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septembre 2022

« Tu sais pourquoi la tortue vit cent ans ? »

Parce qu’elle ne met pas le nez dans les affaires des autres ! »

Il est grand temps de cesser de tenir un discours aseptisé sur les problèmes de drogue.

L’adolescent qui s’installe confortablement sur un canapé avec ses copines et ses copains pour fumer un joint après la classe doit savoir que, pour que la dose consommée parvienne jusqu’à lui, il s’est produit quelque part dans le monde des actes d’une violence inouïe.

Bien sûr, il le sait, direz-vous… Certes, mais il ne suffit pas de savoir, il ne suffit pas de regarder des séries télévisées sur le sujet en machouillant du chewing gum : il faut le réaliser, prendre conscience, se rendre compte et témoigner de la barbarie au quotidien.


C’est tout le mérite de l’étude d’Adèle BLASQUEZ publiée aux éditions du CNRS sous le titre «  l’aube s’est levée sur un mort », et sous-titrée « violence armée et culture du pavot au Mexique ».appelons les chiffres tout d’abord tels que les reporte Romain BUSNEL dans sa recension de l’ouvrage .

Au Mexique, la guerre contre le narcotrafic a fait près de 300 000 morts et 100 000 disparus entre 2006 et 2021.

À contre-courant des récits romancés sur le trafic de drogues et ses barons,

Adèle Blazquez, anthropologue chercheuse dépeint les conditions de vie dans une commune rurale en proie à la violence armée.


Il s’agit de Badiguarato, une commune rurale du nord du Mexique, présentée par les médias, les milieux politiques et l’industrie culturelle comme le « berceau du narcotrafic ».

Dans les chansons, films et séries – dont la célèbre « Narcos », diffusée sur Netflix – l’histoire de Badiguarato est ancrée dans celles des personnalités locales du narcotrafic, souvent présentés comme des bandits sociaux poursuivis par l’Agence antidrogues étasunienne (DEA) et à la tête de cartels se disputant l’ensemble du territoire et ses habitant·es.

À rebours de ce mythe, l’anthropologue analyse la violence non pas comme capricieuse, éruptive ou mise au service d’une guerre entre cartels, mais comme profondément ancrée dans sa société locale.

Tiré d’une thèse d’anthropologie soutenue en 2020 et aujourd’hui édité dans la nouvelle collection « Logiques du désordre » de CNRS Éditions, l’ouvrage d’Adèle Blazquez livre un regard aussi original que nécessaire sur l’envers du narcotrafic et de la violence armée au Mexique.

Mais cette monographie présente des caractéristiques qui sont universelles dans les pays dits « du Sud », que ce soit en Amérique latine ou ailleurs.
L’enquête suit divers habitant·es de Badiguarato dans leurs activités quotidiennes (« voyager », « être là », « s’en sortir »), leurs perceptions d’actes commis (« voler une femme », « tuer ») ou leur travail à la mairie
(« administrer »).

Dès le premier chapitre, Adèle Blazquez met en exergue les contraintes qui pèsent sur les habitant.es dans leurs déplacements entre le chef-lieu et les différents hameaux. « Savoir se mouvoir » et ne pas se montrer « exposé » revient alors non seulement à identifier les conflits qui émaillent les différents
lieux de la Sierra, mais surtout à connaître des personnes à même de pouvoir assurer une protection ou se porter garantes pour un trajet.

« Se faire des relations » et « faire attention » à celles-ci devient dès lors une condition sine qua non pour exister et « être là ». Les relations de prédation normalisées se reflètent dans le rapport des habitant·es à l’État, dont la présence reste avant tout matérialisée par l’armée et la répression de la culture de pavot.

L’auteure étudie la structuration économique et sociale qui découle de cette monoculture. Un détour historique montre comment certaines familles de la commune ont su tirer profit de l’enclavement de la région pour se positionner au croisement d’activités commerciales et politiques à partir de la moitié du XX e siècle.

Ces intermédiaires, communément appelés pesados (littéralement ceux qui pèsent dans la vie des gens), tirent ainsi aujourd’hui la plus-value du commerce et de la transformation du pavot. De leur côté, les paysans se contentent de cultiver précairement les fleurs et d’en extraire le latex pour le revendre immédiatement, sous risque de se le faire extorquer par la police ou l’armée.

Derrière ces rapports de domination liés à l’économie de la drogue, un usage accru de la violence s’est superposé en réponse à la répression du narcotrafic à partir les années 1980.


L’auteure montre ensuite comment la mise à mort s’inscrit également dans une logique de reproduction sociale. Illégitime et jugé irrationnel lorsqu’il est exercé par les « indigents » (p. 224), les personnes « de hameaux » (p. 232), « sans culture » (p. 232), le meurtre trouve un sens auprès de la société locale lorsqu’il est utilisé par les puissants pour sanctionner des comportements jugés déviants.

Face à cette inertie, l’action de la mairie est « réglée comme du papier à musique dans un village empreint à l’incertitude » (p.290). Meurtres et violences domestiques sont éludés au profit d’inaugurations en grande pompe, de travaux urbains et de mise à l’agenda de problèmes solubles, comme la sécurité routière.

Paradoxalement, en agissant comme si de rien n’était et en attribuant la violence à un phénomène largement extérieur à la politique, les élus locaux jouissent d’une forte visibilité nationale.


Pour conclure nous citerons un un proverbe qu’Adèle BLASQUEZ a entendu de la bouche d’un paysan : « tu sais pourquoi la tortue vit cent ans ? Parce qu’elle ne met pas le nez dans les affaires des autres ! ».


Nous avons encore la chance au CNPERT de vivre dans un pays où nous pouvons librement dénoncer les méfaits des drogues et de la toxicomanie sans être menacés physiquement.
Profitons de ce luxe qui nous est permis.

Tous n’ont pas cette chance !

 Emmanuel le Tallandier

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Place du cannabis et de ses dérivés en onco-hématologie aux Etats Unis : le « Far-West » en 2022.

DOCTEUR JOËLLE GUILHOT

Jill Sederstrom : Growing Marijuana Use – ASH Clinical News, vol.8 n° 10, August 2022 (John
Wiley & Sons on behalf of the American Society of Hematology).


Cet article résume certains aspects de l’utilisation du cannabis et de ses dérivés en onco-hématologie sur la base de réflexions orales ou écrites de spécialistes de cette discipline.
La légalisation de ces produits aux Etats Unis, à des fins médicales ou récréatives, est en augmentation.


