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novembre 2021

Drogues. Consommateurs, trafiquants : qui sont les 220 000 personnes mises en cause chaque année ?

Selon les chiffres publiés ce mardi 30 novembre par le ministère de l’Intérieur, plus de 220 000 personnes sont mises en cause dans des histoires de drogues chaque année depuis 2016. Mais la majorité sont des consommateurs.

Environ 208 000 personnes ont été mises en cause en moyenne chaque année depuis 2016 pour usage et/ou trafic de stupéfiants par les services de police et de gendarmerie, selon les chiffres publiés ce mardi 30 novembre 2021 par le ministère de l’Intérieur.

Sur les 220 000 mis en cause, 179 000 sont des consommateurs

En moyenne, 44 000 personnes ont été interpellées pour trafic, 179 000 pour consommation et 2 000 pour d’autres infractions. Dans ce total, 17 000 contrevenants ont été arrêtés pour trafic et usage, souligne dans un rapport le service statistique du ministère de l’Intérieur (SSMSI).

Entre 2016 et 2020, la consommation et la vente de drogue concernent près d’une interpellation sur cinq (18 %) par les forces de l’ordre, soit le troisième motif derrière les atteintes aux personnes (35 %) et aux biens sans violence ni menace (27 %).

Plus d’arrestations pour trafic

Si le nombre de mis en cause pour usage de stupéfiants a légèrement baissé entre 2016 et 2019 (-3 %), les arrestations pour trafic ont bondi de 15 % sur la même période.

Les infractions constatées pour consommation et trafic ont logiquement baissé sur les neuf premiers mois de 2020, en raison du premier confinement dû à la pandémie de Covid-19, avant de rebondir au dernier trimestre (+22 % d’usagers mis en cause par rapport au dernier trimestre 2019) dans le contexte de l’expérimentation puis la généralisation des amendes forfaitaires délictuelles (AFD). Celles-ci permettent aux forces de l’ordre de sanctionner sur place sans passer par une procédure chronophage.

Des hommes de moins de 30 ans

Les données permettent également de dessiner le profil du consommateur et du trafiquant : à une écrasante majorité, il s’agit d’hommes (91 %), Français neuf fois sur dix, et âgés de moins de 30 ans (74 %). Selon que l’on détient de la drogue pour sa seule consommation personnelle ou pour en faire commerce, la réponse pénale diffère.

Plus de la moitié des personnes mises en cause pour usage (55 %) font l’objet d’une alternative aux poursuites ou d’une composition pénale – mesure qui permet d’éviter un procès lorsque des faits d’une faible gravité sont reconnus par l’auteur – avec une amende à payer sept fois sur 10. En revanche, près d’un mis en cause sur six pour trafic (59 %) passe par la case jugement et 80 % environ sont condamnés à la prison.

La France, grande consommatrice de stupéfiants

La France est le pays de l’Union européenne qui compte en proportion le plus de consommateurs de stupéfiants, avec 45 % des 15-64 ans qui ont déjà consommé du cannabis au cours de leur vie, contre 27 % dans l’ensemble de l’UE, selon les derniers chiffres de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT).

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Cannabis : la France pourra-t-elle longtemps continuer à ignorer la politique radicalement opposée de ses voisins européens ?

Alors que les Français sont les plus gros consommateurs de cannabis malgré une politique de répression, l’Allemagne est le dernier État européen en date à vouloir avancer sur la voie de sa légalisation. Jean Costentin et Edouard Hesse

Atlantico : La France a l’un des plus hauts taux de consommation de cannabis en Europe, malgré sa forte répression. Pouvons-nous continuer à ignorer la politique opposée que mène nos voisins européens ? Quels sont les enjeux de la légalisation en Europe ?

Pr. Jean Costentin : Les Français sont effectivement, parmi 27 Etats européens les premiers consommateurs de cannabis (avec 1.500.000 usagers réguliers dont 1.000.000 d’usagers quotidiens et souvent multi quotidiens). Cela survient, dites vous, malgré une politique de forte répression.

La loi de 1970 qui se voulait dissuasive, était sans doute excessive avec l’infliction possible d’un an de prison (or la prison ne saurait constituer un mode de traitement d’une telle addiction) ou de 3.500 € d’amende. Le monde judiciaire ne l’a jamais appliquée.  Elle aurait pourtant pu, au lieu d’un classement sans suite systématique, infliger une amende d’un niveau croissant, en fonction des récidives. Au lieu de cela on en est arrivé à une amende de 200 €, dont la perception est incertaine, qui plus est en solde de tout compte, puisqu’elle ne laisse aucune mémoire d’une infraction qui peut ainsi être répétée à l’infini.

D’aucuns déclarent que la guerre contre le cannabis, et même contre toutes les drogues, est perdue. Ce défaitisme est stratégique, en vue de leur légalisation. Pour qu’un combat soit perdu encore faut-il qu’il ait été livré.

Notre Education nationale est à cet égard, complètement défaillante en matière d’action éducative ; comme nous le reproche l’Office Européen des Drogues et Toxicomanies (OEDT). Elle en est encore à « expérimenter » des pédagogies adaptées. La Suède, qui y consacre une quarantaine d’heures tout au long du cursus éducatif et qui applique scrupuleusement sa législation, peut s’enorgueillir de compter (en proportion bien sûr) 10 fois moins de toxicomanes que la moyenne européenne.   

Les Français sont également champions de la consommation d’autres drogues, tabac, alcool et de psychotropes. C’est pourquoi cette vulnérabilité nationale requiert une prudence beaucoup plus importante que celle exercée par d’autres Nations moins exposées.

