Comme partout dans le monde la consommation d’alcool et de drogue représentent un fléau en Martinique. Le traitement de ces addictions, plus complexe que l’on ne l’imagine, fait appel à de nombreuses structures.
Les causes du basculement peuvent être de nature multiple, tout comme la prise en charge de ce fléau, qui s’organise à plusieurs échelles.
Le dispositif d’écoute
Les addictions, quelles qu’elles soient, touchent celui ou celle qui consomment mais l’entourage en est également victime. C’est pour cela que l’écoute des victimes est considérée comme la pompe d’amorçage dans le processus conduisant à l’abstinence. A ce titre plusieurs cellules sont en fonction à la Martinique « Alcool Assistance » en est une. 24h/24, alcooliques et leurs proches peuvent confier leur détresse à des écoutants bénévoles.
C’est d’ailleurs par ce biais que notre enquête a débuté. Vendredi soir 21h30, j’appelle l’antenne de Martinique, une voix de femme me répond et je lui explique qu’une fois encore je suis rentré du travail ivre. Pas de réponse précise à ma demande mais une grande patience dans l’écoute qui m’est fournie. A la fin de la discussion elle me demande si je souhaite rencontrer un médecin, je refuse la proposition mais je passe au centre le lundi après midi. Dans une rue de Fort-de-France, un local aménagé sommairement, reçoit consommateurs et parents.
C’est Élodie qui m’accueille. Je lui explique ma démarche et elle me confie: « Ici c’est vraiment la cellule d’écoute par excellence. Nous avons une équipe d’environ dix écoutants qui donnent de leur temps pour accueillir par téléphone ou physiquement ceux qui demandent de l’aide. Notre rôle n’est pas de juger mais vraiment de laisser parler les gens. Ensuite nous essayons de les rediriger vers les structures adaptées ».
La prise en charge médicale
« Nous ne pouvons agir qu’à partir de la prise de décision, le patient doit être volontaire. Nous procédons dès lors à des entretiens motivationnels. Nous cherchons à comprendre ce qui pousse le patient à demander de l’aide pour se soigner. Ces entretiens sont menés par une équipe composée de psychologues, de psychiatres, et de médecins spécialistes des addictions. Ces entretiens sont très importants notamment dans le cadre de la polytoxicomanie. Le patient peut vouloir arrêter l’alcool et pas la cigarette par exemple. Ces entretiens nous servent à mettre en place les protocoles correspondant aux souhaits du patient ».
A chaque type d’addiction correspond son protocole de traitement.
L’alcool et l’héroïne ont des similitudes dans leur prise en charge. Il faut d’abord procéder au sevrage physique. Pour cela l’utilisation de médicaments est privilégiée, souvent du valium. « Ce que nous cherchons c’est d’éviter le délirium. Pour décider d’utiliser ce médicament nous contrôlons 15 critères (tension, pulsations, présence de cauchemars ou non) cette évaluation est consignée en score. Un résultat supérieur à 7 déclenche automatiquement la prescription de valium ».
Contrairement à ce que l’on peut croire, la prise en charge de l’addiction au tabac est très difficile. « La cigarette c’est légale donc c’est plus compliqué d’arriver à la phase de prise de décision (cf spirale de Prochaska) pour le tabac nous passons par trois phases. Premièrement le substitut nicotinique sous forme de patch. S’il n’y a pas de résultat nous passons au Champix, c’est un médicament sorti il y a dix ans mais la connaissance des effets secondaires n’était pas suffisante. Maintenant que nous en avons une meilleure maîtrise nous l’utilisons un peu plus. Pour les cas les plus sévères, dans la troisième phase nous prescrivons un anti dépresseur, le Zyban. Il faut tenter de limiter les effets psychologiques liés au sevrage ». Aujourd’hui des techniques telles que l’acuponcture et l’hypnose commencent à faire leur preuve et tendent à obtenir des résultats qui sont reconnus.Le cas du cannabis est très particulier tant les comportements des utilisateurs sont différents après la consommation. « Certains sont calmes, d’autres euphoriques, une partie a des hallucinations alors que l’autre calme ses maux avec. Ici la nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire se justifie encore plus, car pour le cannabis c’est vraiment un traitement au cas par cas ».
Reste le cas du crack dont la consommation effraie en Martinique. Le docteur Lecurieux-Lafferronay est catégorique: « Toutes les drogues sont à éviter, mais s’il y en a une qu’il ne faut surtout pas toucher c’est bien le crack. On n’en connait jamais la composition et le processus de destruction des cellules du cerveau est immédiat. C’est pour cette drogue que nous avons le moins de résultats. Tout comme le cannabis, le traitement relève du cas par cas, mais les résultats sont vraiment aléatoires. »
La phase la plus importante et la plus longue est celle dans laquelle les malades pensent être guéris c’est la consolidation. Dans cette phase le patient est abstinent il s’il ne rechute pas il le sera toute sa vie.
La prise en charge des addictions est un sujet complexe qui n’est pas seulement l’affaire des forces de l’ordre ou du corps médical. C’est une approche globale qui concerne l’ensemble de la société, dont les parents sont les premiers acteurs de la prévention.