Par ailleurs, une enquête nationale américaine sur la consommation de drogues et la santé, conduite en 2020, a indiqué que 17,9 % des personnes âgées de 12 ans ou plus (environ 49,6 millions de personnes) ont déclaré avoir consommé du cannabis au cours des 12 mois précédents.


C’est une pratique en augmentation que les hématologues constatent eux même dans leur pratique clinique. Or, on attribue aux cannabis et aux cannabinoïdes le potentiel de réduire la douleur, d’améliorer la qualité de vie, d’aider aux soins palliatifs et d’augmenter l’appétit. L’intérêt de ce type de molécules est donc à discuter dans le domaine de l’onco-hématologie, car de nombreux patients souffrent d’anxiété, de
douleurs chroniques, de nausées et perte d’appétit liées à la maladie ou à son traitement.


De nombreuses études cliniques ont été et sont encore menées mais le rapport bénéfice/risque reste difficile à établir.
Les problèmes soulignés dans cet article sont en effet multiples et relèvent de plusieurs
aspects :
a) L’absence de lois harmonisées d’un état américain à l’autre concernant le nombre de produits autorisés (le « Far-West » selon le Dr Hansra), leur formulation (plus d’une centaine selon le Pr Gupta) et leur distribution : Il est donc difficile de comparer les essais de recherche menés dans un État à un autre, d’élaborer des lignes directrices ou des conclusions uniformes. La Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis a cependant approuvé deux cannabinoïdes synthétiques : le dronabinol et le nabilone,
afin de traiter les nausées et les vomissements chez les patients qui suivent une chimiothérapie,


b) L’utilisation avouée ou non de drogues illégales, en plus de ce qui a pu être prescrit par le médecin. Toutes formes confondues beaucoup de patients en consomment estime le Dr Curtis. Dans l’une de ses études concernant la drépanocytose, en 2018, 42 % des patients adultes interrogés ont déclaré avoir consommé de la marijuana au cours des deux années précédentes, principalement à des fins «médicales».
Elle a donc décidé de favoriser l’accès légal au cannabis thérapeutique pour limiter au maximum les pratiques illégales chez ses patients, mais elle n’exclut pas que certains puissent cumuler les deux sources d’apport en même temps, augmentant ainsi le risque de toxicité. Elle souligne à quel point la conversation avec les patients concernant leurs habitudes est importante,


c) Le manque de transparence quant à la formulation de certains produits commercialisés. Le Pr Halpern ne prescrit pas de dérivés du cannabis à ses patients.

Elle estime que leur développement industriel n’est pas assez réglementé et que le produit fini fourni est en fait parfois mal connu.
Dans tous les cas la conduite d’essais thérapeutiques est rendue difficile par la complexité de la législation mais aussi parce que les patients, doivent s’engager à renoncer à toute consommation personnelle et étrangère de cannabis pour s’assurer que les résultats de l’étude sont valides.


De fait, les auteurs des études citées ici sont réservés quant aux bénéfices potentiels. Les études observationnelles auxquelles le Dr Curtis a participé concernant la drépanocytose indiquent que les patients qui ont eu du cannabis médical pour traiter leurs symptômes ont signalé une amélioration de la douleur, de l’appétit, et une diminution de l’anxiété avec, pour les formes les moins sévères de la maladie, moins de recours à des consultations médicales.

Mais elle souligne que ces résultats ne sont pas aussi solides que s’ils avaient été issus d’un essai contrôlé randomisé. Le Pr Abrams, lui, a participé à un essai croisé randomisé comparant du cannabis vaporisé (THC et CBD associé) à un produit vaporisé placebo dans la drépanocytose.
Parmi les 23 patients qui ont terminé les deux volets de traitement, les chercheurs n’ont constaté aucune différence significative dans les niveaux de douleur autodéclarés ou les symptômes liés à la maladie.


Le cannabis (CBD et THC) a aussi été proposé pour traiter la réaction du greffon contre l’hôte lors de greffe, notamment de cellules souches hématopoïétiques. Le Pr Shore a participé à une étude qui en a montré l’intérêt. Pour autant, elle préfère ne proposer le cannabis que lorsque les patients ne répondent pas aux autre traitements connus.


Le Dr Hansra, tant en hématologie qu’en cancérologie, note un intérêt dans sa pratique courante pour le dronabinol avec amélioration importante de l’appétit, des niveaux d’anxiété et des mesures de la qualité de vie. Mais il estime lui aussi que les études en cours manquent de qualité.
Par ailleurs les risques potentiels du cannabis et des cannabinoïdes ne sont pas négligeables :

  • Majoration de sentiments de désorientation, d’anxiété, de vomissements ou de nausées et de fatigue à court terme, chez certains patients et non réduction de ces symptômes comme escompté.
  • Majoration de syndrome dépressif : le Pr Franson note que même si à court terme ce symptôme à été objectivement réduit, il peut paradoxalement, se majorer à plus long terme.
  • Infections fongiques locales et pulmonaires :
    Toutes pathologies confondues, une étude observationnelle utilisant les données d’une vaste base de données sur les demandes de règlement d’assurance-maladie a indiqué que les patients qui fumaient du cannabis étaient 3,5 fois plus susceptibles de développer une infection fongique que ceux qui n’en consommaient pas.
  • Les spores fongiques sont apportées par la plante. A fortiori, les patients traités spécifiquement pour des hémopathies malignes (leucémies, syndrome myélodysplasiques …) sont donc particulièrement à risque de développer ces infections fongiques car ils sont immunodéprimés comme le souligne le
    Dr Halpern.
  • Il déconseille donc les formes inhalées ou vaporisées, tout comme le Dr Curtis, même si certains comme le Pr Abrams déclare que ces dernières contrôlent mieux l’apparition, la profondeur et la durée de l’effet thérapeutique.

Enfin, le Dr Hansra déclare que la recherche sur les interactions possibles du cannabis avec la chimiothérapie est limitée et on ne sait pas encore si cela pourrait nuire à son efficacité ou non.

Les formes orales sont en effet métabolisées par le foie.


En conclusion,

Il y a encore de nombreuses et importantes questions sans réponses au sujet du cannabis médical, de son efficacité et des populations de patients qui pourraient en bénéficier en onco-hématologie.

Du tabac dans les joints de cannabis : une réalité ignorée.

Ci dessous , la traduction de ce texte

Publié en 2015 par le Centre Européen de Traitement des Données de Consommation de Drogues et Dépendance


Traduction de Background


Contexte 
L’analyse des données recueillies pour l’ensemble des populations de l’UE montrent que :

a) le cannabis y est la drogue la plus consommée : 14,6 millions d’européens de 15-34 ans dont 8,8 millions de 125-24 ans ;

b) 1% des adultes en consomme quotidiennement ;

c) le cannabis est la drogue la plus fréquemment à l’origine de demande de traitement pour dépendance (addiction).