Edouard Hesse : A mesure que nos voisins actent l’échec de la prohibition et se mettent à légaliser, il deviendra de plus en plus difficile de défendre le dogme prohibitionniste. D’une part, les arguments prohibitionnistes perdront le peu de poids qu’il leur reste à mesure que les données s’accumulent qui montrent que la légalisation est une politique tout à fait raisonnable qui ne mène pas à la catastrophe. En outre, la pression pour légaliser le cannabis en France sera d’autant plus forte qu’il deviendra complètement illusoire de contrôler les trafics illicites d’un cannabis produit massivement chez un voisin avec qui nous partageons une longue frontière ouverte.

Mais une fois acté la nécessité de légaliser le cannabis, il reste encore un enjeu essentiel : comment légaliser ? Toutes les légalisations ne se valent pas. Dans notre rapport pour Génération Libre, nous étudions les différents modèles de légalisation en Amérique du Nord et du Sud. Pour résumer, il existe 2 grands modèles : un modèle de contrôle étatique fort, avec notamment un monopole sur la production et la distribution de cannabis, et un modèle de marché libre avec forte concurrence. C’est ce dernier modèle qui, après étude des données, nous semble le plus vertueux car il est le mieux à même de lutter efficacement contre le marché noir.

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Le marché noir est au cœur des effets dramatiques de la prohibition : produits frelatés pour les consommateurs, ressources policières et judiciaires épuisées dans un combat stérile et insécurité pour le reste de la population. La lutte contre le marché noir doit être l’objectif premier d’une politique de légalisation, car il conditionne les bénéfices de la légalisation en termes de santé publique et de sécurité.

Dans le document de feuille de route de la nouvelle coalition allemande, il est fait mention d’une vente de cannabis exclusivement dans des magasins contrôlés par un système de licence. Comme nous l’expliquons dans notre rapport, il s’agit d’être très prudent concernant les conditions d’accès aux licences de distribution de cannabis.

Une licence trop contraignante risquerait de dissuader les entrepreneurs, ce qui réduirait l’accessibilité du cannabis légal et protègerait donc les parts de marché du crime organisé. Il est en outre important de légaliser les livraisons de cannabis à domicile, afin que le marché licite puisse offrir le même niveau de praticité que le marché noir.

Si le marché licite offre des produits plus chers, de moindre qualité ou diversité, ou encore s’ils sont moins accessibles que sur le marché noir, les consommateurs ne feront pas la transition et la légalisation risque d’échouer. C’est l’avertissement que nous donne l’expérience californienne, où les grandes contraintes et fortes taxes sur le marché légal l’ont rendu très peu compétitif, conduisant à un marché noir qui continue de prospérer. Inspirons-nous plutôt de juridictions comme le Colorado où l’offre légale de cannabis représenterait, seulement 5 ans après son existence, près de 70% du marché total

[1].À LIRE AUSSIDrogues et addictions : les leçons (déstabilisantes) du succès portugais

Le mois dernier, le Luxembourg est devenu le deuxième pays de l’UE à légaliser l’usage récréatif du cannabis. Y a-t-il des enjeux de santé publique et de diminution de la criminalité directement corrélés avec la légalisation du cannabis ?

Pr. Jean Costentin :De l’ordre de 250.000 individus, des « gros bonnets » aux dealers de quartiers, vivent, et pour certains très bien, de leurs trafics de drogues.

La légalisation, avec la commercialisation d’un cannabis d’Etat, plus couteux et plus faiblement dosé en THC que celui proposé par les dealers, pour tenter de diminuer sa consommation et ses méfaits, ne fera évidemment pas disparaître ce marché noir ; puisqu’il concerne même actuellement les cigarettes de tabac.

Cette légalisation déporterait le trafic vers des drogues encore plus détériorantes. Un certain nombre de nos adolescents s’adonnent au cannabis pour satisfaire un « besoin de transgression » ; sa légalisation transférerait leur transgression vers d’autres drogues illégales, encore plus agressives.

La guerre des gangs pour le contrôle de leurs territoires ne faiblirait pas. Arrêtons de grâce de nous émouvoir des quelques décès de ces malfrats dont le commerce tue ou anéanti des milliers de nos jeunes.

Edouard Hesse : Dans l’imaginaire prohibitionniste, la légalisation renforcerait la consommation du cannabis et la multiplication de personnes sous emprise de la drogue ferait augmenter la criminalité. C’est en fait l’inverse qui s’est produit dans plusieurs des États américains où le cannabis récréatif a été légalisé. En comparant l’État de Washington avec d’autres, des chercheurs ont montré que la légalisation de la consommation de cannabis récréatif avait causé une diminution importante des viols (-30%) et des vols (-20%)[2]. En outre, l’une des conséquences de la légalisation du cannabis médical dans plusieurs États américains a été de réduire de manière significative les crimes violents (-12,5%) dans les zones anciennement contrôlées par les cartels mexicains

[3].À LIRE AUSSILégalisation du cannabis : l’exemple du Colorado

Ces données sont cohérentes avec les attentes théoriques qu’on peut avoir vis-à-vis de la légalisation. En effet cette dernière permet d’assécher le marché noir sur lequel prospère le crime organisé et où les parts de marché sont gagnées à coup de Kalashnikov. En outre la fin de la prohibition permet de réallouer les moyens de police et de justice vers la lutte contre les agressions. Ceci a été démontré par exemple au niveau d’une localité anglaise qui a expérimenté avec la dépénalisation[4].

Concernant les enjeux de santé publiques, ils sont énormes et évidents : mettre fin à la prohibition permet tout d’abord la production et la distribution de cannabis dont la qualité et le dosage sont rigoureusement contrôlés, évitant ainsi les empoisonnements via des produits coupés, des alternatives synthétiques non contrôlées, ou les surdosages.

