Je vous adresse le lien d’un article récent, avec la réaction d’une lectrice. Peut-être pourrez-vous confirmer ou nuancer l’affirmation selon laquelle certaines drogues sont « séquestrées » dans les graisses corporelles, et « relarguées » (lors d’un amaigrissement par exemple) ?

Alain Cohen

Plusieurs études ont montré que l’adolescence constitue (vu sans doute l’importance de la construction neurophysiologique et psychosociale à cet âge), une période de grande vulnérabilité pour les effets neuro-psychiatriques des drogues. Mais en cette époque périlleuse de « pandémie cannabique » [1], peu de travaux avaient encore évalué l’impact spécifique d’un usage précoce du cannabis, comparativement à une prise plus tardive.

Une étude brésilienne (Université fédérale de São Paulo) précise désormais ce point, en confrontant les performances cognitives et le fonctionnement exécutif [2] de jeunes venus à la consommation de cannabis, avant ou après l’âge de 15 ans. Cette recherche porte sur 104 consommateurs chroniques de cannabis (49 usagers avant 15 ans, et 55 après) et sur 44 sujets-contrôles.

Si aucune différence n’est observée pour le Quotient Intellectuel parmi ces trois groupes, les résultats des tests neuropsychologiques révèlent par contre, chez les usagers précoces de cette drogue, des performances « plus pauvres » que chez les usagers plus tardifs et chez les sujets-témoins, en matière de fonctionnement exécutif. Cet impact significatif affecte notamment les tâches concernant une attention soutenue et le contrôle de l’impulsivité. Par exemple, dans un test de tri de cartes, les consommateurs précoces commettent plus d’erreurs que les sujets-contrôles (en moyenne 10 contre 6,44) et complètent moins de tâches qu’eux (2,77 contre 3,5).

Au terme de cette étude, il ne fait donc plus aucun doute que l’usage régulier du cannabis peut présenter « davantage d’effets délétères sur le fonctionnement neuro-cognitif, lorsqu’il commence avant l’âge de 15 ans. » Et il n’est pas inutile de rappeler que l’aliéniste Moreau de Tours avait déjà précisé, dès 1845, l’incidence pathogène du cannabis pour le risque de psychose, dans son ouvrage « Du haschich et de l’aliénation mentale » [3].

[1] Errements d’une chaîne nationale : si on légalisait le cannabis

[2] Comprendre les fonctions exécutives

[3] Moreau J. Du Haschish et de l’aliénation mentale

Vos réactions

La drogue reste dans les graisses – Le 31 août 2011

Merci pour cet article très intéressant. Si seulement l’information pouvait être transmise à l’ensemble de la population qu’il n’y a pas de drogues douces ! En exposant le dégât véritable que représentent les drogues sur l’aptitude, la vivacité et la réelle joie de vivre, une prise de conscience peut s’opérer qui éloigne les jeunes de la tentation de prendre de la drogue. De plus, les drogues restent dans les parties graisseuses du corps et peuvent y continuer leur travail néfaste de destruction. Certaines personnes, dans certains traitements, auraient réveillé les résidus d’une drogue prise des années avant et refait des trips, alors qu’elles ne prenaient plus de drogues depuis de longues années. Voilà ce qui fait la principale différence entre la drogue et l’alcool ou le tabac, sans, bien sûr, gommer les effets néfastes de l’alcool et du tabac.

Maryvonne Legoux

Commentaire de Jean Paul Tillement (CNPERT)

C’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai pris connaissance de votre message sur les dangers spécifiques du cannabis avant l’âge de 15 ans et de la réaction de notre collègue, M.Legoux
Je souscris à vos conclusions avec les commentaires suivants:

– J’ai la notion que la maturation du cerveau n’est pas terminée à 15 ans mais plus tard, vers 20 ans.
– La drogue considérée comme « douce » est le cannabis. L’émergence d’épisodes schizophréniques montre bien qu’il n’a rien de doux.
– Diffuser l’information sur les méfaits des drogues est nécessaire (je m’y emploie) mais pas suffisant. il faut contrer la désinformation ambiante très puissante, exemples :
-> si on libéralisait le cannabis…à la télé
-> arrêter de « stigmatiser » les drogués (mais jamais les trafiquants, pourquoi?)

– L’alcool et le tabac sont des drogues, certainement les deux plus fréquentes.

Il est inutile de les dissocier des autres « drogues », en réalité des substances de synthèse qui leur sont pratiquement toujours associées et qui représentent le danger majeur de l’avenir car faciles à fabriquer, pas chères, discrètes: ne nécessitant pas de surfaces cultivées et  utilisables en injection
-La liposolubilité caractérise certaines drogues, en particulier le cannabis.

C’est la substance la plus liposoluble que je connaisse: elle s’accumule dans les lipides, le cerveau et les tissus adipeux d’où elle est relarguée progressivement.

Comme le note votre correspondante, elle peut être libérée brutalement en cas d’amaigrissement rapide. La liposolubilité explique aussi l’absence de syndrome de sevrage net. Mais ce n’est pas le cas de toutes les drogues, en particulier des nouvelles molécules.
Les substances les plus récentes sont beaucoup moins liposolubles, passent cependant la barrière hémato-encéphalique et sont éliminées plus rapidement, d’où la possibilité d’un syndrome de sevrage. En pratique, elles sont suffisamment hydrosolubles pour étre injectées par voie intraveineuse. D’où la demande de salles de « shoot » présentées comme des solutions humanitaires!
Pour plus de détail, consultez mon blog: http://Drogaddiction.com