L’annonce de la dépénalisation du cannabis va à l’encontre de toutes les données médicales et sanitaires.
C’est au moment où les rapports nationaux et internationaux démontrent de façon indiscutable la nocivité de cette drogue et confirment ce que nous ne cessons de répéter, que cette décision est prise, incompréhensible pour beaucoup d’entre nous.
De nombreux lecteurs ont manifesté leur mécontentement, nous ne pouvons publier tous les messages reçus. En revanche, c’est bien volontiers que nous publions le texte de notre Président qui rassemble les arguments reçus, renouvelle nos mises en garde et suggère des limitations sensibles aux mesures annoncées.
Le ministre de l’intérieur veut dépénaliser le cannabis.
Comment empêcher ou sinon limiter cette catastrophe sanitaire et sociétale ?
Pr. Jean Costentin* Président du Centre National de Prévention d’Etudes et de Recherches sur les Toxicomanies
Le candidat E. Macron, pour souligner la jeunesse de son programme et capter les suffrages des consommateurs de cannabis a, parmi ses produits d’appel électoraux, fait allusion à la dépénalisation de cette drogue.
Cette aberration réapparait aujourd’hui, comme si le ministre de l’intérieur (G. Collomb) n’avait de plus grandes urgences à traiter. Il se dit prêt à infliger à notre pays, plus vulnérable aux drogues que tous autres, l’abattage d’une de nos dernières digues contre les toxicomanies.
Déni sanitaire, erreur sociétale, cette dépénalisation revêt des aspects criminels.
Les élections législatives étant imminentes, nous devons nous enquérir auprès des candidats qui se présentent à nos suffrages de leur position sur ce grave problème.
Cette dépénalisation interviendrait au moment où l’on dispose de maintes précisions sur les multiples méfaits du cannabis et de son tétrahydrocannabinol (THC), largement méconnus du public, en raison de leur occultation par les médias.
La toxicité physique du cannabis l’emporte sur celle du tabac (qui tue chaque année 79.000 des nôtres ; 20 fois plus que la route Mr. le ministre), en générant 7 fois plus de goudrons cancérigènes et 5 fois plus d’oxyde de carbone (CO) avec : des cancers buccaux, laryngés, pharyngés, broncho-pulmonaires, des bronchites chroniques et broncho-pneumopathies chroniques obstructives (BPCO) ; une toxicité cardio-vasculaire (artérites, angine de poitrine, infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux..) ; des retentissements sur la grossesse et l’enfant qui en naîtra ; la suspicion d’effets épigénétiques (i.e. transmissibles à sa descendance) ; des effets perturbateurs endocriniens ; …
Au delà du tabac, le cannabis induit de nombreux méfaits cérébraux : ivresse, désinhibition, délires, hallucinations, perturbations de la conduite des véhicules et des activités professionnelles ; altération des performances éducatives et cognitives (les jeunes français, ses plus gros consommateurs en Europe, n’apparaissent qu’au 26 ième rang international du classement PISA = programme international pour le suivi des acquis des élèves (nous mettant en bien piètre position pour nous inscrire dans le challenge de la mondialisation) ; syndrome amotivationnel ; anxiété ; dépression (avec en embuscade son risque suicidaire) ; induction, décompensation, aggravation de la schizophrénie (schizophrènes dont l’espérance de vie est diminuée et dont 10% d’entre eux sont victimes de mort brutale ; incitation au passage à d’autres drogues, avec l’installation de poly toxicomanies…
Les arguments avancés en faveur de la dépénalisation sont d’une comptabilité boutiquière. Qu’il s’agisse de la suppression de la comparution des consommateurs devant des tribunaux, ce qui les désengorgerait ; ou bien l’allégement du travail de la police, sollicitée par des tâches immédiatement plus urgentes ; ou encore l’abondement du budget de la nation par les amendes perçues.
Cette dépénalisation feint d’ignorer :
- – que l’ « infraction », ne laissant aucune trace, pourra se répéter à l’infini ; elle rendra plus difficile la remontée des filières ;
- – que l’amende (≈ 100 euros) sera exceptionnellement réglée extemporanément et fréquemment non perçue.
- – que l’interpellation par le policier du consommateur ne remontera pas au niveau de ses parents, alors qu’il faut les réinvestir dans le processus éducatif.
Une enquête effectuée auprès d’adolescents ne consommant pas de cannabis nous a appris que pour 40% d’entre eux c’est en raison de la dangerosité de la drogue et pour les 60% autres, en raison de son interdiction.
Cette permissivité nouvelle donnera à penser aux premiers qu’un Etat responsable ne pouvant baisser la garde vis à vis d’un produit toxique, il ne l’est donc pas ; et aux autres que l’interdiction étant toute relative, ce ne sera plus franchir un Rubicon que de s’y adonner.
Ne soyons pas crédules, cette dépénalisation du cannabis annonce celle de toutes les drogues, et ces dépénalisations préfigurent leur légalisation.
Si, par malheur pour notre société et pour sa jeunesse, cette dépénalisation devait malgré tout prévaloir, nous proposons, pour en atténuer les méfaits :
- – La mise en place d’un fichier informatisé de ces contraventions, pour informer le policier du nombre de récidives lui permettant de déterminer en conséquence le montant de l’amende.
- – Que l’infliction de ces contraventions soit portée à la connaissance des parents du mineur, qui seraient garants de son paiement, ou qui la feraient commuer en des travaux d’intérêt général.
- – La remise systématique aux parents d’un livret les informant des risques que fait encourir la consommation de ce cannabis et des autres drogues.
- – Au delà de trois récidives le contrevenant devrait suivre un stage (payant) d’information sur les méfaits des drogues, validé par un examen ; avec redoublement du stage en cas d’échec.
- – Le dossier des infractions pourrait être communiqué aux services de recrutement pour l’accès à certains métiers incompatibles avec une consommation irrépressible.
- – Le développement d’une véritable information (quarantaine d’heures, de l’école jusqu’à l’université) sur les méfaits des drogues et toxicomanies, impliquant des praticiens du corps médical, préparés à cet exercice par un document unique et validé par un collège pluridisciplinaire.
Ceci dit, dépénaliser avant d’avoir fait fonctionner un dispositif de prévention efficace revient à mettre la charrue avant les bœuf
*Auteur de
- « Halte au cannabis » (Ed. O. Jacob) J. Costentin, 2003
- « Pourquoi il ne faut pas dépénaliser l’usage du cannabis » (Ed. O. Jacob) J. Costentin, 2013
- « Le cannabis – ses risques à l’adolescence » (Ed. Ellipses) H. Chabrol, M. Choquet, J. Costentin, 2007.
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