En outre, on peut beaucoup plus aisément sensibiliser les consommateurs avec des messages de santé publique et de réduction des risques quand ces derniers n’ont pas à se cacher. Enfin, alors que les dealers du marché noir n’ont que faire de l’âge de leurs consommateurs, on peut strictement interdire la vente de cannabis aux mineurs dans un marché légal. Une telle mesure est justifiée par les effets particulièrement nocifs démontrés du cannabis pour la santé des jeunes.

La future coalition allemande, sociaux-démocrates (SPD), Verts, libéraux-démocrates (FDP), a indiqué qu’elle envisageait sérieusement de légaliser la possession de cannabis

Pr. Jean Costentin : Le centre de gravité de l’éventail politique allemand s’est déplacé sur sa gauche. Les verts voient dans le cannabis un moyen d’obtenir la régression économique à laquelle ils aspirent. Le cannabis est la drogue de la crétinisation : « la fumette-ça rend bête, le chichon-ça rend con » ; « pétard du matin-poil dans la main, pétard du soir-trou de mémoire » ; de l’aboulie, de la démotivation ; c’est la drogue qui transforme des indignés en résignés, qui peut calmer ceux qui réprouvent l’afflux d’immigrés que cette nation aura des difficultés à intégrer culturellement. 

Quant aux méfaits cognitifs du cannabis, ne vous étonnez pas que la France qui dépense beaucoup pour l’éducation de ses jeunes ne soit payée en retour que par un 27ième rang dans le classement international PISA des performances éducatives. Eradiquer le cannabis de l’espace éducatif nous ferait mécaniquement progresser au moins d’une quinzaine de rangs.

Comment la France peut-elle se placer sur les questions de légalisation face à la décision de nos voisins allemands ? Est-ce réalisable ? 

Edouard Hesse : Cet engagement officiel de la future coalition gouvernementale allemande de légaliser le cannabis est une excellente nouvelle. C’est d’abord une excellente nouvelle pour les consommateurs adultes de cannabis en Allemagne qui pourront se fournir en produits sûrs et de qualité sans menace de répression policière et judiciaire. Cette mesure bénéficiera également à l’ensemble de la population, grâce à une réduction de la criminalité et un stimulus de l’économie.

Enfin, la légalisation du cannabis dans une économie développée majeure où résident 83 millions de personne est un signal extrêmement fort pour le reste du monde. On ne peut qu’espérer que l’impact sera particulièrement fort en Europe et permettra d’effriter la prohibition dans les pays comme la France où on persiste dans la fuite en avant du tout-répressif malgré les innombrables preuves de la nocivité de cette politique.

Si les expériences de légalisation de cannabis d’Amérique du Nord nous apprennent quelque chose, c’est qu’une telle politique génère les effets vertueux cités plus tôt tout en ne faisantpasexploser la consommation. L’expérience allemande devrait encore rajouter du poids à la cause de l’abolition de la prohibition en montrant qu’elle est parfaitement soluble y compris chez des peuples à la culture très proche de la nôtre. Il n’y a aucune raison que les immenses bénéfices de la légalisation soient réservés aux seuls pays anglo-saxons

Quelle est la position du médecin, du neurobiologiste, du pharmacologue, sur cette légalisation vue sous l’angle de ces disciplines ?

Pr. Jean Costentin : Dans ces débats philosophico-politiques sur la légalisation du cannabis, les médecins, les pharmaciens  avec  leurs académies nationales, les toxicologues, les épidémiologistes sont assez absents, n’étant pas conviés et, quand ils le sont, leurs propos sont occultés ; aussi je vous remercie, avec moi, de les interroger.

Nous affranchissant de postures idéologiques nous nous efforçons de mettre en garde contre les méfaits physiques ainsi que psychiques, nombreux et souvent graves, du cannabis.

Alors que l’on s’échine à tenter de réduire le tabagisme et ses 75.000 morts annuels, l’alcoolo-dépendance et ses 41.000 décès, ainsi que  les handicaps nombreux qu’ils recrutent, très coûteux pour la collectivité, d’aucuns voudraient ajouter le cannabis à ces fauteurs de troubles. Le cannabis est aussi toxique que le tabac pour le corps, mais il est de plus très toxique pour le cerveau.

Il faut introduire dans ce débat les méfaits physiques et psychiques du cannabis : sa toxicité cardio-vasculaire : 3ième cause de déclenchement d’infarctus du myocarde, sa responsabilité dans des artérites des membres inférieurs (pouvant imposer leur amputation), dans des accidents vasculaires cérébraux chez des sujets jeunes. Le cannabis est cancérigène pour les sphères O.R.L. et broncho-pulmonaire ; il diminue les défenses immunitaires ; il perturbe la grossesse (qui s’en trouve abrégée) et plus encore l’enfant qui en naîtra.

La consommation de cannabis par de futurs parents, transmet à leur enfant des marques épigénétiques, qui peuvent être à l’origine de malformations (effet tératogène), d’une vulnérabilité à l’autisme, d’une vulnérabilité à la schizophrénie, aux toxicomanies, aux troubles dépressifs, à des perturbations de la faculté d’apprendre, ou encore d’une diminution de ses défenses immunitaires.

Au plan psychique la consommation de cannabis/THC par un adolescent crée une ivresse, avec l’accidentalité routière ou professionnelle  associée. En 2019, 730 personnes ont été tuées dans un accident routier impliquant un conducteur sous l’emprise d’un stupéfiant qui était dans 90% des cas le cannabis.

Il  induit un effet désinhibiteur pouvant conduire à des comportements agressifs et à la libération d’autres pulsions. Il installe une addiction chez près de 20% de ceux qui l’ont expérimenté ; ils en deviennent ainsi dépendants, alors qu’on ne dispose d’aucun moyen pour les en détacher. Il suscite une escalade vers d’autres drogues, aboutissant  à des polytoxicomanies.

