Et maintenant que faire ?
Pr. Jean Costentin
Un malaise sociétal croissant alimente le mal-être de notre jeunesse ; il contribue au déferlement du cannabis et de différentes autres drogues. Après l’énumération de plusieurs de ses causes nous considérerons quelques pistes susceptibles de contrer cette pandémie toxicomaniaque, de prévenir le recrutement de nouvelles victimes et guérir ceux qui ont succombé.
Notre Nation, d’une façon apparemment culturelle, est particulièrement vulnérable à l’usage, bientôt suivi par l’abus des drogues et de divers agents neurotropes et/ou psychotropes. Parmi les 27 Nations Européennes nous détenons le record des consommations de tabac, d’alcool, de cannabis, de morphiniques (morphine, héroïne, codéine, tramadol…) tandis que s’accroit, d’une façon inquiétante, celle de cocaïne.
Les consommations extravagantes du tabac et de l’alcool, légalisés de très longue date, attestent de notre incapacité à les gérer : le tabac piège 13 millions des nôtres et tue chaque année 75 000 d’entre-eux ; l’alcool a rendu dépendants 4 500 000 de nos concitoyens, dont quelques centaines de milliers d’alcooliques avérés ; il tue chaque année 42 000 d’entre-eux.
Alors qu’avec une dette abyssale nos finances publiques sont dans le rouge ces consommations loin de contribuer à un renflouement grèvent davantage le budget. Le coût direct des drogues pour les finances publiques est de 15 milliards d’euros pour le tabac, 5 milliards d’euros pour l’alcool et 2,5 milliards d’euros pour les drogues illicites, soit un total de 22,5 milliards d’euros, soit près de 1% du PIB.
Ce coût direct représente 5,5% dans les dépenses publiques (qui s’élèvent à 380 milliards). Contrairement à une idée reçue, les taxes sur l’alcool et le tabac ne couvrent que respectivement 37% et 40% du coût des soins engendrés par les pathologies liées à leur consommation.
Nous sommes tout aussi défaillants pour la gestion des drogues illicites. Ainsi, malgré son interdiction, le cannabis recrute plus d’un million cinq cent mille usagers réguliers ; la buprénorphine à haut dosage est prescrite à plus de 100 000 sujets dépendants, dont beaucoup se l’injectent alors qu’elle est conçue (à un coût élevé pour la sécurité sociale) pour faire rompre les héroïnomanes avec leur comportement injecteur (ces héroïnomanes sont au nombre de 200 000 environ).
Au fond de ce trou, nous continuons de creuser, par l’idée récurrente de légaliser le cannabis ; légalisation conçue par ses défenseurs comme un préalable à celle des autres drogues. Ce qui nous ferait ressembler à l’Oregon qui, ayant légalisé toutes les drogues en 2021, connaît en 2022 une situation catastrophique liée à leur usage, avec près de 1 000 morts par surdose en 2022 pour 4,2 millions d’habitants (la France en compte 340 pour 67,7 millions d’habitants). Est-ce cela que nous voulons ? Comment sommes-nous tombés si bas ?
Nous n’avons pas perdu le combat contre les drogues, puisque nous avons tout fait pour ne pas l’engager ; nous avons au contraire laissé faire et laissé passer toutes les drogues à nos frontières.
Nous avons acheté (à crédit) une paix très relative dans les cités « sensibles », devenues « territoires perdus de la République » dont l’économie repose largement sur les drogues ; zones de « non-droit » qui, en fait, ont instauré un droit différent de celui de notre Nation.
La loi de décembre 1970 qui prohibe les drogues n’a été ni enseignée, ni expliquée, ni justifiée et dès lors n’a pas été appliquée. Les juridictions ont régulièrement classé sans suite les infractions qui leur étaient communiquées, faisant de façon répétée des « rappels à la loi », aux mêmes délinquants, qui repartent aussitôt, jetant un regard narquois sur les policiers qui les ont présentés au juge.
Cette loi a été la cible récurrente d’idéologues formatés aux errements de mai 1968, adeptes de « l’interdiction d’interdire », militants véhéments pour la légalisation du cannabis, qu’ils voient comme un préalable à celle de toutes les drogues. C’est pour certains l’inefficacité de la loi de 1970 qui serait responsable de l’échec de la politique sur les drogues illicites dans notre pays et en particulier de la forte
consommation de cannabis.
C’est l’argument que mettent systématiquement en avant ceux qui réclament la dépénalisation / légalisation de cette drogue. L’Observatoire européen des drogues et toxicomanies (OEDT) a montré que les peines d’emprisonnement prévues pour l’offre d’un kilogramme d’héroïne ou de cannabis (quantité en vue de reventes) diffèrent considérablement parmi les 25 pays européens ayant participé à cette enquête.
Ainsi, en Grèce, pays où les sanctions infligées sont les plus lourdes, l’offre d’un kg d’héroïne conduit
à 20 ans de prison et l’offre d’un kg de cannabis conduit à 10 ans de prison. A l’autre extrémité de la sévérité des sanctions, les pays les plus tolérants et les plus laxistes en matière de trafic de drogue sont les Pays-Bas et la France pour lesquels l’offre d’un kg d’héroïne conduit à des peines de respectivement 1 an et de 2 ans de prison.