Traduction de The European smoking pattern


Consommation du cannabis : un mode propre à Europe
Alors qu’en dehors de l’Europe le cannabis « pur », sans substance ajoutée, est le mode courant de consommation, le consommateur européen fume un mélange de cannabis (sous forme de plante ou de résine) et de tabac, ce dernier facilitant la combustion,

Ce fait semble ignoré des épidémiologistes, chercheurs et autres professionnels du traitement des données en Europe puisque la grande majorité de leurs questionnaires de surveillance de consommation portent sur la prise de cannabis ou sur celle de tabac et non sur leur usage mixte.

Les données européennes recensant leur usage associé sont donc très limitées et par conséquent leur valeur informative n’est pas significative.

Traduction de Implications for research and interventions


Implications pour la recherche et ses applications pratiques
Négliger le co-usage cannabis-tabac n’est pas sans conséquences en termes de recherche. En Pharmaco-toxicologie par exemple, l’étude des interactions entre médicaments pris simultanément permet d’identifier par quels mécanismes les propriétés de l’un (activité, toxicité…) peuvent être modifiées par le co-usage de l’autre et d’en tirer les conséquences en thérapeutique.

On dispose bien de quelques études récentes sur la nicotine montrant que le système endocannabinoïde intervient dans l’activation des circuits de récompense, renforcement et motivation, mais en ne prenant pas en compte le mode européen de fumer, les questionnaires d’évaluation ne recueillent pas les données nécessaires pour analyser le rôle de la nicotine dans l’induction et le développement d’une dépendance au cannabis.

La pertinence de l’utilisation de tests psychométriques pour l’évaluation de la dépendance au cannabis chez le fumeur européen pose donc question puisqu’il n’est pas tenu compte de l’effet propre à la nicotine.

Lequel s’ajoute à celui du cannabis (synergie additive ?, potentialisation ?…).
En pratique, la présence de tabac dans l’évolution de la dépendance au cannabis n’est pas prise en compte par les outils d’évaluation européens.
Et même il est clair que tout comportement de dépendance est multifactoriel, y compris dans le cas du cannabis, en pratique il n’est pas d’usage en Europe de conseiller à ses consommateurs d’utiliser des substituts de la nicotine ou de la supprimer.


Conclusion
Les protocoles de surveillance et de dépistage de la dépendance au cannabis doivent être rectifiés en tenant compte de l’association cannabis-nicotine afin de recueillir des données pertinentes pour des applications efficaces chez les consommateurs européens.

Source

Drogues illicites en soins intensifs


Source Le Quotidien du Médecin – 24-09-2022

Soins intensifs cardiologiques : 9 fois plus de risque de décès ou d’urgence vitale chez les consommateurs de stupéfiants


L’étude ADDICT-ICCU, présentée par l’équipe de l’hôpital Lariboisière, recensait le pourcentage de patients consommant des drogues, parmi les 1 500 admis en Unité de soins intensifs cardiologiques pour infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque aiguë, arythmie, myocardite et embolie pulmonaire.

D’après le prélèvement des urines, 10 % consommaient des drogues (12 % d’hommes, 8 % de femmes), pour au moins une substance (9 % pour le cannabis, 2,1 % les opioïdes, 1,7 % la cocaïne, 0,7 % les amphétamines et 0,6 % la MDMA).

Cette consommation est sous-estimée puisque 43,5 % seulement déclaraient ne pas en utiliser.

Elle était associée à une probabilité d’événements indésirables majeurs (décès, arrêt cardiaque, choc
cardiogénique) près de neuf fois supérieure, après ajustement sur les comorbidités.


Le risque de complications graves était multiplié par trois pour le cannabis et par cinq pour la cocaïne, après ajustement sur l’âge et le sexe.

Il augmentait encore avec la consommation de plusieurs substances.

Qu’est-ce que le « soberversary », la nouvelle tendance en ligne qui promeut le « sans alcool » ?

Par Eva LERAY

Boire de l’alcool n’est plus tendance, ou du moins c’est ce que tente de mettre en place, le « soberversary ». Sur les réseaux sociaux, anonymes ou pas, les gens n’hésitent plus à célébrer publiquement leur sobriété. Explications avec Catherine Simon, psychiatre addictologue.

Le « sans alcool » devient tendance et ce n’est pas pour déplaire aux professionnels de santé. Depuis plusieurs mois, sur les réseaux sociaux de nombreux internautes partagent et affichent publiquement leur sobriété vis-à-vis de l’alcool. Et cette nouvelle tendance à un nom : le « soberversary ». Venu des États-Unis, ce terme est la contraction de deux mots anglais : « sober » et « anniversary ». Soit un mot qu’on peut traduire en français par anniversaire de la sobriété. Anonymes ou célébrités, sur InstagramTikTok et Twitter, les témoignages de personnes sobres se multiplient pour exprimer leurs fiertés de ne plus boire d’alcool, rapporte le quotidien régional La Dépêche du Midi .

Chrissy Teigen, mannequin et présentatrice de télévision américaine a partagé sa première année de sobriété dans un post Instagram publié le 18 juillet 2022« Pas une goutte d’alcool en 365 jours ! Ça me manque parfois de me sentir légère et insouciante, mais pour être honnête vers la fin, je ne ressentais plus ces choses-là. Je buvais pour mettre fin à mon anxiété. »

« Sur le principe ce n’est pas nouveau »

Sur Twitter, une internaute a partagé le tatouage de son soberversary. Son post a reçu plus de 700 messages, pour la plupart encourageants et positifs. Une tendance plutôt bien accueillie par les professionnels de santé comme Catherine Simon, psychiatre addictologue., mais avant, fêter sa sobriété ça se faisait en petit comité souvent dans le cercle des Alcooliques anonymes, maintenant c’est rendu public et c’est important que ça le soit », souligne-t-elle pour l’édition du soir.

« Les gens qui arrêtent l’alcool sont fiers et ils ont raison de le revendiquer, ça participe à la dénormalisation de la consommation d’alcool », appuie Bernard Basset, médecin et président d’Addiction France, association nationale de prévention, d’accompagnement et de formation sur les addictions.