Son THC induit, au long cours, une anxiété, des troubles dépressifs avec des risques suicidaires en embuscade. Il peut induire de novo, ou révéler en la décompensant, la schizophrénie (la folie au sens commun du terme, cette affection dont on ne guérit pas) dont l’évolution est aggravée par le cannabis, car il produit une résistance à ses traitements.

Face à ces multiples méfaits sociaux, sociétaux, physiques, psychiques, épigénétiques, les arguments économiques avancés, tels que l’abondement par des taxes du budget de l’Etat, le développement d’une filière cannabique nationale, sont misérables et même scandaleux. « Il n’est de richesse que d’Homme », ni shooté, ni camé, ni défoncé.

S’agissant de la perception de taxes, il a été calculé au Colorado que pour l’encaissement d’un dollar de taxes, l’Etat devait débourser 4$ de frais induits (médecine de ville, hôpitaux, hôpitaux psychiatriques, accidents de la voie publique, assurances, frais de justice…) quant à l’incurie de ses consommateurs elle ne se calcule pas !

La France, qui se veut encore porteuse de messages pouvant profiter à l’humanité, n’a pas à se mettre à la remorque d’Etats qui dissolvent l’humanisme dans le lucre, les royalties et autres taxes.

Les civilisations sont mortelles et les drogues accéléreront la destruction  de celles qui ne sauront s’en prémunir.

N’oublions pas enfin que si notre Nation veut conserver son système de solidarité, d’assistance aux malades de toutes affections, aux handicapés de tous types, elle doit s’appliquer à en restreindre le nombre en ne laissant pas se multiplier les victimes des addictions.

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Ces médicaments qui soignent l’alcoolodépendance

Les traitements médicamenteux pour l’alcoolodépendance, notamment le baclofène, existent depuis bien longtemps. Efficaces en termes de consommation, ils restent mal connus.

Axelle Truquet atruquet@nicematin.fr  Publié le 28/11/2021

Illustration. Photo archives FRANTZ BOUTON

Les différents confinements et autres restrictions de circulation ont souvent mis à mal l’équilibre précaire de ceux qui souffrent d’addiction. Les professionnels de santé l’ont souligné depuis le début de la crise sanitaire. Au premier rang de ces lanceurs d’alerte, le Dr Faredj Cherikh, chef du service d’addictologie du CHU et du CSAPA de Nice (1).

« La pandémie, les mesures qu’elle a engendrées et la crise économique qui en découle pèsent lourd sur la santé mentale d’une part croissante de la population, appuie le Dr Cherikh. On assiste en particulier à une recrudescence des conduites addictives. Tabac, alcool, cannabis, médicaments psychotropes… plus d’un tiers des usagers déclarent ainsi avoir augmenté leur consommation sur les douze derniers mois. » Or, ces personnes ont besoin d’être accompagnées.

Concernant plus particulièrement la réduction des consommations d’alcool, l’une des pistes thérapeutiques possible aux côtés d’un indispensable suivi psycho-social est médicamenteuse.

« Deux molécules existent à cette fin, le nalméfène et le baclofène, décrit le Pr Benoît Trojak, chef du service d’addictologie au CHU de Dijon. Trois autres sont disponibles mais elles sont indiquées, elles, dans l’aide au sevrage. »

Le psychiatre pointe plus spécifiquement l’intérêt du baclofène. « La posologie est variable et les doses asymétriques: de 2 à 4 par jour avec une administration calquée sur les besoins du patient. » Cela diffère donc du nalméfène, délivré à raison d’un comprimé par jour.

Éducation,consommation, évolution

« Pour parvenir à une réduction significative de la consommation d’alcool, trois choses sont fondamentales : l’éducation du patient, l’estimation de sa consommation et le suivi de son évolution », insiste le Pr Trojak.

Car, à brûle-pourpoint, peu de personnes savent calculer les unités d’alcool: combien y en a-t-il dans une canette de bière forte? Dans une bouteille de vin? « On considère qu’une unité (ou un verre), c’est 10 g d’éthanol. Cela correspond à un ballon de vin (10 cl), un demi de bière (25 cl), un verre de pastis (3cl). Une fois qu’on l’a expliqué au patient, il s’agit de calculer avec lui sa consommation de base qui permet d’analyser les évolutions. Pour cela, on va reporter le nombre de verres bus au cours des 14 ou 28 derniers jours, en s’aidant des dates repères (anniversaires, événements particuliers, etc.). Cela nous permet d’une part de repérer les jours à forte consommation (c’est-à-dire 6 verres ou plus pour un homme, 4 pour une femme), d’autre part de calculer la consommation journalière moyenne. En fonction de toutes ces informations, on va proposer une stratégie thérapeutique et un suivi durant lequel il faudra poursuivre cette comptabilité. »

Adapter la posologie aux habitudes de vie

Lorsque l’objectif est la réduction de la consommation d’alcool (pour atteindre moins de 4 verres par jour chez un homme et 2 chez une femme), il est possible de prescrire du baclofène, mais seulement, selon l’AMM (Autorisation de mise sur le marché), après échec des autres traitements.

« On peut alors prescrire des doses asymétriques (en ne dépassant pas les 80mg/jour) c’est-à-dire d’adapter les prises en fonction du moment où le patient sait qu’il va avoir envie de boire. D’où l’importance d’analyser sa consommation. Mais il faut aussi prendre en compte les impératifs de vie, comme la conduite automobile, parce que le médicament peut engendrer un peu de somnolence. »

Ainsi, chez certains, le traitement sera le mieux adapté lorsqu’il est pris en fin de journée car c’est en rentrant chez eux qu’ils ont l’habitude de boire; alors que pour d’autres, il sera réparti matin, midi et soir car cela correspond à leurs habitudes de consommation. Le médecin insiste sur le suivi : « C’est ce qui va permettre d’adapter la posologie à la personne et ainsi atteindre l’objectif fixé. »

Dans tous les cas, lorsque quelqu’un souffre d’addiction ou sent que sa consommation (quel que soit le produit: alcool, tabac, drogue, nourriture, etc.) tend vers l’excès, il est conseillé d’en parler. Avec son médecin traitant ou un professionnel de santé mentale qui pourront, le cas échéant orienter vers une prise en charge adaptée.

