Les traitements médicamenteux pour l’alcoolodépendance, notamment le baclofène, existent depuis bien longtemps. Efficaces en termes de consommation, ils restent mal connus.
Axelle Truquet atruquet@nicematin.fr Publié le 28/11/2021

Les différents confinements et autres restrictions de circulation ont souvent mis à mal l’équilibre précaire de ceux qui souffrent d’addiction. Les professionnels de santé l’ont souligné depuis le début de la crise sanitaire. Au premier rang de ces lanceurs d’alerte, le Dr Faredj Cherikh, chef du service d’addictologie du CHU et du CSAPA de Nice (1).
« La pandémie, les mesures qu’elle a engendrées et la crise économique qui en découle pèsent lourd sur la santé mentale d’une part croissante de la population, appuie le Dr Cherikh. On assiste en particulier à une recrudescence des conduites addictives. Tabac, alcool, cannabis, médicaments psychotropes… plus d’un tiers des usagers déclarent ainsi avoir augmenté leur consommation sur les douze derniers mois. » Or, ces personnes ont besoin d’être accompagnées.
Concernant plus particulièrement la réduction des consommations d’alcool, l’une des pistes thérapeutiques possible aux côtés d’un indispensable suivi psycho-social est médicamenteuse.
« Deux molécules existent à cette fin, le nalméfène et le baclofène, décrit le Pr Benoît Trojak, chef du service d’addictologie au CHU de Dijon. Trois autres sont disponibles mais elles sont indiquées, elles, dans l’aide au sevrage. »
Le psychiatre pointe plus spécifiquement l’intérêt du baclofène. « La posologie est variable et les doses asymétriques: de 2 à 4 par jour avec une administration calquée sur les besoins du patient. » Cela diffère donc du nalméfène, délivré à raison d’un comprimé par jour.
Éducation,consommation, évolution
« Pour parvenir à une réduction significative de la consommation d’alcool, trois choses sont fondamentales : l’éducation du patient, l’estimation de sa consommation et le suivi de son évolution », insiste le Pr Trojak.
Car, à brûle-pourpoint, peu de personnes savent calculer les unités d’alcool: combien y en a-t-il dans une canette de bière forte? Dans une bouteille de vin? « On considère qu’une unité (ou un verre), c’est 10 g d’éthanol. Cela correspond à un ballon de vin (10 cl), un demi de bière (25 cl), un verre de pastis (3cl). Une fois qu’on l’a expliqué au patient, il s’agit de calculer avec lui sa consommation de base qui permet d’analyser les évolutions. Pour cela, on va reporter le nombre de verres bus au cours des 14 ou 28 derniers jours, en s’aidant des dates repères (anniversaires, événements particuliers, etc.). Cela nous permet d’une part de repérer les jours à forte consommation (c’est-à-dire 6 verres ou plus pour un homme, 4 pour une femme), d’autre part de calculer la consommation journalière moyenne. En fonction de toutes ces informations, on va proposer une stratégie thérapeutique et un suivi durant lequel il faudra poursuivre cette comptabilité. »
Adapter la posologie aux habitudes de vie
Lorsque l’objectif est la réduction de la consommation d’alcool (pour atteindre moins de 4 verres par jour chez un homme et 2 chez une femme), il est possible de prescrire du baclofène, mais seulement, selon l’AMM (Autorisation de mise sur le marché), après échec des autres traitements.
« On peut alors prescrire des doses asymétriques (en ne dépassant pas les 80mg/jour) c’est-à-dire d’adapter les prises en fonction du moment où le patient sait qu’il va avoir envie de boire. D’où l’importance d’analyser sa consommation. Mais il faut aussi prendre en compte les impératifs de vie, comme la conduite automobile, parce que le médicament peut engendrer un peu de somnolence. »
Ainsi, chez certains, le traitement sera le mieux adapté lorsqu’il est pris en fin de journée car c’est en rentrant chez eux qu’ils ont l’habitude de boire; alors que pour d’autres, il sera réparti matin, midi et soir car cela correspond à leurs habitudes de consommation. Le médecin insiste sur le suivi : « C’est ce qui va permettre d’adapter la posologie à la personne et ainsi atteindre l’objectif fixé. »
Dans tous les cas, lorsque quelqu’un souffre d’addiction ou sent que sa consommation (quel que soit le produit: alcool, tabac, drogue, nourriture, etc.) tend vers l’excès, il est conseillé d’en parler. Avec son médecin traitant ou un professionnel de santé mentale qui pourront, le cas échéant orienter vers une prise en charge adaptée.
1. Il présidait dernièrement un congrès dédié à ce thème, aux côtés des Prs Michel Benoît, chef du service de psychiatrie, Albert Tran, chef du service d’hépatologie du CHU de Nice et du Pr Amine Benyamina, chef du service psychiatrie et addictologie de l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif.
29 novembre 2021 at 05:31
Merci pour cet article sur le traitement de l’alcool-dépendance André Badiche. psychiatre des hopitaux
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