Si le soberversary revient mettre en avant un certain retrait de la consommation d’alcool, dès 2013, le « dry january » ou défi de janvier, en français, avait déjà remis en question la consommation d’alcool. Alcohol Change UK, organisme de bienfaisance britannique dont le but est de réduire les dommages causés par l’alcool avait lancé une campagne annuelle pour inciter des millions de personnes à ne pas boire d’alcool en janvier. Depuis, il est repris tous les ans à l’international. « Le défi de janvier peut convenir à tout le monde même à ceux qui n’ont pas de dépendance à l’alcool, assure à l’édition du soir, Bernard Basset. Et pour ces personnes-là on a aussi intérêt à réduire sa consommation. »

« La dénormalisation de l’alcool ne va pas assez vite »,

Si le soberversary et le défi de janvier permettent de prendre conscience des effets nocifs de l’alcool sur notre santé et de réguler notre consommation, « la dénormalisation de l’alcool ne va pas assez vite », regrette Catherine Simon.

Elle poursuit : « Le défi de janvier est soutenu par des collectifs et des associations mais pas par des instances gouvernementales qui soutiennent le mois sans tabac par exemple. » Pour rappel, cette opération de santé publique est menée chaque novembre en France pour encourager les fumeurs à s’arrêter.

En attendant, pour l’alcool, il faudra continuer de revendiquer sa sobriété assure la psychiatre addictologue : « Il faut oser dire qu’on a arrêté de boire, surtout quand on l’a bien vécu. »

Source

Pourquoi il faut interdire l’alcool à la chasse

Par Laurent Bègue-Shankland* pour The Conversation France – Il y a 7 h

Le Sénat vient de publier un rapport d’information proposant « d’interdire l’alcool et les stupéfiants lors de la chasse » et de prendre des mesures similaires à celles appliquées pour la conduite. Cette idée a été fustigée par le président de la Fédération nationale des chasseurs Willy Schraen, lequel n’a pas manqué de rétorquer qu’« un mec bourré sur un vélo, c’est dangereux aussi », oubliant que les règles qui s’appliquent aux automobilistes en matière d’ébriété valent aussi pour les cyclistes.

L’argument véhément du patron de la chasse française ne semble pas résister à la comparaison internationale, quand dans d’autres pays, les organisations de chasseurs recommandent l’abstention d’alcool. Prenons le site officiel d’une agence américaine d’éducation à la chasse : il y est rappelé que « consommer de l’alcool avant ou pendant la chasse augmente les risques d’accident en affectant la coordination, l’audition, la vision, la communication et le jugement ».

Cette préconisation de bon sens n’est pas superflue, puisque l’alcool semble faire encore partie du monde cynégétique, en France comme à l’étranger.

L’alcool fortement accidentogène

Ainsi, aux États-Unis (où la consommation d’alcool moyenne est de 20 % inférieure à la nôtre dans la population générale), une récente enquête menée sur un échantillon représentatif de 2 349 jeunes adultes indiquait que 23 % des chasseurs de sexe masculin avaient déjà pratiqué leur loisir en état d’ivresse.

Et en France ? Malgré l’absence de données chiffrées, le rapport sénatorial se hasarde à parler d’une « petite minorité » de personnes qui chasseraient en étant ivres. Concernant les décès et incidents graves, les sénateurs sont plus précis : 9 % d’entre eux sont imputables à l’ébriété d’un chasseur

Ce rapport très hexagonal ignore malheureusement la plupart des données internationales disponibles sur le sujet. Il omet de mentionner qu’aux États-Unis, l’ébriété est présente dans 15 % des accidents de chasse. Est également passée sous silence cette vaste étude danoise auprès de 1 800 chasseurs qui montre que le risque d’accident impliquant une arme à feu croît directement avec l’alcoolémie.

Le récent rapport du Sénat ne prend pas non plus la peine de clarifier en quoi l’alcool s’avère fortement accidentogène. On peut pourtant repérer trois conséquences de l’ébriété qui y contribuent.

Des mouvements moins assurés

Une étude menée en Suisse dans un service d’urgence hospitalière indiquait qu’un tiers des blessures occasionnées à la chasse résultaient de chutes, par exemple quand un tireur dégringole de son mirador. L’alcool favorise ce type d’incident notamment par son action perturbatrice sur l’oreille interne, qui régule l’équilibre, ainsi que sur le cervelet. L’anticipation et la coordination du mouvement sont touchées.

Par exemple, une recherche menée par Judith Hegeman dans un laboratoire de recherche d’Amsterdam montrait que lorsque des personnes évoluent sur un tapis roulant, même à de faibles concentrations d’alcool, leur temps de réaction pour l’évitement d’obstacles est fortement majoré.

Une moins bonne vision

L’alcool détériore aussi la vision périphérique, ce qui peut affecter l’appréciation et le respect des angles de tir. Il est responsable de la fameuse diplopie (vue dédoublée) et de la vision floue en perturbant l’action des muscles ciliaires qui commandent le focus visuel.

Il favorise également l’éblouissement, car les muscles sphincters qui exécutent l’ouverture et la fermeture de la pupille selon la luminosité ambiante sont ralentis.

À long terme, une alcoolisation élevée altère la perception des couleurs, provoque des pathologies chroniques comme la cataracte et favorise la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) : affection se traduisant par une dégradation de la partie centrale de la rétine.

Ajoutons enfin que l’alcool brouille aussi l’audition. Dans une étude, un chercheur d’une université coréenne a alcoolisé plusieurs dizaines de participants (0,5 gramme, soit deux verres standards), puis les a soumis à une batterie de tests incluant des tâches de détections de tonalité, des exercices de reconnaissance de mots ou de compréhension de paroles dans le bruit. Par rapport aux résultats à jeun, les capacités auditives des participants étaient déficientes.

Erreurs de jugement

Lorsque l’on prend conscience de l’étendue des effets de l’alcool sur la vision et l’audition, on comprend mieux certains faits qui émaillent la presse régionale, comme l’incident de ce chasseur ivre, qui, visant un lièvre, criblait de plomb son acolyte.

Pourtant, accorder un grand poids explicatif à ces altérations perceptuelles serait faire fausse route. En effet, selon l’Office français de la biodiversité (OFB), les accidents de chasse résultent fréquemment de manques de prudence et d’erreurs de jugement, comme le fait de tirer sans identifier sa cible, le non-respect de l’angle de 30 degrés (interdiction de tirs dans les secteurs angulaires de 30 degrés à gauche et à droite) ou les tirs en direction d’habitations.

Comme le rappelle l’OFB, les projectiles utilisés peuvent parcourir une distance allant jusqu’à cinq kilomètres. Ivre ou sobre, quand une cible est éloignée, voire mouvante, comment garantir que les balles ne toucheront pas plutôt un VVTiste, une fillette de dix ans qui joue au bord d’une rivière ou une jeune randonneuse ?