1. Il présidait dernièrement un congrès dédié à ce thème, aux côtés des Prs Michel Benoît, chef du service de psychiatrie, Albert Tran, chef du service d’hépatologie du CHU de Nice et du Pr Amine Benyamina, chef du service psychiatrie et addictologie de l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif.

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« il faudrait renforcer la prévention et la répression »

Le Maire du 15ème arrondissement à Paris

Arythmie cardiaque : le vrai danger c’est l’alcool

Par Mégane Fleury

À l’inverse, la caféine et le manque de sommeil ne semblent pas avoir d’effets sur le rythme cardiaque.


L’ESSENTIEL

  • Il faut un examen médical complet, et plusieurs tests cardiaques pour détecter l’arythmie.
  • La prise en charge de l’arythmie repose sur des médicaments, sur le changement de certaines habitudes de vie ou sur une intervention chirurgicale.
  • Environ 700 000 personnes seraient concernées en France par la fibrillation atriale.

Notre cœur bat généralement entre 50 et 100 fois par minute. Lorsque les battements sont irréguliers, il s’agit d’artyhmie cardiaque. Cette pathologie peut avoir plusieurs causes : des lésions liées à une crise cardiaque, du diabète, le stress ou encore l’apnée du sommeil. Dans JAMA Cardiology, une équipe de recherche de l’université de Californie – San Diego montre que les origines du trouble ne sont pas toujours celles que l’on croit. Ils ont testé plusieurs hypothèses avec un groupe de volontaires pour le prouver. 

Qu’est-ce que l’arythmie cardiaque ? 

L’arythmie peut se manifester de plusieurs manières : elle peut ralentir ou accélérer le rythme cardiaque. Dans le premier cas, il s’agit de brachycardie, lorsque les battements cardiaques sont inférieurs à 60 par minute. À l’inverse, s’il y a plus de 100 battements du cœur par minute, c’est de la tachycardie. La fibrillation cardiaque est caractérisée par des contractions désordonnées. Ces différentes pathologies peuvent se manifester par un essoufflement, de la fatigue, des étourdissements, des palpitations ou des douleurs à la poitrine. Parfois, les personnes concernées ne ressentent aucun symptôme. 

Quelles sont les facteurs déclencheurs supposés ? 

450 personnes ont participé à cette recherche. Elles ont utilisé un appareil d’enregistrement d’électrocardiogramme ainsi qu’une application téléphonique pour noter les déclencheurs potentiels de leur arythmie : boire de l’alcool ou consommer de la caféine, dormir sur le côté gauche ou ne pas dormir suffisamment, manger un gros repas, une boisson fraîche ou s’en tenir à un régime particulier, faire de l’exercice ou toute autre chose qu’ils pensaient être impliquée dans leur arythmie. La caféine était perçue par les participants comme l’une des causes principales de l’arythmie, en réalité, les données montrent qu’il n’y a pas de lien entre les deux. Des recherches ont même montré que le café pouvait avoir un effet protecteur sur le rythme cardiaque. 

Des troubles mortels

Selon les conclusions des auteurs, l’alcool est le seul déclencheur : lors de l’étude, la consommation de boissons alcoolisées était systématiquement associée à une dérégulation du rythme cardiaque. Ils rappellent que ces troubles cardio-vasculaires contribuent à plus de 150 000 décès chaque année aux États-Unis. Ce taux de mortalité a n’a cessé d’augmenter depuis vingt ans.  

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Voici 6 signes qui prouvent que votre rapport à l’alcool est TRÈS malsain

MÉLISSA SEKKAL  

Avec l’alcool, quand peut-on parler de dépendance ? Certains signes problématiques doivent vous alerter; vous avez peut-être besoin d’aide pour vous sevrer.

Après les mois difficiles que nous venons de traverser – durant lesquels confinement et couvre-feu sont devenus la norme – quelques mauvaises habitudes ont pu plus facilement se greffer à notre routine. Manque d’activités, ennuiclimat anxiogène… Force est de constater que ce genre de situation se veut propice au développement de certaines addictions dont celle à l’alcool fait partie.

Le plus souvent, la limite est fine entre consommer de l’alcool par plaisir et en consommer par besoin. À partir de quel moment peut-on dire que le rapport entretenu avec l’alcool dérive vers le malsain ? C’est la question que nous nous sommes posée ici. 

DÉPENDANCE À L’ALCOOL : 6 SIGNES RÉVÉLATEURS

Votre entourage s’inquiète

De plus en plus, vos proches vous font des remarques quant à votre consommation d’alcool ? Ces derniers ont peut-être perçu quelque chose que vous ne pouvez – ou ne voulez – pas voir… Vous devriez prendre au sérieux ces observations, surtout si elles viennent de personnes qui veulent votre bien. 

Vous n’envisagez pas une fête sans alcool

Pour vous, une sortie festive sans présence d’alcool est une aberration ! C’est simple, vous ne voyez pas l’intérêt de faire la fête sans consommer de boissons alcoolisées. S’amuser sans boire, c’est possible ça ? Vous êtes même prête à refuser une invitation pour ce motif. Une fois de plus, il s’agit d’un signe qui devrait vous alerter.

