Pr. Jean Costentin

C’est loin Marseille et, par diverses informations qui nous parviennent, on en vient à se demander si c’est encore en France : ses quartiers de non droit ; ses « deals » de drogues à ciel ouvert avec tarifs affichés ; ses exécutions inter mafias à la kalachnikov… Les visites réitérées du président de la République, du ministre de l’Intérieur et d’autres éminences essayent de nous détromper mais n’y parviennent pas pleinement.

Dans la guerre contre la drogue que les pouvoirs publics et municipaux auraient déclarée, du moins le croyait-on, un fait majeur vient nous détromper : la création d’une « salle de shoots », dite encore « salle de consommations à moindres risques » ; dénomination qui ne précise pas à qui bénéficient ces « moindres risques ».

S’Il n’est pas sûr que ce soit leurs usagers toxicomanes, il est certain par contre que ce ne sont pas les
habitants des quartiers où ces salles sont implantées.
Les efforts déployés par ceux qui militent pour le développement et la multiplication de ces salles (curieusement les mêmes que ceux qui prônent la légalisation de toutes les drogues) ne sont pas parvenus à annihiler les objections qu’ont exprimées dès l’origine un collectif d’associations engagées dans la prévention des drogues et des toxicomanies (dont le centre national de prévention d’études et de recherches sur les drogues et toxicomanies = CNPERT), tout comme les académies nationales de Médecine ainsi que de Pharmacie.

Exit l’argument selon lequel l’injection de drogues serait à l’origine des nouveaux cas de SIDA ; l’information est bien passée entre les toxicomanes et le libre accès aux seringues et souvent leur gratuité a fait disparaître l’échange de ces seringues. Quant aux overdoses on peut disposer désormais, en tous lieux, de la naloxone injectable pour pallier rapidement les effets d’une surdose de morphiniques.

Il faudrait que cette naloxone soit systématiquement disponible au côté des défibrillateurs.
Les habitants des quartiers à l’entour des salles de Paris et de Strasbourg se plaignent des nuisances nombreuses qu’elles y ont fait naître. Qu’il s’agisse de la désaffection des locations d’appartements à l’entour ainsi que la baisse de leur prix de vente. ; mais plus encore de l’inquiétude des parents obligés d’accompagner leurs enfants dans tous leurs déplacements, en raison de différents troubles : présence de dealers, rixes, vociférations, insultes, exhibitionnisme, exonération sans discrétion des urines et/ou des fèces, exposition d’épaves humaines…).

Si la proximité d’un service de réanimation hospitalier permet qu’on on n’y meurt pas d’overdoses, par un « rattrapage » rapide, le nombre de ces overdoses est plus important.
Les toxicomanes se sentant sous surveillance médicale, dans leur logique du « toujours plus fort » sont incités à s’injecter de plus fortes doses de drogues. Pour ces toxicomanes arrivés à un stade avancé de leur escalade vers les drogues les plus puissantes, ces centres de consommation de leurs drogues usent du stratagème des graines jetées aux oiseaux pour les capturer.

Elles ne produisent aucune statistique justifiant d’un quelconque intérêt thérapeutique. Il y a pourtant d’autres moyens, beaucoup moins coûteux, pour rencontrer  ces toxicomanes : au cours des maraudes ; dans les restaurants du cœur ; dans les haltes d’accueil ; dans les dortoirs d’hébergement ; sous les porches ou sous les ponts ; dans les commissariats de police où ils ont pu être amenés pour désordre à l’ordre public ; aux urgences hospitalières où leurs blessures ou leurs malaises les ont fait amener par
l’ambulance des pompiers…

On les hébergerait alors dans des centres de soins, étanches aux drogues accessibles à l’extérieur ; on y traiterait leurs troubles physiques et souvent psychiatriques, on les inscrirait dans des trajectoires visant à leur re conformation sociale et à leur abstinence des drogues. Il s’agit de la seule attitude médicale digne de ce nom ; alors que ce qui se pratique actuellement, à un coût prohibitif, n’est que démagogie, collusion et démission. Le budget consacré à ces centres serait plus élevé que celui, déjà considérable,
des salles de shoots, mais il serait pertinent.

Le projet Marseillais est à l’opposé de cet objectif. Il aggrave son passif en localisant cette « salle de shoots » au 110 Boulevard de la Libération. Il s’agit d’un boulevard situé dans un « quartier particulièrement familial, au cœur de commerces, de crèches (3), d’écoles (4), de collèges (3), de lycées (2), d’œuvres de jeunesse (2) ; dixit le comité de riverains et de parents d’élèves qui s’est constitué à Marseille pour empêcher ce projet ; projet doublement fou, et par son idéologie, et par sa localisation.