L’alcool pousse souvent à choisir l’option la plus risquée

La décision d’appuyer sur la gâchette ou de s’abstenir de tirer implique une troisième dimension psychologique plus complexe : l’appréciation de la situation. Selon le rapport du sénat : « Plus des deux tiers des accidents résultent de fautes graves enfreignant les règles élémentaires de sécurité. S’y ajoute une centaine d’incidents par an, c’est-à-dire des tirs sur des véhicules ou des maisons, qui auraient pu avoir des conséquences dramatiques. »

L’évaluation du risque et la représentation des conséquences de son acte sont deux modalités qui sont notoirement affectées par l’ébriété.

Ceci a été montré de manière simplifiée durant une étude de 2015 menée dans un bar et durant laquelle on présentait à des hommes et femmes de 18 à 43 ans deux bocaux remplis de cartes. On les informait qu’ils pouvaient gagner un prix en choisissant l’une d’elles : dans le bocal de droite, il y avait 50 % de cartes gagnantes, tandis que la probabilité de gagner était inconnue pour celui de gauche. Les résultats ont montré que les hommes ivres (mais non les femmes) choisissaient davantage l’option la plus risquée. Tirer dans l’incertitude en espérant faire mouche relève probablement du même phénomène.

L’un des premiers facteurs d’agressivité humaine

En affectant directement le cortex préfrontal, l’alcool perturbe les fonctions cognitives exécutives qui sont impliquées dans la capacité à envisager ou adopter plusieurs options à un moment donné pour résoudre un problème (la flexibilité cognitive), l’attention, l’inhibition de l’action et les conduites d’agression. Il constitue même la substance psychoactive la plus constamment reliée à l’agression humaine dans le monde.

Certes, ce n’est pas l’alcool, mais des chasseurs qui ont tué par balle 400 personnes depuis 20 ans en France et blessé des milliers d’autres (l’alcool en a tué en réalité près d’un million au total, mais par d’autres moyens).

Cependant, puisqu’il est clairement identifié comme un facteur de risque évitable, il paraît judicieux d’interdire sa consommation à des personnes qui tirent avec des carabines et des fusils semi-automatiques dans les domaines forestiers fréquentés par des publics. Alcoolisés, les chasseurs présentent un risque létal pour tous, y compris pour eux-mêmes.

De la Syrie à l’Arabie saoudite, sur la route du Captagon, la drogue qui menace la jeunesse

Par Georges Malbrunot

ENQUÊTE – 250 millions de pilules de cette amphétamine ont été saisies depuis janvier à travers le monde. Soumise aux sanctions internationales, la Syrie, qui la produit, est devenue un État narcotrafiquant.

Bachir, 26 ans, est «accro» au Captagon depuis qu’il a quitté le lycée, il y a huit ans. «Mes amis me répétaient que ça me rendrait heureux, et effectivement, j’étais euphorique, je me sentais plein d’énergie», raconte ce Jordanien, rencontré dans un centre antidrogue du quartier de Jabal Hussein, à Amman, la capitale, où 70 autres jeunes sont soignés. Bachir a ensuite ouvert une échoppe. «Je prenais deux comprimés chaque jour, dit-il d’une voix timide. Cela ne me coûtait que 5 dinars (7 euros environ).» En 2016, quand ses parents ont appris que leur fils se droguait, ils ont contacté le centre, où Bachir a suivi un premier traitement de plusieurs mois, avant d’en sortir et de rechuter. «Mes amis prenaient tous du Captagon, j’aurais dû m’en écarter.»

Aujourd’hui, Bachir veut rompre avec ce cercle vicieux. Dans la société traditionnelle jordanienne, les drogués sont stigmatisés. «Personne, dit-il, ne veut se marier avec mes sœurs, dès que leurs prétendants apprennent que leur frère prend du Captagon.» Pour ne pas les exposer davantage, leurs noms ne sont pas divulgués par le centre antidrogue ; et s’ils viennent eux-mêmes se faire soigner, ils n’encourent aucune poursuite judiciaire, alors que la loi punit de trois années de prison le consommateur ou le détenteur de drogue. «Le Captagon est à la fois meilleur marché et plus facile à acquérir que les autres drogues», explique Abdelrhamane Abdelkader, psychiatre au centre antidrogue de Jabal Hussein, qui souligne: «La consommation se diffuse à l’université, mais les trafiquants proposent aussi du Captagon dans la rue.»

À bas bruit, le Captagon fait déjà des ravages au Moyen-Orient et au-delà, 250 millions de pilules ayant été saisies dans le monde au cours des huit premiers mois de cette année. Une drogue de synthèse de la famille des amphétamines, vendue sous la forme d’un petit comprimé blanc estampillé d’un logo représentant deux demi-lunes. À l’origine, un médicament commercialisé en Allemagne à partir du début des années 1960, et interdit depuis. La Syrie en est le principal producteur, l’Arabie saoudite le principal consommateur, et la Jordanie et le Liban, les pays de transit. De la Bekaa libanaise aux confins de la frontière syrienne jusqu’au port saoudien de Djedda, Le Figaro a remonté le trafic de cette drogue, qui menace la jeunesse du Moyen-Orient.

«Captagon contre djihadistes»

Le premier rendez-vous est avec un homme d’affaires syrien, proche du pouvoir, rencontré au Liban«On doit bien survivre, le monde entier nous impose des sanctions!», se défend-il, en référence aux très sévères mesures adoptées par l’Occident pour punir Bachar el-Assad de la répression sanglante de ses opposants, depuis 2011. «Pendant toutes ces années de révolte, l’Arabie saoudite et le Qatar nous ont envoyé des djihadistes dans l’espoir de faire tomber Assad, constate l’homme d’affaires. Maintenant, on leur envoie du Captagon, sourit-il. Nous avons une belle arme contre eux. C’est donnant-donnant.»

L’homme livre quelques détails sur l’origine du Captagon en Syrie. «On a commencé à partir des années 2013-2014. On envoyait la matière première aux djihadistes, qui en fabriquaient. À cette époque, j’ai vu un jeune dans un hôpital militaire de Damas avec une fracture ouverte au genou. Il rigolait, il avait pris tellement de pilules qu’il ne se rendait plus compte qu’il avait mal. Après, on a commencé à en fabriquer et à les envoyer» dans le Golfe, via la Jordanie.