Vous tolérez mieux l’alcool qu’avant

Vous avez remarqué être en capacité de boire beaucoup plus d’alcool avant de ressentir les premiers signes de l’ivresse ? Cela signifie que votre organisme a fini par s’habituer et qu’il résiste désormais à de plus grandes quantités de boissons alcoolisées. Si certains considèrent cela comme une fierté, sachez qu’il s’agit plutôt d’un signe particulièrement inquiétant.

Vous consommez plus d’alcool qu’avant

Étant donné que vous tolérez mieux l’alcool désormais, vous avez tendance à en boire de plus en plus. Cela se traduit à la fois par une consommation en plus grande quantité, afin d’en ressentir les effets, mais aussi par une fréquence plus rapprochée et régulière. Résultat : il n’est pas rare que vous vous retrouviez à consommer bien plus d’alcool que vous ne le souhaitiez initialement.

Vous remarquez également des signes physiques

Votre peau est plus terne, plus sèche, votre mine a l’air plus fatiguée ? Vous ressentez des picotements et des engourdissements dans les extrémités de votre corps ? Vous souffrez de troubles digestifs (de reflux gastriques ou de brûlures d’estomac par exemple) ? Vous avez pris ou perdu du poids de manière inexpliquée ? Sachez que tous ces symptômes physiques peuvent être liés à votre consommation d’alcool.

Malgré tout cela, vous continuez à consommer de l’alcool

Tous ces signes ayant un impact sur vos relations avec les autres, votre apparence ou même votre santé, vous ne pouvez que les constater. Pourtant, cela ne vous empêche pas de continuer à consommer de l’alcool, un peu comme si vous ne pouviez pas vous en sevrer. Cela peut une nouvelle fois témoigner d’un rapport malsain à l’alcool, voire d’une addiction.

ALCOOLISME : IL EST TEMPS DE VOUS FAIRE AIDER !

Si vous vous êtes reconnue dans l’un ou plusieurs points cités précédemment, cela signifie que votre consommation d’alcool devient problématique. Vous allez peut-être avoir besoin de l’aide d’un professionnel et il n’y a aucun mal à ça ! Ce dernier saura évaluer votre problème et vous aider à le régler au travers de moyens adaptés. Alors, pourquoi hésiter à consulter ?

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Pourquoi a-t-on envie de fumer une cigarette quand on boit de l’alcool?

Robin Tutenges — 22 novembre 2021

Un vilain cercle vicieux, dans lequel il ne vaut mieux pas s’empêtrer.

Fumer et boire sont terriblement mauvais pour la santé. | Diego Indriago via Pexels
Fumer et boire sont terriblement mauvais pour la santé. | Diego Indriago via Pexels

Il y a des êtres singuliers, que l’on peut observer en fin d’après-midi ou en début de soirée, au moment où leur vraie nature surgit. Des êtres qui, toute la journée, refusent les invitations à fumer une cigarette. «Je ne fume pas, merci», lancent-ils parfois, suscitant l’admiration des masses accros au tabac. Mais, une fois qu’ils sont attablés à un bar, pinte de bière ou verre de vin sous le pif, leur discours change du tout au tout: une gorgée d’alcool et l’envie de fumer surgit. «Je fume seulement quand je bois», expliquent-ils alors timidement, tout en grattant une clope. Il a bon dos, le non-fumeur.

Les habitués du tabac peuvent se moquer. Eux plus que quiconque sont esclaves de ce drôle de phénomène. Verre en main, l’envie de fumer est irrésistible, au point d’enchaîner cigarettes et gorgées à un rythme effréné. C’est un fait: quand on boit, l’envie de fumer est exacerbée. Derrière ce désir incontrôlable se cache en fait une explication scientifique.

Fumer, c’est repartir

On s’en doute, associer cigarette et alcool entraîne d’une manière ou d’une autre une sensation de plaisir. Sinon, peu de gens y trouveraient un intérêt. Une découverte scientifique confirme cette hypothèse: fumer et boire actionnent simultanément le système de récompense dans le cerveau, créant un sentiment d’euphorie. Le plaisir, lui, n’en est que décuplé.

Cet état de bien-être est loin d’être la seule explication. Un autre phénomène entre dans la danse, bien plus insidieux encore. Il concerne directement les effets qu’entraînent les deux substances sur le corps humain. Des effets qui se nourrissent mutuellement, engouffrant le consommateur dans un dangereux cercle vicieux.

«La nicotine affaiblit l’effet de fatigue induit par l’alcool en stimulant la zone du cerveau qui contrôle le sommeil.»

Mahesh Thakkar, directeur de recherche

Pour les besoins d’une étude publiée dans la revue Journal of Neurochemistry, des scientifiques de l’université du Missouri, aux États-Unis, ont équipé des rats d’électrodes, avant de les exposer à du tabac et à de l’alcool (pas sûr que les rongeurs aient eu leur mot à dire dans l’affaire). En observant les résultats, les chercheurs ont remarqué que la nicotine contenue dans les cigarettes permettait de réduire la somnolence. Une somnolence elle-même provoquée par la consommation d’alcool. Vous voyez le genre.

«Nous avons découvert que la nicotine affaiblit l’effet de fatigue induit par l’alcool en stimulant une réponse dans une zone particulière du cerveau, le proencéphale basal (région du cerveau contrôlant le sommeil)», explique Mahesh Thakkar, membre de l’étude, cité par le média Sciences et Avenir. L’effet léthargique de l’alcool serait donc contrebalancé par la sensation de dynamisme qu’entraîne la consommation de cigarettes. Pour faire simple: quand on boit on s’endort, quand on fume on se réveille. Le terrain parfait pour une escalade des vices.

