Emmanuel Le Taillandier (membre du CNPERT)
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Il est grand temps de revenir à des vérités simples et à des constats de bon sens.
Prenons par exemple le cas de la corruption dans un pays : pour que cela se réalise il est évident qu’il faut être au moins deux : le corrupteur et le corrompu. C’est élémentaire !
Ensuite on peut débattre sur le degré de responsabilité de l’un et de l’autre.
Le droit du commerce international sanctionne surtout le corrupteur quand des marchés sont passés de façon déloyale. Mais le corrompu s’est-il laissé corrompre ? Ou a-t-il exercé un chantage sur le corrupteur présumé en lui faisant comprendre qu’il fallait passer par le « bakchich » s’il voulait avoir quelque chance de travailler dans le pays ?
Dans ce cas la responsabilité est partagée. Dans le même ordre d’idées un débat vient enfin de s’ouvrir en ce qui concerne le trafic de drogue. Pour que cela marche, là aussi il faut être deux : le trafiquant, nommé aussi « dealer » et son client, le consommateur qui accepte de le payer, contribuant ainsi sciemment au
blanchiment d’argent.
Dans ce cas également un débat peut s’ouvrir sur le degré de responsabilité de l’un et de l’autre. En effet le consommateur peut être, selon le jargon utilisé, « récréatif » (sic !) ou « problématique ». On appelle consommateur problématique -le terme est élégant- une personne affectée par l’addiction à une drogue et qui ne peut plus s’en passer ; à moins d’en être sevrée.
Le degré de responsabilité du consommateur « problématique » n’est pas le même que celui du consommateur dit « récréatif », même si au départ sa consommation était « récréative ». Il est évident néanmoins que la responsabilité est partagée, voire même renforcée par des tiers qui prétendent vouloir le bien de tous ou par des lobbys dont l’efficacité n’est plus à démontrer.
Ceci dit, quand un Ministre de l’Intérieur, quelle que soit sa couleur politique, rappelle publiquement à Nîmes après deux assassinats de jeunes que « « s’il n’y avait pas consommation, il n’y aurait pas d’offres et donc pas de trafiquants », il ne fait qu’énoncer une vérité simple et un constat de bon sens qui devraient faire l’unanimité.
Or ses propos font scandale auprès de certains. Pourtant il ne fait que formuler autrement ce qu’écrivait le 24 août dernier le Directeur Adjoint des Rédactions d’un grand journal populaire « Le Parisien » dans son
éditorial sur « Un monde parallèle » :
« Un monde parallèle dont les consommateurs de cannabis, de cocaïne ou de drogues de synthèse font mine d’ignorer l’existence — car, si on peut souligner l’échec de décennies de politiques de sécurité et débattre des avantages et inconvénients d’une légalisation des drogues « douces », on ne peut passer sous silence la responsabilité des acheteurs qui entretiennent le trafic.
Un monde pourtant si proche : Nîmes, Marseille, Besançon, Bobigny, Grenoble, Avignon… »
Nous insistons sur ce point car il est contesté par nombre de ceux-là mêmes qui ont en charge le respect de la législation relative au trafic de drogues. Nous nommons le Syndicat de la Magistrature et nous sursautons quand nous entendons sur France INFO (26/06/2023) que ce syndicat fait partie d’un collectif qui a lancé une pétition demandant la suppression des sanctions pénales pour l’usage de drogues.
« On veut faire croire que pour lutter contre les trafics, il faut s’attaquer aux consommateurs », déplore ce groupe de professionnels chargés d’appliquer les lois. Ce procès d’intention est délibérément maintenu dans le flou pour éviter toute sanction professionnelle :
« On » veut faire croire, disent-ils. Qui est donc ce « on » qu’ils ne savent pas désigner ? Qui donc cherche à « faire croire » qu’on « s’attaque aux consommateurs » ? Qui donc est de mauvaise foi ? Quel serait l’intérêt de ceux qui chercheraient à « faire croire » ? Pourquoi en voudrait-on aux consommateurs dans une société réputée libérale ?
La Loi et l’Etat de droit ne s’attaquent à personne : au contraire « on » cherche à protéger la jeunesse, à protéger les habitants des cités et des quartiers, on cherche à éviter des assassinats, des guerres entre bandes rivales. C’est ce qu’a rappelé la Secrétaire d’Etat à la Ville le 25 août dernier sur BFM TV : « Je suis absolument contre la légalisation du cannabis ». Elle est sans nuances ; Est-ce cela « s’attaquer aux consommateurs » ?
Au CNPERT nous ne faisons pas de politique. Nous ne prenons pas parti pour ou contre un ministre ou une Secrétaire d’État en fonction de son étiquette politique, mais nous nous attaquons à ceux qui attentent à la Santé Publique, estimant que c’est notre devoir, sur la base de données scientifiquement et médicalement démontrées. Nous vulgarisons ces données et ces arguments en espérant que les magistrats syndicalistes prendront enfin le temps de nous lire…Et surtout qu’ils n’auront plus à condamner de jeunes assassins.
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