Direction le nord du royaume hachémite, frontalier de la Syrie. 375 kilomètres de frontière, dans le désert parfois. Une zone de tout temps propice aux trafics en tout genre. Mais depuis qu’en 2018 Bachar el-Assad a repris le contrôle du sud de son pays, les trafics à travers cette frontière poreuse ont changé de nature. «Nous sommes désormais en guerre. Nous ne sommes plus confrontés à des trafiquants individuels mais à une véritable organisation», affirme au Figaro un haut responsable jordanien.

Le Captagon est caché dans l’arête de peignes qui sont expédiés aux barbiers en Jordanie ou en Arabie, dans des bouteilles d’huile d’olive maquillées d’un faux cul, ou dans des auberginesUn responsable jordanien

Le royaume n’est plus seulement un pays de transit: 20% environ de la drogue y parvenant est désormais consommée localement. La lutte contre le Captagon est devenue un enjeu de santé publique et de sécurité nationale.

De janvier à mai 2022, 19 millions de pilules de Captagon ont été saisies sur cette frontière. C’est autant qu’au cours de toute l’année 2021. Chaque jour, en moyenne, 13 opérations d’infiltration sont déjouées par l’armée jordanienne. Et il y a toutes celles qui ne le sont pas. Des opérations quasi militaires, de plus en plus sophistiquées. Équipés de lunettes de vision nocturne, les passeurs, agressifs et nombreux, recourent à des drones et parfois aux roquettes RPG.

Le 27 janvier au matin, un épais brouillard enveloppait la frontière, rendant les caméras de surveillance inopérantes. Du pain bénit: 160 assaillants dispersés en trois équipes sur une portion de 73 km le long de la frontière tentèrent de s’infiltrer lors d’une opération minutieusement coordonnée. L’armée jordanienne en tua 27. D’autres furent blessés, tandis que d’autres encore réussirent à fuir en Syrie.

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«Tuez les passeurs!»

Quelques semaines après, le roi Abdallah se rendit à la frontière et ordonna à ses hommes de changer les règles du jeu face aux passeurs: «Éliminez-les!», y compris en pénétrant en Syrie, autorisa le roi, après la mort d’un officier dans des combats face aux trafiquants.

«Les passeurs sont devenus très créatifs», constate le responsable jordanien, en montrant des images de saisies de Captagon. Ils peuvent tout aussi bien dissimuler leurs pilules dans des camions franchissant la frontière par les points de passage officiels qu’à travers le désert, où se fait l’essentiel du trafic. «Ils en cachent dans l’arête de peignes qui sont expédiés aux barbiers en Jordanie ou en Arabie, dans des bouteilles d’huile d’olive maquillées d’un faux cul, dans des aubergines, à l’intérieur de blocs de béton destinés à la construction qu’il est difficile de détecter, même au laser. On en a aussi découvert dans l’arrière de la cabine des camions, et dernièrement dans des matelas. Le chauffeur de ces camions n’est pas toujours au courant», ajoute la source.

Les passages en force dans le désert sont plus dangereux. «Notre armée engage alors le feu», explique un officier, photo à l’appui. On y voit un petit camion qui a fendu les grillages le long de la frontière, l’arrière recouvert d’une bâche de camouflage couleur sable, avec à l’intérieur des comprimés, mais aussi des armes. «Cette fois, précise l’officier, c’était du Tremadal», une autre pilule d’amphétamines, dérivée du Captagon.

Nous avons des noms de trafiquants et de passeurs, issus de telle ou telle tribu, mais les gens qu’on arrête ne savent pas qui sont leurs vrais patronsUn officier jordanien

À partir de la région de Daraa, dans le Sud syrien, les passeurs descendent vers les villages de Bershya et d’Arabshaem, avant de franchir la frontière. «Ce sont les mêmes tribus de part et d’autre», explique l’officier. Une deuxième route part de la région druze de Sweida et la troisième, plus à l’est, du désert syrien de Badia et de la poche montagneuse de Lahja, où des Bédouins participent à la contrebande. Certains passeurs sont eux-mêmes sous l’emprise du Captagon. «On a arrêté un Syrien qui était très agressif, se souvient l’officier jordanien. Il a fallu trois jours pour qu’il récupère.»

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Le 11 juin a eu lieu la dernière grande saisie: près de 900.000 pilules de Captagon et 150 blocs de marijuana. Blessés, deux des passeurs ont été arrêtés par les forces de sécurité jordaniennes. Les passeurs capturés finissent par parler. «Nous avons des noms de trafiquants et de passeurs, issus de telle ou telle tribu, mais les gens qu’on arrête ne savent pas qui sont leurs vrais patrons», ajoute l’officier.

Les grandes oreilles jordaniennes, elles, le savent: la 4e division de l’armée syrienne, les services de renseignements militaires syriens et le Hezbollah (leur allié libanais) sont les principaux acteurs du trafic de Captagon à partir de la Syrie, auxquels s’ajoutent des hommes d’affaires de mèche avec eux.

50% des jeunes Jordaniens sont au chômage

La 4e division est dirigée par Mahel el-Assad, le frère du président Assad. Elle est proche de l’Iran, qui dépêcha en Syrie des factions alliées pour sauver Assad à partir de 2013. «Il faut un appareil d’État pour coordonner ces attaques et produire autant de Captagon», souligne le haut responsable jordanien. «Les ateliers de production sont au-delà de notre frontière», ajoute-t-il, en dépliant une carte du sud syrien et une autre de la Syrie. Elles sont éloquentes.

La première montre la localisation des laboratoires de fabrication de Captagon, ceux de crystal meth – un autre psychostimulant en augmentation en Jordanie – et ceux enfin de production de marijuana. Ces ateliers de petite taille, installés dans des villas vides ou des hangars, seraient au total une cinquantaine, dont une majorité destinée à la production de Captagon dans la région rurale autour de Damas, dans le secteur montagneux du Qalamoun, le long de la frontière libanaise, autour de la ville de Homs et dans le pays alaouite, d’où est originaire la famille Assad. Un autre laboratoire est repéré près de Raqqa, l’ex-fief de Daech, et trois derniers près d’Alep, dans le Nord, non loin de la frontière turque.

Amman dispose d’images montrant des passeurs s’abritant dans des commissariats de police et se déplaçant à bord de véhicules aux mains de «certains éléments de l’armée syrienne». Sous-entendu: la 4e division de Maher el-Assad.