Pire, quand ce dangereux mécanisme s’installe, il devient encore plus difficile de s’en débarrasser. À chaque verre, la recherche de ce plaisir de récompense s’associe à l’effet de fatigue qu’entraîne la consommation d’alcool, à la recherche d’un esprit festif et à la sensation d’énergie que vous apporte la cigarette. Difficile alors de ne pas craquer, de plonger à nouveau sa main dans un paquet, surtout quand, autour, les gens fument à tout va.

Arrêter de boire pour arrêter de fumer

On ne va pas vous refaire le topo. On le sait, fumer et boire sont terriblement mauvais pour la santé. Foie, poumons, cœur, vaisseaux… tout morfle lorsqu’on consomme des cigarettes ou de l’alcool. Alors mélanger les deux n’est clairement pas la meilleure des choses à faire pour votre corps. Notamment quand on est jeune.

Certains dégâts de ce cocktail néfaste sont déjà visibles dès l’adolescence, selon une étude parue en 2018 dans l’European Heart Journal. Fumer et boire à cette tranche d’âge entraîne par exemple une rigidité des artères et un risque de maladies cardiovasculaires. En outre, après 100 cigarettes, soit quatre par jour pendant moins d’un mois, les ados ont des artères environ 4% plus rigides que celles des non-fumeurs.

Alcool et tabac ne font clairement pas bon ménage. Pas de quoi vous faire arrêter pour autant ce dangereux cocktail? Voici un argument infaillible: associé à l’alcool, le tabac pourrait aggraver la gueule de bois.

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Pourquoi supporte-t-on moins bien l’alcool en vieillissant?

Une étude américaine datant de 2012, menée sur 113 étudiants, a montré que ceux qui fumaient et buvaient en soirées présentaient des symptômes plus fréquents et plus sévères de gueule de bois. Un argument de poids pour stopper totalement la cigarette, ou même l’alcool (sans aucun doute le meilleur moyen de dire adieu à la gueule de bois). De toute façon, pour faire une croix sur la cigarette, rien de mieux que de surveiller son débit de boissons.

La meilleure façon d’arrêter définitivement l’une des deux habitudes reste de limiter la consommation de l’autre. Autrement dit: pour arrêter d’enchaîner cigarette sur cigarette, mieux vaut arrêter de s’enfiler en toute insouciance des verres d’alcool dans le gosier.

Source

Le CBD en France

(JT de TF1 le 22/11/2021)

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Le sujet commence à 16’58 » (durée 5‘)

En un an, 100.000 morts: l’autre épidémie qui ravage les États-Unis et menace l’Europe

19.11.2021
Comprimés - Sputnik France, 1920, 19.11.2021

© Photo Pixabay

Les États-Unis vivent la pire épidémie d’addiction de leur histoire. Un funeste record dû à l’explosion de la consommation d’opioïdes. Une crise qui frappe de manière disproportionnée les « populations blanches rurales paupérisées ». Demain chez nous?100.306 exactement.

C’est le nombre de décès par overdose aux États-Unis entre avril 2020 et avril 2021. 274 chaque jour. Une augmentation de 28,5% par rapport à la même période l’année précédente (78.056 décès), selon des chiffres provisoires publiés le 17 novembre par les centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC).

Au cœur de cette crise de santé publique: « les opiacés de synthèse« , a expliqué lors d’une conférence de presse Deb Houry, l’une des cadres dirigeantes des CDC.Il s’agit d’une autre « épidémie » s’est inquiété Joe Biden dans un communiqué commentant la parution de ces chiffres. « Alors que nous continuons à faire des progrès pour vaincre la pandémie de Covid-19, nous ne pouvons pas ignorer cette épidémie de disparitions qui a touché des familles et des communautés à travers tout le pays« , a indiqué le Président des Etats-Unis.

Le phénomène avait déjà atteint un seuil critique en 2016 et 2017, au point d’avoir fait baisser l’espérance de vie des Américains ces années-là.

Crise politique et sanitaire

Les opiacés, comme le fentanyl, la morphine ou l’oxycodone sont à l’origine des médicaments destinés à calmer la douleur. Ils émettent des signaux qui atténuent la perception de la souffrance et renforcent la sensation de plaisir. À faible dose, les opioïdes peuvent provoquer une sensation de sommeil, mais à forte dose, ils peuvent ralentir la respiration et le rythme cardiaque, ce qui peut entraîner la mort.

Ceux-ci sont extrêmement addictifs et sont facilement accessibles, puisqu’une simple ordonnance suffit pour s’en procurer. Ils mènent généralement à une addiction aux drogues de la famille des opioïdes, comme l’héroïne.Faits diversPlus de 100.000 Américains morts par surdose de médicaments en un anHier, 16:39Le CDC estime que le « fardeau économique » de l’abus d’opioïdes sur ordonnance aux États-Unis est de 78,5 milliards de dollars par an.

C’est la plus importante épidémie de drogue de l’histoire des États-Unis, selon la chaîne PBS. Mais cette crise n’est pas uniquement qu’une question de santé publique. Elle est aussi éminemment politique et sociale explique à Sputnik Olivier Piton, avocat qui a un cabinet à Paris et un à Washington, observateur assidu de la société américaine. »C’est un phénomène dont on a pris la mesure au début du mandat de Donald Trump. C’est un type de drogue et d’addiction qui touche en particulier les populations blanches paupérisées », explique-t-il.

En effet, la dépendance aux opioïdes « ne se limite pas aux grandes villes« , précise le CDC. Les effets de l’épidémie d’opioïdes « sont plus intenses dans les communautés rurales où les possibilités d’emploi sont souvent limitées et où l’isolement est omniprésent. Entre 1999 et 2015, les taux de mortalité liés aux opioïdes dans les zones rurales ont quadruplé chez les 18-25 ans et triplé chez les femmes. » »Ça ne veut pas dire qu’il n’y a que les populations blanches paupérisées », précise Olivier Piton.

