
Claude ADOLPHE nous a quittés le 3 Novembre 2014 à l’issue d’une longue maladie d’abord maîtrisée, puis acceptée avec courage et discrétion.
Il était notre référence dans la qualité de l’exercice professionnel. C’était aussi un ami fidèle, celui de tous les combats, scientifiques et sanitaires mais aussi plus personnels, philosophiques et humains. Nous partagions ses convictions morales, son sens des valeurs et ses engagements.
Claude avait reçu une double formation, il était pharmacien, diplômé de la Faculté de Pharmacie de Paris et physicien, titulaire d’une licence puis d’un doctorat ès Sciences physiques obtenus à la Faculté des Sciences. Cette double qualification lui a permis d’accéder rapidement au professorat ; agrégé à 33 ans, il est devenu l’un des plus jeunes titulaires cinq ans plus tard.
Il a poursuivi parallèlement une carrière hospitalière féconde. Interne en pharmacie des hôpitaux de Paris (reçu second), chef de laboratoire puis pharmacien-chef des hôpitaux de Paris, il termina sa carrière en tant que chef de service de biologie de l’Hôtel-Dieu.
Parallèlement, comme le veut la fonction de professeur des universités-praticien hospitalier (PU-PH), il a développé une activité de recherche en physique structurale d’abord orientée vers l’organisation atomique de substances minérales comme les sulfures de lanthanides puis très vite vers la cristallographie de molécules biologiques correspondant à ses activités hospitalières. Deux étapes ont marqué ce volet recherche : une mission à Berkeley et la création d’un laboratoire de biocristallographie et RMN biologiques (UMR 8015, CNRS). Ses travaux ont donné lieu à plus de 100 publications écrites, affichées ou sous forme de conférences nationales et internationales.
Il a été appelé à prendre des responsabilités administratives importantes. Dans l’enseignement supérieur il fut Président de l’UER des Sciences pharmaceutiques appliquées à la biologie, membre élu du Conseil de faculté puis du CNU. Il a présidé et participé à plusieurs jurys d’agrégation. Dans le domaine de la Santé publique, il fut expert auprès de la Cour d’appel de Paris, Président de la Commission chargée par le Directeur général de la Santé du contrôle de la publicité des objets, appareils et méthodes présentés comme bénéfiques pour la santé
Derrière le professionnel se cachait l’homme de conviction. Après les événements de Mai 68 il devint secrétaire général du syndicat autonome des enseignants de pharmacie : il le restera pendant 10 ans. Il rejoindra quelques années plus tard le cabinet de François Fillon alors ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche : le résultat dont il était le plus fier était d’avoir obtenu le rétablissement du concours d’agrégation pour la nomination des professeurs d’université, selon lui la meilleure méthode de sélection. Il avait pu obtenir également que les étudiants en pharmacie disposent d’un enseignement hospitalier (loi J. Delong), à l’évidence nécessaire, qui a été jusqu’à une date récente le seul cadre administratif à la disposition des pharmaciens hospitaliers.
Au titre du bénévolat, il a participé aux activités du Secours catholique et de l’enseignement dit « de l’école à l’hôpital » apportant un enseignement individuel personnalisé à des élèves et à des étudiants hospitalisés leur permettant de terminer leurs années d’études avec succès ou même de réussir certains concours universitaires.
Voici une vie professionnelle particulièrement bien remplie. La nation ne s’y est pas trompée, elle lui a décerné les distinctions de Chevalier de l’Ordre des Palmes Académiques et d’Officier dans l’Ordre National du Mérite.
Un détail très significatif révèle l’engagement professionnel de Claude. Lorsqu’on l’interrogeait sur la plus forte de ses motivations, il répondait sans hésiter « ma passion pour l’enseignement ». L’exercice pédagogique qui consistait à lire avec lui, un article scientifique, à en faire l’analyse pour en dégager les lignes de force avant de les restituer soit sous forme d’un rapport soit, de façon plus concise pour une question d’oral d’internat de dix minutes, était un moment fort, privilégié, riche d’enseignement et contagieux. Il alliait un esprit logique et rationnel qu’il a su transmettre.
Ses étudiants ont salué la qualité de ses cours en lui remettant une distinction qui leur était propre, après un vote à bulletin secret sur la valeur de l’enseignement reçu : elle s’appelle le caducée, il l’a reçue quatre fois puis, en fin de carrière, le caducée d’honneur pour l’ensemble de son enseignement.
Tous ses élèves s’en souviennent aussi. L’auteur de ces lignes peut en porter témoignage, il a été mon conférencier d’internat, mon chef de laboratoire à l’Hôtel-Dieu et celui qui m’a convaincu de l’importance de l’enseignement oral direct lorsqu’il est construit, clair, précis. Il a été à l’origine de mes choix universitaire et hospitalier. Il a aussi soutenu dés ses débuts la lutte contre les drogues qu’avec quelques collègues pharmaciens, nous menons dans le cadre du Centre National de Prévention, d’Etudes et de Recherches sur les drogues et les Toxicomanies (CNPERT) : il a été un des premiers abonnés du blog (que vous lisez) et n’a ménagé ni son soutien, ni ses conseils. Un de nos piliers dans ce combat difficile a disparu et nous manquera.
L’originalité de sa réflexion se retrouvait aussi dans ses convictions chrétiennes non seulement compatibles mais indissociables, partie intégrante de ses choix scientifiques
Ainsi, beaucoup d’entre nous ont eu la chance de profiter de ses talents pédagogiques, de son humanisme et de bénéficier de ses conseils. Expliquant à ses élèves comment il fallait construire un projet de carrière, son message se résume ainsi : une carrière médicale doit s’appuyer d’abord sur une activité hospitalière, assumer la routine, y développer des projets de recherche et apporter un enseignement de qualité. Le message est reçu et transmis, merci Claude, nous ne l’oublierons pas.
Nous présentons à Monique, son épouse qui a du l’aider, l’entourer et l’accompagner de façon aussi efficace que discrète, nos sentiments amicaux de vive sympathie.
Nous y associons ses deux fils, leurs épouses et ses quatre petits-enfants. Ils peuvent être fiers de leur héritage.
Jean-Paul Tillement
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