Pr. Jean Costentin

Quelques chiffres permettent d’approcher l’importance quantitative des toxicomanies. Cent sept mille morts l’an passé par surdose aux U.S.A. en 2020, dont 80.000 résultant des seules surdoses d’opioïdes et d’opiacés, alors que les morts par armes à feu, qui défraient la chronique, sont de l’ordre de 40.000 : (60 % par suicides et 37 % par homicides).

En France, les deux drogues licites – le tabac et l’alcool sont annuellement responsables de respectivement 75.000 et 41.000 morts, et ce à partir de 13 millions de fumeurs et 4,5 millions d’alcoolodépendants (dont quelques centaines de milliers d’alcooliques). Si tous ceux qui abusent de ces deux drogues n’en meurent pas, beaucoup sont victimes de handicaps altérant leur qualité de vie et obérant les comptes sociaux de la Nation.

Le cannabis, la drogue illicite la plus consommée en France, l’est de façon régulière par plus de 1.500.000 de nos concitoyens. Pour banaliser les drogues illicites dans le dessein d’obtenir leur légalisation, une
argutie commune met en avant leur moindre létalité ; en se gardant de préciser que c’est leur prohibition qui empêche que le nombre de leurs consommateurs atteigne les 13 millions de sujets tabagiques, ou les 4,5 millions de sujets alcoolodépendants.

De plus, leur létalité et les handicaps physiques sont bien loin de résumer leurs effets très délétères.

Pourtant la consommation des drogues illicites s’envole sous les effets cumulés :

De leur production qui explose, de leur diffusion qui s’affranchit des frontières, et de la démission croissante des pouvoirs publics à les combattre.

De l’apparition exponentielle de nouvelles drogues (désignées par pusillanimité sémantiques « N.S.P. » : nouvelles substances psychoactives, évitant le mot drogue qui interpellerait davantage ceux qui hésitent à en user. Cette expression omet qu’une substance peut être psychoactive sans être une drogue (cf. divers médicaments psychotropes).

Des bénéfices considérables tirés de leur vente, permettant à des lobbies puissants de subvertir médias, politiciens et autres « influenceurs ». Plus de 220.000 « dealers » proposent ces drogues, et même les livrent à domicile, quand cette livraison, après commande sur le Net n’est pas réalisée par la Poste.

-Du développement de l’esprit « fêtard » / « teuffeur », diffusé par le cinéma, la TV et des réseaux sociaux.

-D’un laxisme judiciaire qui minimise les sanctions qui pourraient être infligées aux consommateurs et même aux dealers. La comparaison des sanctions pénales prononcées dans les pays européens pour la possession d’UN KILOGRAMME d’héroïne ou de cannabis (une telle quantité n’est pas pour un usage personnel), publiés par l’Observatoire européen des drogues et toxicomanies, montre que la France et les Pays-Bas sont les deux pays les plus laxistes dans l’application des peines, ce qui encourage largement le trafic. Si nous avons la législation la plus sévère en la matière en Europe, le constat est qu’elle n’est pas du tout appliquée.

-Du désintérêt complet de l’Éducation nationale pour mettre en garde contre les toxicomanies.

De statistiques peu fiables sur ces consommations, puisqu’elles ne sont basées que sur les déclarations des personnes interrogées, alors qu’on dispose de tests urinaires qui permettraient de déterminer précisément l’importance et la nature des consommations.

De l’escalade des drogues, devenue irréfragable, par le constat des polytoxicomanies qui tendent à se généraliser, et dont les mécanismes neurobiologiques sont largement élucidés. Les drogues induisent une sensation de plaisir, liée à l’intensification de la libération d’un neuromédiateur – la dopamine, « l’amine du plaisir », dans une petite structure cérébrale : le noyau accumbens/striatum ventral. Quand la drogue est éliminée de l’organisme ou qu’elle est métabolisée/transformée, son effet disparait. Une sensation de déplaisir, de frustration, de malaise, fait suite au plaisir initial.

Elle incite à reprendre cette drogue au plus vite. Au fil de ses usages son effet plaisant, apaisant, diminue ; le plaisir éprouvé lors des premiers usages s’est mué en un besoin tyrannique. Après avoir accru sa dose et/ou sa fréquence de consommation, pour restaurer un haut niveau de transmission dopaminergique, quand cela ne suffit plus le toxicomane ajoute une autre drogue, puis bientôt d’autres encore, aboutissant à une polytoxicomanie.

Cela correspond typiquement à l’escalade que dénient les tenants de la légalisation des drogues, ourtant devenue irréfragable.

Le tabagisme est habituellement la ligne de départ de cette course de relai. Le relai est d’abord passé au cannabis, omniprésent dans notre Nation qui n’en est pas encore productrice ; « encore », car des lobbies font pression pour sa légalisation à des fins « thérapeutiques » avec l’instauration d’une production nationale, qu’ils élargiraient très vite à celle d’un cannabis « récréatif ».

La résine de cannabis (haschisch) est associée au tabac, non seulement qui sert de support pour sa combustion, mais aussi parce que le tabac majore le plaisir suscité par le cannabis, par un effet épigénétique. Le cannabis suscite à son tour, également par un effet épigénétique, l’intensification des effets d’autres drogues, comme la cocaïne ou lesmorphiniques.

Cette course de relai devient une réaction en chaîne, dans laquelle chaque drogue incite à en consommer une autre (tabac-cannabis-cocaïne-héroïne). Et alors qu’il est si difficile de se sevrer d’une seule de ces drogues, le sevrage devient impossible quand elles sont associées.

Une autre donnée complète ce tableau morbide. Le cannabis induit chez ses consommateurs des effets épigénétiques qui consistent en une modification durable de l’expression de certains de leurs gènes. Ceci prolonge certains effets du cannabis alors qu’il est complètement éliminé de l’organisme (ce qui déjà demande plusieurs semaines).

De plus ces modifications épigénétiques peuvent être transmises par le consommateur aux enfants
qu’il pourrait concevoir. Parmi les diverses anomalies dont peuvent hériter ces enfants, il est décrit une sous expression (et donc une raréfaction) des récepteurs de la dopamine dans leur noyau accumbens, ce qui les rend, dès l’adolescence, plus vulnérables aux toxicomanies.

Ces éléments mis bout à bout additionnés expliquent l’accroissement inquiétant du nombre de toxicomanes dans notre Nation.