Depuis l'intrusion de dealers dans une école de Seine-Saint-Denis, des parents forment une chaine humaine devant l'école de leurs enfants.

Depuis l’intrusion de dealers dans une école de Seine-Saint-Denis, des parents forment une chaine humaine devant l’école de leurs enfants. – BERTRAND GUAY / AFP
Les parents d’élèves de Saint-Denis forment depuis le printemps dernier des chaînes humaines devant les écoles de plusieurs quartiers de la ville en proie au trafic de drogue. Malgré plusieurs intimidations, les habitants n’entendent pas baisser les bras.

8h15 devant l’école élémentaire Honoré de Balzac. La pluie battante n’a pas découragé la cinquantaine de personnes qui a répondu à l’appel des parents d’élèves des écoles de Saint-Denis ce vendredi 15 novembre. C’est devenu un rituel, après avoir accompagné leurs enfants jusqu’aux grilles de l’école, les parents forment une chaîne humaine pour protéger symboliquement l’établissement, situé entre deux points de deals. “Malgré le mauvais temps, on est toujours là !”, lâche avec le sourire Soraya, mère de deux enfants.

« Les dealers avaient pris l’habitude de dormir dans les locaux et d’y cacher leur drogue »

A l’origine de la mobilisation, une intrusion de dealers dans le groupe scolaire le 13 mai dernier, entraînant le confinement des 600 élèves pendant près d’une heure. Un épisode loin d’être isolé, qui s’est reproduit huit fois depuis lors. “Deux nouvelles intrusions ont été constatées depuis la rentrée, dont une dans le centre de loisirs au mois d’octobre”, raconte Catherine Denis, représentante de parents d’élèves FCPE au sein de l’établissement. “Avant l’incident du mois de mai, les dealers avaient même pris l’habitude de dormir dans les locaux du centre de loisirs et d’y cacher leur drogue. L’école c’est un sanctuaire, on ne touche pas à l’école de nos enfants”.

MANQUE DE MOYENS HUMAINS

Malgré le sombre tableau dessiné par des parents désœuvrés, la bonne humeur et la solidarité sont de mise. Comme un message envoyé aux guetteurs. “On est optimistes, regardez, on est tous ensemble, solidaires les uns des autres et on ne lâchera pas. L’Etat ne nous écoute pas, nous abandonne, et on doit s’y substituer pour agir. C’est important qu’on se responsabilise pour nos enfants, pour notre quotidien”, dit Fabienne, habitante de Saint-Denis.

Ce renoncement des pouvoirs publics, ils sont nombreux à l’agiter ce vendredi. Florence Hay, maire adjointe de Saint-Denis, brandit le dernier rapport parlementaire sur l’action de l’Etat en Seine-Saint-Denis pour dénoncer les inégalités que connaît le département. “Nous demandons simplement d’avoir les mêmes moyens que les autres territoires. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Cinq maires du département ont d’ailleurs attaqué l’Etat en justice pour rupture d’égalité”. La maire de quartier concède toutefois une petite victoire : 28 policiers issus du dispositif Quartiers de reconquête républicaine (QRR) ont été déployés depuis le mois d’octobre dans les quartiers nord, mais cela reste insuffisant selon l’élue pour endiguer les trafics.

DES MÈRES DE FAMILLE MENACÉES

Un rempart humain contre la drogue semble donc s’installer dans la durée, qui n’est évidemment pas du goût des trafiquants. Depuis le mois de mai, cinq mères de famille impliquées dans la mobilisation ont été la cible d’intimidations. Voitures vandalisées ou encore menaces de violence, trois d’entre elles envisagent de quitter les quartiers nord de Saint-Denis. “Nous avons reçu deux d’entre elles pour les accompagner dans leurs démarches de relogement. Mais ce n’est pas normal qu’elles aient à partir, c’est aux dealers de le faire”, signale Florence Hay.

« Je ne tremblerai pas face à des gamins de 14 ou 15 ans »

Sylvie, habitante de Villepinte, venue en soutien au collectif de Saint-Denis, a elle aussi été menacée par les dealers de son ancien quartier au printemps dernier. “Après avoir médiatisé les problèmes du trafic dans mon quartier, des dealers ont uriné sur mon palier et détérioré ma porte d’entrée. J’ai été victime de harcèlement de rue, jétais tous les jours menacée, c’était invivable”.

Malgré ces pressions constantes, la peur n’a pas envahi le collectif de parents du 93. Fabienne pointe même une déstabilisation des dealers, peu habitués à voir surgir un mouvement spontané de la sorte. “Ils ont rarement vu des parents se mobiliser comme ça. Je ne tremblerai pas face à des gamins de 14 ou 15 ans ». Les parents de Saint-Denis espèrent ainsi envoyer un signal fort aux autorités pour que celles-ci prennent vraiment le relais.

Source