Dans une tribune au « Monde », le neurochirurgien Marc Lévêque, spécialiste de la douleur, doute de l’intérêt médical de ce psychoactif, dont l’expérimentation devrait débuter en France à partir de septembre.

Du cannabis dans une serre, à Fairbanks, en Alaska.
Du cannabis dans une serre, à Fairbanks, en Alaska. ERIC ENGMAN / AP

Bientôt débutera, en France, l’expérimentation du cannabis médical. Une perspective qui insuffle de l’espoir, beaucoup d’espoir, chez de nombreux malades, notamment ceux souffrant de douleurs rebelles. Cette espérance est-elle raisonnable ?

Le chanvre – cannabis en latin – est l’une des premières plantes domestiquées par l’homme ; son usage psychotrope est attesté, en Chine, dès 2500 av. J.-C. Pourtant, depuis cinq ans, le « cannabis thérapeutique » est présenté comme un médicament du futur pour la prise en charge de la douleur. Comment se fait-il que l’on découvre, avec plus de quatre mille ans de retard, les vertus antalgiques de ce végétal ? Cela alors que les propriétés analgésiques du pavot, dont l’incision des capsules donne un suc – opium en grec – laiteux, sont appréciées depuis la haute Antiquité. Pourquoi une drogue aussi ancienne et connue que le cannabis n’a pu être, jusqu’à présent, proposée dans une affection aussi fréquente que la douleur ?

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A vrai dire, il est fait mention du chanvre indien dans la pharmacopée occidentale du XIXe siècle, mais essentiellement pour la douleur aiguë. L’ivresse et l’assoupissement qu’il procure sont proches de ceux de l’alcool. Au sujet de cet autre analgésique végétal, le chirurgien lyonnais de la Révolution Marc-Antoine Petit déclarait que « le vin a toutes les qualités et tous les dangers de l’opium, il peut donc être administré dans tous les cas où l’opium semblerait convenir ». Tout comme la morphine, un consensus médical existera, jusqu’à il y a peu, pour ne pas prescrire ces substances, en raison de leurs potentiels effets addictifs, dans la douleur chronique non cancéreuse.

Profitable à de rares patients

En 2015, l’analyse de onze études ayant comparé les cannabinoïdes à un placebo a démontré « un effet analgésique modeste » dans la douleur chronique non cancéreuse. Difficile de savoir si ce faible bénéfice est à mettre au crédit des effets anxiolytiques et hypnotiques du produit ou d’une véritable antalgie. Parmi les composants de la plante, le THC (tétrahydrocannabinol), psychotrope considéré comme stupéfiant, est à l’origine des effets relaxants, tandis que le CBD (cannabidiol) serait responsable des vertus antidouleur. Dans la pratique clinique, on peut considérer que le cannabis est profitable à de rares patients : ceux souffrant de douleurs liées à une lésion du cerveau ou de la moelle épinière associée à une spasticité, comme dans la sclérose en plaques.

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