Comme tout est bon dans le cochon

Professeur Jean Costentin

Par sa chair (jambon), ses boyaux (andouilles, andouillettes, tripes), son foie, ses pieds, sa queue, sa graisse (le saindoux), sa peau (maroquinerie), ses soies (pinceaux, brosses); la gélatine obtenue à partir de ses os et même les jouets que l’on fait avec ses osselets…le porc justifie ce constat « tout est bon dans le cochon ».

N’en irait-il de même avec le cannabis, qu’il s’agisse du chanvre textile ou du chanvre indien, est en passe de se hisser à un semblable degré d’utilitarisme.
Pour le chanvre textile, cannabis sativa, ses fibres (pour tresser des cordages ou tisser des toiles) ; ses graines (chènevis) pour en extraire une huile ou pour en faire des appâts pour la pêche (après leur cuisson dans l’eau), sa paillette pour en faire un isolant thermique.

Pour le chanvre indien, cannabis indica, on dispose d’une large variétés de cultivars obtenus par sélections génétiques, ou par manipulations génétiques pour lesquels on recourt à diverses modalités de culture : en plein champ, ou sous serres ou même dans des armoires de la salle de bain. Il s’agit alors de cultures hydroponiques, sur billes de polystyrène imbibées de solutions nutritives, avec pulvérisations d’eau, éclairage avec des lampes à vapeurs de sodium, un cycle jour/nuit imposé et une température régulée.

La résine du chanvre indien concentre une très grande variété de substances. Certaines, dites cannabinoïdes, sont dominées par le tétrahydrocannabinol /THC aux effets puissamment psychotropes, et en particulier toxicomanogènes.

A ses côtés, en proportions variables selon les cultivars et les conditions climatiques ayant accompagné sa croissance, un autres cannabinoïde, chimiquement très voisins, le cannabidiol/CBD, auquel sont allégué
de multiples effets, dont certains, sont du registre des psychotropes, mais qui n’est pas toxicomanogène.

Près d’une centaine d’autres cannabinoïdes ont été caractérisés mais leurs effets n’ont, pour la plupart, pas été étudiés. Alors qu’on baignait et même se noyait dans la complexité des cannabinoïdes, une autre famille chimiquement différente de la précédente, suscite un regain d’intérêt : la famille des terpènes.

Elle est représentée en particulier par le géraniol, le linalol, le - pinène, l’-humulène, le -caryophyllène. Dans une étude récente chez l’animal ces terpènes ont diminué la douleur de type neuropathique (induite par un anticancéreux, le paclitaxel). Leur action passerait à cet égard par la stimulation des récepteurs du type A2a de l’adénosine.

Ces terpènes seraient également actifs dans les douleurs inflammatoires induite par le lipopolysaccharide/LPS (1).
A force de chercher des poux dans une chevelure on finit par trouver quelque chose qui leur ressemble : Poux, poussières, lentes, pellicules ; vient ensuite ce que l’on fait de cette « découverte ».

Le lobby cannabique saura bien mettre en exergue ce constat pour diluer les méfaits avérés du cannabis, il parlera même de révolution thérapeutique. Il a aiguisé son art de la communication avec le cannabidiol/CBD, qui fonctionne si bien ; plus rien ne saurait l’arrêter.

(1) Schwarz et coll. Terpenes from Cannabis sativa induce antinociception in mouse chronic
neuropathic pain via activation of spinal cord adenosine A receptors. 2024, Pain. 2 mai 2024.

Professeur Jean Costentin