La loi de décembre 1970 a été profondément assouplie par la loi Taubira et ses décrets d’application
avec l’aménagement des peines selon : les circonstances de l’infraction, la personnalité de l’auteur, sa situation matérielle, familiale et sociale. Un décret d’application a instauré la transaction pénale pour les petits délits passibles d’un an d’emprisonnement maximum.
Après accord préalable du Procureur, elle se conclue par le règlement immédiat d’une amende, ce qui éteint l’action publique. La loi de 1970 n’était pas appliquée et la loi de 2014 avec son décret d’application de 2015 l’a rendue totalement inopérante. Ainsi, avec une démagogie consubstantielle à leur fonction élective, nos hommes et femmes politiques ont émasculé par degrés la loi de prohibition.
Elle se réduit à une simple amende de 200 €, ne laissant aucune trace et non acquittée dans la majorité des cas. Le président de la République s’en étant ému, ceux qui requièrent la suppression de cette amende et de facto la légalisation du cannabis, ont été pris de convulsions.
Il s’agit de consommateurs, de prosélytes du haschisch, d’addictologues à contre-emploi (pour beaucoup rétribués par le budget de la Nation) et évidemment de la « Fédération Addiction » elle aussi financée largement par nos impôts. Tous devraient « se soumettre à la loi ou se démettre », mais cette exigence est systématiquement bafouée.
Le trafic de cannabis continue de prospérer à partir du Rif Marocain, premier
producteur de cette drogue. Son auto-culture se développe, au point de représenter 10% de
la consommation ; elle est facilitée par l’implantation diffuse des « grow shops » pour l’achat
du matériel, prolongé par la commande des graines sur le Net puis leur livraison à domicile
par la Poste.
Les buralistes vendent du papier à cigarette grand format, dont le seul usage est la confection des « pétards » (cigarettes grossières de marijuana). La MILDT devenue MILDECA dont l’acronyme par sa lettre L, signifie Lutte (contre les drogues, toxicomanies et autres conduites addictives) a été présidée, à l’exception d’E. Apaire et de N. Prisse, par des missionnaires de la légalisation du cannabis (N. Maestracci, D.Jayle, D. Jourdin-Menninger) Cannabis et autres drogues circulent assez librement en prison, permettant à des détenus qui n’en étaient pas dépendants à l’entrée le soient à leur sortie.
Cannabis et autres drogues sévissent dans les hôpitaux psychiatriques où sont traités nombre de patients qui en sont les victimes. La poursuite en ces lieux de leur consommation aggrave leur état, induit une résistance à leurs traitements et prolonge leur durée de séjour hospitalier.
Les médias annoncent régulièrement la légalisation imminente du cannabis, incrustant la notion de son innocuité. Qui imaginerait qu’un État responsable (y compris de la santé de ses citoyens) puisse faciliter la diffusion d’une drogue délétère, qu’il faut fumer pour la consommer alors que l’on prône l’éradication du tabac qui tue la moitié de ses consommateurs ?
Faisant dans l’abjection, une mission parlementaire, initiée par le député O. Véran (neurologue qui devint le ministre de la Santé que l’on sait et qui se reconvertit dans la « médecine esthétique ») s’est fixée pour objectif d’obtenir la légalisation du cannabis sous trois rubriques : de « confort », « thérapeutique » et « récréatif » (pour ne pas dire toxicomaniaque).
A partir d’une expérimentation clinique qui accumule des biais et déroge aux règles d’évaluation des médicaments, elle est parvenue, par un « cavalier législatif » introduit dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, acquise par la procédure du 49-3, à faire autoriser (pour 5 ans renouvelables) le « cannabis thérapeutique ».
Beaucoup des graves méfaits physiques, psychiques et psychiatriques du cannabis, sont occultés par la plupart des médias, au sein desquels sévissent des sujets contaminés par cette drogue, évidemment acquis à la cause de sa légalisation. Pour s’en convaincre il suffit de demander à nos concitoyens ce qu’ils savent de la responsabilité du cannabis dans la survenue d’artérites, d’accidents vasculaires cérébraux, d’infarctus du myocarde, de pancréatites aiguës, de cancers du testicule, de cancers broncho-pulmonaires…
Plus édifiant encore, ce qu’ils savent de ses effets épigénétiques, qui persistent longtemps après l’arrêt de
sa consommation, et que le consommateur peut transmettre à sa progéniture ; pouvant engendrer : malformations, autisme, vulnérabilité aux toxicomanies, troubles anxieux, dépressifs, schizophréniques, cognitifs, déficits immunitaires, certaines hémopathies…).
Pourquoi avoir tant attendu pour engager la lutte contre les trafiquants et les dealers par ces opérations « place nette » ; après avoir laissé prospérer les trafics pratiqués par plus de 220 000 dealers ?
