C’est l’histoire d’un combat. Celle d’un homme contre une addiction qui lui a fait toucher le fond. C’est l’histoire d’une renaissance, aussi. Et elle a valeur d’exemple : face à l’alcool, la victoire est rude mais possible. Laurent Giraldon veut le faire savoir.
Ce quinqua vivant dans le Puy-de-Dôme aime la nature, les chevaux, la poésie et la musique. Il adorait la vie, avant que celle-ci ne lui joue de mauvais tours. La disparition d’une mère adorée, dévorée par un cancer au long cours, a nourri chez lui une souffrance destructrice. L’alcool devient alors un compagnon. Une compagne plutôt, puisqu’au fil des pages c’est à une femme que l’auteur compare ce démon qui le séduit, s’installe dans sa vie, et dont il ne peut bientôt plus se passer. L’opération de destruction est lancée.
Ces compagnons d’infortune rencontrés en cure de désintoxication
Les Nuits absurdes est le récit poignant d’un parcours douloureux. Un flash-back en mots et en vers – le récit est ponctué de poèmes qui composent un très beau recueil – un retour sur une longue descente aux enfers. De cette spirale infernale, Laurent Giraldon a réussi à s’extraire. Mais à quel prix.
On croise, dans ses souvenirs couchés sur le papier, les compagnons d’infortune rencontrés en cures de désintoxication. Ces policiers qui l’ont arrêté une nuit en état d’ébriété, et auxquels il a aujourd’hui envie de dire merci. Cette femme qui a tout tenté pour le sauver avant de le quitter, épuisée, dont il loue le courage. Ce père transi d’impuissance face à la déchéance d’un fils qu’il ne peut supporter.
Tout n’est pas si noir, pourtant. Car l’auteur, qui a eu la force de faire le récit de son combat sans passer sous silence les rounds où son adversaire l’a mis KO, plus bas que terre, sait saisir la beauté des moments de grâce volés à la noirceur des jours. Il révèle aussi un sens de l’humour ravageur que les épreuves ont encore aiguisé. Son livre, qui se veut un témoignage, pour aider ceux qui vivent ce qu’il a vécu et pour leur entourage” n’est surtout pas le “ livre du parfait abstinent. Y est consignée noir sur blanc une page qui se tourne. Une autre s’ouvre, aujourd’hui, sur une formidable et rédemptrice soif de vie, nourrie d’écriture, d’amour et de poésie.
Quatre questions à l’auteur
Comment est né ce projet de livre ?
Laurent Giraldon. « Au départ, ce n’était pas un projet. Pendant la dernière cure que j’ai faite, dans le Cantal, un infirmier a vu un jour que je gribouillais. J’étais en train d’écrire. Je tenais une sorte de carnet de bord dans lequel je me remémorais des choses. C’est resté en l’état pendant longtemps. Il y a trois ou quatre ans, je l’ai retrouvé. J’ai alors écrit une première version d’un livre, très descriptif. Je n’étais pas satisfait, alors je l’ai laissé en jachère. Jusqu’à l’année dernière. Là, je m’y suis mis ».
Pour qui a-t-il été écrit ?
» Il fallait, pour moi, que j’aille au bout. Remplir des pages et passer à d’autres projets. J’ai toujours eu le goût d’écrire. Dans un premier temps, j’ai écrit pour moi. Le vrai message, ce n’est pas faire le livre du parfait abstinent. Il y a plein d’histoires, celle-ci, c’est la mienne… L’idée c’est de dire à tous ceux qui sont dans la merde, et à leur entourage, que oui, on peut y arriver. Quand on est dans ces abîmes, c’est terrible. Car l’alcool, qui est un produit en vente libre, est une drogue dure, je peux vous le dire.
Pour moi, pendant longtemps, l’alcool a été quelque-chose de festif. Puis c’est devenu une façon de soulager mes angoisses. C’est très pervers. »
« Au début, on prend de l’alcool pour être bien, après on en prend pour ne pas être mal. Et il en faut de plus en plus, et de plus en plus souvent. » LAURENT GIRALDON
« Je l’ai caché. Mais quand on boit, au bout d’un moment, ça se voit (sourires). C’est un tabou. Il y a de la honte, c’est lourd. »
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans cette épreuve ?
« L’état des lieux… L’absence de moyens dans les unités psychiatriques, le manque d’encadrants. On t’occupe, mais ça n’est pas suffisant. On ressort et puis ça repart. Et pourtant, il faut le dire, chaque rechute est « bénéfique » parce qu’elle conduit vers la sortie… »
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui vit une situation similaire ?
« Partir. Moi, je suis parti de chez moi, je suis parti dans le Cantal, à Saint-Flour, pendant trois mois. Un hôpital de jour, dans une petite ville de province. Ça a coupé mon quotidien, ça fait partie d’un processus qui aide à s’en sortir. Et puis il y a les rencontres. À un moment, on se dit, soit tu veux vivre et il faut cette petite étincelle, cet instinct de survie, soit c’est fini. Plus que du courage, c’est la peur de mourir qui pousse à continuer. Mais c’est très dur. » Dur mais possible.
Catherine Jutier
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