En effet, « si la crise des opioïdes a été caractérisée par le fait qu’elle touche principalement les Américains blancs, un nombre croissant de Noirs américains ont également été touchés« , rappelle le New York Times. De 2018 à 2019, le taux de décès dus aux opioïdes chez les Noirs a augmenté de 38%. Toutefois, « en proportion des autres drogues, la portion des populations blanches paupérisées est surreprésentée« , résume Olivier Piton.

Pire épidémie d’addiction de l’histoire des USA

« C’est dû à un déclassement lié à la crise économique et sociale qui mène à une paupérisation générale, y compris chez les Blancs« , explique-t-il, avant de poursuivre: « C’est cette même population qui avait amené Trump au pouvoir« . Péjorativement qualifiées de « White trash » (littéralement « déchets blancs« ), ces populations majoritairement rurales, qui se décrivent elles-mêmes comme la « majorité silencieuse« , ont été abandonnées économiquement et politiquement par l’État. En 2015, 16,7% de la population rurale était pauvre, contre 13,0% de la population urbaine dans son ensemble et 10,8% parmi les personnes vivant dans les zones suburbaines aisées.

Ces populations blanches rurales ont effectivement été frappées de plein fouet par la désaffection progressive de nombreux centres industriels qui, jadis, faisaient la force du pays. À cette peine économique s’ajoute une autre, peut-être plus profonde encore, une souffrance politique:« Pendant un certain nombre d’années, et particulier sous le mandat d’Obama, on a refusé de considérer la majorité blanche pour ce qu’elle était. Jusqu’à Donald Trump, dans le spectre de l’offre politique, ces populations-là se sont senties abandonnées par le pouvoir politique », explique Olivier Piton.

Prise en étau entre la misère sociale et l’invisibilité politique, une partie de cette population s’est ainsi tournée vers ces paradis artificiels. « Ça a fait des ravages énormes« , poursuit notre interlocuteur.Face à cette crise, le gouvernement Trump avait décrété en 2017 « l’état d’urgence de santé publique« .

Le 45e Président des États-Unis avait débloqué une enveloppe de trois milliards de dollars par an pour faire face à l’épidémie et mis en place une série de mesures, mais celles-ci n’ont eu qu’un effet limité pour contenir l’épidémie.Malgré les effets positifs de ces politiques les premières années, avec un nombre de décès par overdose de médicaments en baisse par rapport à son niveau record de 2017 à 2018, la pandémie de Covid-19 est venue mettre un coup d’arrêt à cette dynamique positive.

Internationalisation de l’épidémie

Après la publication de ces chiffres alarmant ce 17 novembre par le CDC, le gouvernement Biden a annoncé prévoir d’améliorer l’accès à la naloxone, un antidote capable de contrer une overdose. Mais pour Olivier Piton, le problème est ailleurs: « les mesures médicales sont de surface, le fond reste que ces populations blanches sont paupérisées. Il faut traiter le problème à la racine. »

D’autant que, comme le Covid-19, cette épidémie se diffuse.Désormais, « les opioïdes touchent toutes les couches de la société: les cols bleus, les cols blancs, tout le monde. Ça ne s’arrête pas. C’est tous les jours. Et ça ne va pas en s’améliorant », s’alarmait dans les colonnes du Times Walter Bender, shérif adjoint dans le comté de Montgomery, dans l’Ohio.L’épidémie a également fait son trou chez le voisin canadien. La consommation d’opiacés y a explosé.

Le nombre d’hospitalisations dues à une intoxication aux opioïdes au Canada a augmenté de plus de 50% entre 2007-2008 et 2016-2017, selon un récent rapport publié par l’Institut canadien d’information sur la santé.Et doucement, mais sûrement, ces opioïdes, qui peuvent être fabriqués en laboratoire, traversent l’Atlantique et viennent faire des ravages en Europe, notamment en France.

En Europe, 5.000 décès par surdose d’opiacés ont été enregistrés en 2019 (+3% par rapport à 2018).

En 2019 en France, 450 personnes sont mortes à la suite d’une overdose d’opioïdes.

En 2021, l’accoutumance à ces substances provoque encore cinq morts par semaine. Et comme aux États-Unis, ce fléau affecte de manière disproportionnée les zones rurales victimes de la désindustrialisation.Cinq personnes meurent chaque semaine d’overdose en France, un chiffre sous-estimé3 Septembre, 10:11Dans une étude de 2014 sur l’usage de drogues en milieu rural, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) mettait en lumière la surconsommation d’opiacés ou d’opioïdes dans les communautés rurales françaises.

À partir de l’exemple du nord de la Meuse, « un territoire marqué par la relégation de ses habitants, due notamment à l’absence de proximité d’un centre urbain dynamique« , l’OFDT a constaté un phénomène de cause à effet entre une très forte prévalence de consommation d’héroïne et d’interpellations pour usage illicite d’opiacés et le sentiment d’abandon politique et économique.

Laurent*, 28 ans, ancien SDF devenu mécanicien et consommateur d’opioïdes, habitant pour sa part le département du Loiret, en région Centre-Val de Loire, incarne le consommateur français-type: dans les colonnes du Monde, il raconte attendre le passage du camping-car de l’association d’aide aux usagers Espace deux fois par mois. Il vient y chercher « du matériel propre et des conseils » sur la consommation. « Cela m’évite de réutiliser mes seringues« , explique-t-il.

Comme lui, ils sont de plus en plus nombreux à tomber dans cette dépendance extrêmement dangereuse pour la santé. Contrairement au monde associatif qui se mobilise, l’État français ne semble pas encore avoir pris la mesure du danger que peut causer cette épidémie. Un problème encore trop éloigné des métropoles que bichonnent les décideurs politiques, sans doute.

*Le prénom a été modifié

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