Un passeur peut gagner 1000 à 2000 dollars par opérationUn haut responsable jordanien

La seconde carte, du Sud syrien, zoome sur 73 points de production, de rassemblement et de contrebande. Vaste toile d’araignée couvrant la quasi-totalité de la région frontalière de la Jordanie, où 160 réseaux de trafiquants sévissent, selon Amman. «Face aux risques de plus en plus grands, avertit un diplomate arabe en Jordanie, les passeurs demandent de plus en plus d’argent: un passeur peut gagner 1000 à 2000 dollars par opération», dit-il, tout en s’interrogeant sur les contraintes qui entravent l’action des autorités jordaniennes.

«Les passeurs bénéficient de complicités au sein des tribus jordaniennes, affirme ce diplomate, qui suit de près le dossier. Et dans le gouvernement jordanien, des tensions existent aussi, ajoute-t-il. Il ne faut pas trop serrer la vis sur des tribus auxquelles l’État ne peut fournir de jobs.» Quelque 50% des jeunes Jordaniens sont au chômage.

Même si des agents des renseignements, soupçonnés de «toucher» sur les trafics, sont régulièrement arrêtés, l’État est, parfois, contraint à un certain laxisme. Issus de puissantes tribus, un député de Naour, au sud d’Amman, plante de la marijuana, au vu et au su de tout le monde ou presque, tandis qu’un autre originaire de Ramtha, dans le Nord, aux confins de l’Irak et de la Syrie, est notoirement connu comme trafiquant.

Laboratoires clandestins

«Des tribus bédouines en profitent», confirme un ancien du palais royal à Amman, qui raconte la mésaventure survenue il y a une dizaine d’années à son cousin, agent des renseignements militaires. «Il avait eu l’information qu’un chef de tribu du nord de la Jordanie allait recevoir de la drogue chez lui. Il envoya deux de ses hommes planquer en face de sa maison, pendant la nuit. Mais à l’aube, le cheikh, qui savait qu’ils étaient là grâce à ses contacts dans les renseignements, envoya un de ses gars auprès des deux espions. Il déplia devant eux un tapis de prière. Ce genre de message dans notre coutume est clair: “Vous êtes morts si vous recommencez!” Les agents ne sont plus revenus.»

La main sur le cœur, Cheikh Hachem Saffiedine, le numéro deux du Hezbollah, le jure depuis son bureau ultra-sécurisé de la banlieue sud de Beyrouth: «Le Captagon, c’est haraam (interdit) dans notre religion.» Le turban noir des seyyed – les descendants du Prophète – sur la tête, celui qui fait figure de successeur potentiel de Hassan Nasrallah, l’actuel secrétaire général du mouvement chiite pro-iranien, dément les rumeurs persistantes sur l’implication du Hezbollah dans la production et le trafic de Captagon au Liban.

Pourtant, jusqu’au début de l’année dernière, des laboratoires de fabrication – une vingtaine environ – existaient bel et bien dans la plaine de la Bekaa et le Hermel, deux régions où la milice chiite est puissante. Cultiver la drogue est une activité ancienne dans ces zones limitrophes de la Syrie. «Bien sûr qu’il y en a, confie un habitant du Hermel, rencontré à Beyrouth. Le relief montagneux est propice et les tribus surveillent les trafiquants. Mais il s’agit surtout de pilules de silvya, produites à base de feuilles de mloukhiyé asséchées auxquelles est ajouté un médicament. Ça sort en comprimé, ce n’est pas cher.»

Durant la guerre, le Hezbollah et d’autres groupes ont pris le contrôle de certaines infrastructures de l’industrie pharmaceutique syrienne, leur permettant de produire le CaptagonUne source au sein d’un service de renseignement au Moyen-Orient

En 2015, le général Adel Machmouchi, à la tête des unités antidrogue des Forces de sécurité intérieure libanaises (FSI), a démantelé un laboratoire de fabrication de Captagon à Choueifat, un quartier de la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah. «On est remontés jusqu’à un député du Hezbollah», confie-t-il. «Mais aujourd’hui, je n’ai pas de preuves de leur implication directe au Liban», ajoute-t-il prudemment.

La donne a changé au printemps 2021. Après les pressions exercées par l’Arabie saoudite, qui a suspendu les importations de fruits et légumes en provenance du Liban après avoir saisi plus de 5 millions de comprimés de Captagon dissimulés dans des cargaisons de fruits, Beyrouth a accru la pression sur les trafiquants. Des arrestations emblématiques ont eu lieu, notamment celle de Hassan Dekko, le «roi du Captagon», dans son village de Tfayl, peuplé de Libanais mais en territoire syrien, à cheval sur la frontière. Des pressions qui, par ricochet, ont rendu la frontière syro-jordanienne plus attrayante pour les trafiquants.

Au Liban, le Hezbollah est gêné aux entournures par la drogue. L’ancien ministre de l’Intérieur Ziad Baroud raconte: «En 2009, des responsables du Hezbollah sont venus me voir en me disant que les Forces de sécurité intérieure devaient être plus présentes dans la banlieue sud car, me confièrent-ils, nous avons des problèmes de stupéfiants. J’ai été agréablement surpris par ce changement de mentalité de la part du Hezbollah. Il faut dire que leur environnement direct est également touché» par la drogue. D’où l’exercice d’équilibriste auquel la formation chiite pro-iranienne se livre au Liban: «Le Hezbollah laisse faire les opérations des FSI ou de l’armée contre des trafiquants qu’il ne contrôle pas, notamment les grandes tribus de la Bekaa et du Hermel qui sont souvent aussi ses adversaires», affirme un intellectuel chiite. Selon cette source familière du Hezbollah, «celui-ci n’a pas les moyens d’arrêter tous les gangs liés au trafic au Liban».

Depuis l’an dernier, la plupart des laboratoires libanais auraient été transférés de l’autre côté de la frontière syrienne, régions où le Hezbollah est maître du terrain avec la 4e division de Maher el-Assad.

Jeunes Saoudiens accros

En Syrie, en revanche, l’implication de la formation chiite est claire. «Durant la guerre, le Hezbollah et d’autres groupes ont pris le contrôle de certaines infrastructures de l’industrie pharmaceutique syrienne, leur permettant, grâce aux machines saisies, de produire le Captagon», confie une source au sein d’un service de renseignement au Moyen-Orient. Résultat: en 2021, le trafic de Captagon a rapporté à ses promoteurs syriens et libanais plus de 5,1 milliards d’euros – et encore, sur la seule base des saisies à grande échelle, affirme un rapport du think-tank New Lines Institute -, contre 3,1 milliards en 2020.