Pourquoi ne procède-t-on à davantage de contrôles fiscaux de certaines épiceries, de certains restaurants, et autres blanchisseries de l’argent de la drogue ?
Pourquoi ne demande-t-on pas plus souvent à des individus sans emploi, de justifier des moyens permettant leurs achats de luxe ? Pourquoi l’Éducation nationale a-t-elle, au très long cours, assisté sans réagir à la montée du péril chez les jeunes qui lui sont confiés, (du Collège jusqu’à l’Université) ; péril
traduit par leur crétinisation, leur désinhibition, leur démotivation, leurs incivilités, leurs
résultats pitoyables au classement international PISA des performances éducatives ?
Pourquoi ne traque-t-on l’usage du cannabis chez certains enseignants, élèves, cadres, décideurs… ; ce qui est techniquement facile ? Pourquoi tarde-t-on encore à mettre en place une prévention digne de ce nom ; dispensée par des enseignants convaincus, formés à cet effet, Pourquoi laisser se fissurer le rempart contre les drogues que constitue le sport.
l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) à la suite de l’agence mondiale qui accorde désormais des circonstances atténuantes aux sportifs qui présentent des cannabinoïdes ou des métabolites de la cocaïne dans leurs urines aux décours d’une compétition, dans la mesure où ils déclarent avoir consommé ces drogues à des fins « récréatives » ou lorsque, dépendants de ces drogues, ils ne pourraient s’en passer.
Cannabis – que faire
S’il est vrai « qu’il n’existe pas de sociétés sans drogue », ce constat de démission ne doit pas être ressassé pour décourager les actions contre ce fléau. Il n’aurait jamais dû figurer au frontispice de ceux qui prétendent agir contre les drogues, telle la « Fédération Addiction ». Évoquons quelques pistes visant à corriger ces errements multiples afin, au moins, de contenir cette pandémie.
Elles opéreront :
Par l’affichage d’une détermination inébranlable (saluons celle du ministre de l’intérieur G. Darmanin).
Par une information et une prévention rigoureuses, répétitives, claires, en direction des familles, dispensées systématiquement par les enseignants, étant fléchées dans les programmes éducatifs, par les encadrants des sports et des loisirs, avec une diffusion régulière par les médias.
Par l’application rigoureuse des lois et règlements sur les drogues et toxicomanies.
Par un vrai contrôle de l’herméticité des frontières aux drogues.
Par des opérations « place nette » réalisées de façon inopinée, itérative et au très long cours.
Par l’application de la loi qui interdit tout prosélytisme sur les drogues.
Par une vigilance rigoureuse exercée par la MILDECA vis-à-vis de tout ce qui est de nature à banaliser les drogues.
Par des sanctions à la hauteur des troubles et dangers que provoquent les drogues à ceux à qui elles sont procurées.
Par des contrôles fréquents de l’absence de cannabis/THC dans la salive chez les conducteurs d’engins à moteur ainsi que dans les urines des candidats au permis de conduire ;
Par des contrôles urinaires pratiqués chez des membres de différentes professions, à la prise de leurs fonctions ou au cours de celle-ci (justice, éducation, santé, armées, forces de l’ordre, aviation, surveillants de centrales nucléaires…
Par la création de centres fermés dédiés spécifiquement au traitement des toxicomanes, ayant pour objectif leur re conformation sociale, le cas échéant leur retour à l’emploi, la pratique de sports…
Par une attention rigoureuse exercée par les directions des hôpitaux psychiatriques, veillant à l’impossibilité d’y introduire du cannabis ; cette attention devant être un élément important dans le processus de leur accréditation.
Par l’accroissement du montant des amendes à acquitter en fonction du nombre de récidives (documenté par un fichier informatique consultable de façon extemporanée) avec, au-delà de trois récidives, l’obligation de suivre, aux frais du contrevenant, une formation de deux jours, conclue par un contrôle des connaissances acquises ; formation prolongée par un suivi médical qui s’assurera, par l’analyse des urines voire des cheveux, que la consommation a cessée.
Par l’évaluation des résultats obtenus par les « addictologues », pour les mettre en relation avec les crédits qui leur seront alloués.
Par une reconsidération des subventions allouées aux associations censées lutter contre les drogues et toxicomanies, en fonction de leur investissement effectif.
Par un encouragement à la pratique des sports et par l’incompatibilité d’être licencié d’une fédération sportive si l’on est consommateur de drogues.
Par un encadrement strict des conditions d’utilisation de la buprénorphine à haut dosage ; en restreignant son remboursement à sa seule association à la naloxone (Suboxone © ), afin d’empêcher son injection.
Par une action résolue contre le tabac, porte d’entrée dans le cannabis ; situant au niveau de ce tabac, pour les adolescents la transgression par laquelle débute l’ascension de l’échelle des drogues.
Par une responsabilisation des parents, qui doivent être mieux informés et doivent régler les amendes infligées à leurs enfants mineurs (prélevées le cas échéant, sur les diverses allocations qui leur sont versées).
Pr. Jean Costentin