagner plus d’argent. »

« On tremble, on a froid, on se fait dessus »

À 21 ans, c’est la « chute libre ». Antoine perd son travail et commence à vendre en « grande quantité », jusqu’au jour où il est interpellé en possession de drogues. « Pendant la garde à vue, je ne pouvais même pas être auditionné tellement j’étais en manque. Ils m’ont envoyé en hôpital psychiatrique… »

Il livre avec sincérité les effets du sevrage. « C’est comme si nos os voulaient pousser, on tremble, on a froid, on se fait dessus… » Le retour chez ses parents, alors qu’il est sous traitement de substitution. « J’avais tout arrêté mais j’y pensais du matin au soir. » Et la rechute.

De 22 à 24 ans, Antoine vit dans la rue, consomme, vend, dort dans des squats « où tout le monde se pique ». Il témoigne des tentatives de sevrage successives. « Une semaine à rester enfermé dans une chambre avec juste de l’eau… À chaque fois que je remontais la pente, ça ne durait jamais trop longtemps. »

À Lorient, « on est inondé »

Antoine retrouve la rue, fait la manche, vole et cambriole des maisons. « Tout était bon pour acheter de la drogue », lâche-t-il avec désarroi. Une vie d’excès, faite d’allers-retours chez ses parents, en prison. Et comme trait d’union, la drogue.

Arrivé en 2021 à Lorient, « j’ai très vite repéré les points où ça consomme, on est forts pour ça… Mes parents, qui avaient déménagé dans le secteur, m’ont remis dehors. La cocaïne est si pure ici, on est inondé. » Au point de faire deux overdoses presque coup sur coup, en trois mois. Énième sevrage, suivi d’une cure où « je grugeais sur les prélèvements d’urine. J’ai fini à moitié clean… »

En contrat d’insertion professionnelle depuis le printemps 2023, Antoine avance désormais avec humilité. Le trentenaire sait que le combat n’est pas fini. « Mes parents ont été courageux de supporter tout ça. Aujourd’hui, ils ont plus de 75 ans, j’ai envie d’avancer, pour eux, pour moi… »

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Si l’Allemagne a légalisé ces derniers jours le cannabis ….

Si l’Allemagne a légalisé ces derniers jours le cannabis, un projet analogue n’est pas envisagé en France. Certains souhaiteraient toutefois s’inspirer de nos voisins et dépeignent une France « championne de l’addiction chez les mineurs ».En baisse chez les ados français, la consommation de cannabis reste bel et bien élevée, surtout celle définie comme à « haut risque ».

L’Allemagne est devenue le 1ᵉʳ avril le troisième pays de l’UE à légaliser l’usage récréatif du cannabis. À la faveur d’une réforme, la possession de 25 grammes de cannabis séché dans les lieux publics est désormais autorisée. Il en va de même pour la culture à domicile, avec la possibilité de compter jusqu’à 50 grammes et trois plants par adulte.  

Avant de démissionner du parti Europe Écologie-Les Verts et du groupe à l’Assemblée nationale, le député Julien Bayou avait salué en début de semaine la réforme votée outre-Rhin. Sortir de la prohibition actuelle, estime-t-il, se révèle une nécessité. Notamment pour prévenir les usages dangereux chez les jeunes. La France, déplore l’élu, affiche aujourd’hui un regrettable statut de « championne de l’addiction chez les mineurs ». Une affirmation que plusieurs chiffres tendent à accréditer.

La consommation à risque plus élevée qu’ailleurs en Europe

Pour mesurer l’ampleur de la consommation de cannabis chez les jeunes français, on peut se tourner vers les publications de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). En février 2021, il proposait un document de synthèse portant sur « 20 ans d’évolutions des usages de drogues en Europe à l’adolescence ». Les auteurs notent que « la France affiche des prévalences d’usage de cannabis à l’adolescence parmi les plus élevées d’Europe », chiffres à l’appui. En 2019, « 23% des jeunes Français de 16 ans ont déclaré avoir fumé au moins une fois du cannabis au cours de leur vie et 13% au cours du mois ». 

Si la France « présente ainsi des niveaux bien supérieurs à ceux constatés au niveau européen », similaires par exemple à ceux enregistrés aux Pays-Bas, c’est aussi l’un des pays « où le niveau d’usage récent a le plus baissé en 20 ans (moins 10 points) ». Un recul que le gouvernement met en avant dans sa communication, bien que les niveaux de consommation demeurent élevés en valeur absolue.

Ces éléments, bien qu’instructifs, ne permettent pas à eux seuls de confirmer que la France serait la « championne de l’addiction chez les mineurs » au sein de l’UE. Pour les compléter, nous disposons d’informations relatives aux « usages à hauts risques » du cannabis chez les jeunes, compilées dans la vaste enquête ESPAD (acronyme de « European School Survey Project on Alcohol and other Drugs »). Menée avec le soutien de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (EMCDDA), celle-ci s’intéresse tous les quatre ans aux adolescents de 16 ans à travers toute l’Europe. 

Dans sa dernière édition, elle rapporte que c’est en France que l’on enregistre le plus fort taux de prévalence de consommation à haut risque. C’est-à-dire la part des jeunes concernés parmi le total des individus interrogés. Ce taux s’établit à 7,3%, soit près du double de la moyenne européenne (qui est de 4%). Un chiffre qui donne du crédit à l’affirmation de Julien Bayou.

C'est en France que l'on observe la plus forte prévalence de jeune de 16 ans qui présentent une consommation à hait risque de cannabis.
C’est en France que l’on observe la plus forte prévalence de jeune de 16 ans qui présentent une consommation à hait risque de cannabis. – European School Survey Project on Alcohol and Other Drugs (ESPAD)

Grâce à une méthodologie appliquée de manière uniforme dans l’ensemble des pays, nous pouvons disposer de comparaisons objectives à l’échelle de l’UE. L’OFDT note que « les pays dont les niveaux d’usage de cannabis à 16 ans sont comparables et les plus élevés (France, Italie, Tchéquie, Pays-Bas, Slovénie) disposent de législations relatives à l’usage de cannabis nuancées, s’agissant des sanctions possibles et de leur degré d’application ». 

Cette absence d’uniformité, aux yeux de l’Office, souligne « l’absence de lien direct entre la sévérité de la loi à l’égard de l’usage et les niveaux de consommation. Que ce soit chez les adultes ou chez les mineurs, les politiques répressives ne semblent ainsi pas avoir un impact notable sur la consommation des individus. Les variations pourraient davantage être liées à des ‘facteurs socioculturels (représentations sociales et contextes d’usage)' », continue l’OFDT, ainsi qu’à des « facteurs d’offre (disponibilité et accessibilité du produit, prix de vente au détail) » ou à des « politiques de prévention menées ».

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