La majorité de la contrebande est écoulée dans la très pieuse Arabie saoudite, où la jeunesse – 60% de la population – s’ennuie. Mais elle jouit désormais de divertissements, grâce à la politique d’ouverture du prince héritier et homme fort du royaume, Mohammed Ben Salman.

«Quand je passe près de concerts de musique à Riyad, je vois tous ces jeunes électrisés après s’être drogués», s’étonne un diplomate dans la capitale saoudienne. Mais, ici aussi, le sujet a longtemps été tabou. «Personne ne veut en parler, renchérit un étranger à Djedda, le port sur la mer Rouge. Pourtant, on dit que les centres de réhabilitation sont pleins, mais ils ne sont pas uniquement dédiés au Captagon, sinon les autorités devraient admettre qu’il y a un problème.»

Face au danger grandissant – 600 millions de pilules de Captagon interceptées au cours des six dernières années -, le pouvoir saoudien commence pourtant à sortir du bois, comme le montre une vidéo diffusée en mars dernier intitulée War on Drugs, où l’on voit sur fond de musique guerrière des hommes en armes luttant contre les trafiquants. Le mois dernier, les autorités ont annoncé la saisie de 47 millions de pilules d’amphétamines, dissimulées dans une cargaison de farine, au port sec de Riyad, la capitale, tandis que six Syriens et deux Pakistanais étaient arrêtés.

Ici aussi, le combat contre la drogue n’est pas récent, et il touche même des princes issus de la famille royale. En 2015, le prince Abdel Mohsen Ben Walid était arrêté à l’aéroport de Beyrouth avec 2 tonnes de Captagon dissimulées dans 32 paquets et huit valises, cachés dans son jet privé en partance pour Riyad. Il croupit toujours en prison. Il y a une quinzaine d’années, un hôpital pour princes «accros» à la drogue a été discrètement construit en Arabie saoudite, confie au Figaro l’ancien du palais royal à Amman. Mais depuis que MBS a de facto pris le pouvoir, les princes saoudiens ne peuvent plus rentrer incognito au pays. Leurs jets sont désormais fouillés par les douanes du royaume. Face à la drogue, l’heure n’est plus au déni.

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HHC : vendu sur internet, un nouveau dérivé du cannabis inquiète les experts

Ludivine Maurice Journaliste

Publié le 16/09/2022  en collaboration avec Dr Joachim Müllner (Psychiatre)

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Depuis quelque temps, un nouveau dérivé du cannabis connaît un réel engouement. Vendu sur Internet, le HHC profite d’un vide juridique pour se répandre, alors qu’on en sait peu sur ces réels effets sur la santé. Doctissimo fait le point avec le Dr Joachim Müllner. psychiatre.

Sommaire

  1. HHC : de quoi parle-t-on ?
  2. Des effets similaires au THC ?
  3. Le HHC est-il dangereux pour la santé ?
  4. HHC : est-ce une drogue ?
  5. HHC : légal ou illégal ?

Clément vient de commander sur un site américain des cartouches de HHC, un dérivé du cannabis. Il sait qu’il recevra d’ici quelques jours ce e-liquide pour sa vapoteuse rechargeable. De plus en plus d’experts s’inquiètent sur cette nouvelle mode autour d’un composé encore peu connu.

HHC : de quoi parle-t-on ?

Le HHC un acronyme pour « hexahydrocannabinol », correspond à une molécule présente dans le chanvre. Il s’agit d’un cannabinoïde tout comme le CBD ou encore le THC.

« Contrairement au THC (tétrahydrocannabinol) et au CBD (cannabidiol) qui sont des composants chimiques retrouvés naturellement dans la fleur de cannabis, le HHC est une molécule fabriquée en laboratoire à partir de THC naturel (par hydrogénation d’une molécule de THC). Il s’agit donc d’une molécule de synthèse », explique le Dr Joachim Müllner, psychiatre à l’hôpital Hôtel Dieu (Paris).

Des effets similaires au THC ?

Le HHC est consommé sous forme d’huile fumée ou de e-liquide vapoté. A cause d’un manque d’études scientifiques, il est difficile de dire avec précisions les effets psychodysleptiques (d’altération des capacités cognitives) du HHC, selon notre expert.

« Il semblerait que le HHC possède des effets communs au CBD et THC en terme d’effet orexigène (augmente l’appétit), d’effet anxiolytique, d’effet sédatif, et d’élation de l’humeur (état d’excitation euphorique)« , ajoute l’expert.

En somme, l’expert ajoute que certains consommateurs de ce produit déclarent que l’effet du HHC est beaucoup plus fort que le THC, d’autres le trouvent moindre.

Le HHC est-il dangereux pour la santé ?

Cette molécule est-elle dangereuse pour la santé ? Faute d’une évaluation scientifique rigoureuse, il est difficile de répondre à cette question. Cependant, comme souligne l’expert, « de même que pour tous les psychotropes, cela dépend de la voie d’administration, du mode de consommation et du fait que notre organisme y soit dépendant ou pas. Comme le THC par exemple, l’effet est très différent en fonction du type de produit consommé, de son mode de fabrication, de la personne qui le consomme, et en fonction de l’état dans lequel la personne se trouve au moment de la consommation ».

« S’il s’avérait que le HHC, comme le THC, était un « psychodysleptique » c’est-à-dire un perturbateur du traitement des informations par le cerveau, il serait alors clairement considéré comme « dangereux pour la santé »« , note le Dr Joachim Müllner.

HHC : est-ce une drogue ?

Définir le HHC comme une drogue est assez complexe d’après l’expert : « Cela dépend de la définition du mot « drogue » que l’on utilise. Si on entend par « drogue » une « substance psychoactive » donc un « psychotrope », oui le HHC est une drogue, de même que le THC ou le CBD. Par contre, si on entend « drogue » dans le sens « inducteur de dépendance », alors les études manquent pour le moment pour pouvoir l’affirmer mais les rares études existantes comparent les effets du HHC à celui du THC. Donc en ce sens on peut imaginer que, comme le THC, le HHC induit une dépendance. Si l’on comprend le terme « drogue » dans le sens « mauvais pour la santé », alors cela dépend du mode de consommation du produit (fumer est par exemple clairement mauvais, l’ingérer l’est moins), et cela dépend également des effets psychotropes ».

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Des programmes « argent contre dépistage » pour lutter contre les addictions aux drogues

Dans le Connecticut, aux États-Unis, la lutte contre les addictions aux opiacés se fait de plus en plus sans médicaments, notamment grâce à de nouvelles techniques impliquant des jeux qui permettent aux personnes intoxiquées de gagner de l’argent et des chèques cadeaux.

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