Eléments inspirés du livre « Le désastre des toxicomanies en France » Pr. Jean Costentin (Edition DOCIS, mars 2018), à propos du cannabis à prétentions médicales, réponse à l’interview de madame Michka Seelinger- Chatelain parue dans « l’écho des médias, de l’A.N.M., semaine 9.
La pharmacologie et sa fille aînée, la thérapeutique, se sont débarrassées depuis plus d’un demi siècle des cigarettes « thérapeutiques », aux prétentions anti- asthmatiques, (par leurs composants anticholinergiques muscariniques). En effet, leurs goudrons cancérigènes, leur oxyde de carbone et l’inflammation chronique de la muqueuse des voies aérophores, ont condamné cette pratique ; le drame tabagique, enfin bien perçu, n’invitant pas à un retour en arrière.
Depuis Claude Bernard la pharmacologie s’est affranchie des « soupes végétales » comportant des constituants multiples (en des proportions variables selon les cultivars, le terrain, le climat…), aux effets éventuellement contradictoires sur les affections auxquelles on les destine ; « végétal varie, bien fou qui s’y fie ». ç’en est fini des « panacées » et autres « thériaques ». On demande à un médicament une activité principale, voire exclusive, sur un trouble ou une affection.
En l’état des connaissances deux molécules dominent dans le cannabis indica /chanvre indien : le tétrahydrocannabinol = THC, bien connu ; et le cannabidiol =CBD, qui commence à l’être, et sur laquelle les médias s’enflamment, pour en faire le cache misère du THC (miracle de la phytothérapie, il réduirait ses méfaits et exalterait les effets recherchés)
Les revendications d’usages thérapeutique portent surtout sur ce THC, sous tendues par ses puissants effets addictifs, qui incitent ses utilisateurs à en magnifier les effets.
Le THC a une lipophilie exceptionnelle qui est à l’origine d’une véritable accumulation dans l’organisme, confinant à une sorte de thésaurismose; lors de son usage chronique il se stocke dans les lipides cérébraux et les panicules adipeux pour plusieurs semaines. Cette pharmacocinétique ingrate est perçue comme malencontreuse pour la thérapeutique, d’autant que le THC interagit avec différents médicaments via la glycoprotéine P.
Le THC exerce de multiples effets ; multitude qui, par essence, est en contradiction avec le statut de médicament, dont on attend un effet majeur, principal , tolérant au mieux quelques effets latéraux, non adverses, dont certains pourraient même participer à d’autres indications ; mais point trop n’en faut !
Le THC agit par la stimulation de 2 types de récepteurs ; CB1 surtout centraux et CB2 surtout périphériques. Ces premiers sont très nombreux dans le cerveau au point d’être les plus nombreux de tous les types de récepteurs présents ; ils sont de plus ubiquistes ; de ce fait ils influencent, quelquefois de façon intéressante, mais souvent pour le pire une multitude de fonctions psychiques, neurologiques, psychiatriques. Nous n’en citerons ici, pèle mêle que quelques dizaines : sédatif ; ébriant ; stupéfiant ; addictif ; inducteur de délire et d’hallucination ; désinhibiteur ; il trouble la coordination motrice, l’équilibre, l’évaluation des distances, l’évaluation du temps, la mémoire à court terme, la mémoire de travail ; il perturbe la conduite des véhicules à moteur et diverses activités professionnelles ; il est anxiolytique en aigu 3 avant de devenir anxiogène au long cours ; il est pseudo-antidépresseur en aigu avant d’induire au long cours des troubles dépressifs avec, en embuscade, des tentatives de suicide ; il est myorelaxant, analgésique, il stimule l’appétit ; ses effets désinhibiteurs peuvent conduire à des prises de risque et à des comportements auto- ou hétéro-agressifs ; il peut induire de novo des troubles schizophréniques, décompenser une vulnérabilité à la schizophrénie, ou aggraver une schizophrénie déclarée. Son effet addictif marqué se lit dans le nombre élevé de ses usagers réguliers (1.500.000 en France, en dépit des rigueurs de la loi auxquelles ils s’exposent) et dans la véhémence et l’ingéniosité de ses consommateurs pour obtenir sa légalisation. Au rythme où ses effets recherchés s’épuisent il incite au recours à d’autres drogues (escalade et poly toxicomanies) ; il potentialise les effets psycholeptiques de l’alcool, des benzodiazépines, des reliquats matinaux de divers hypnotiques…. C’est un grand perturbateur cognitif (par défocalisation de l’attention, par l’ivresse, par un syndrome amotivationnel, par une baisse de la perfusion de l’hippocampe, par baisse de la production d’ATP par les mitochondries de l’hippocampe, par une réduction intense de la libération de l’acétylcholine aux terminaisons des neurones cholinergiques septo-hippocampiques ; de là les pitoyables performances des potaches français qui, au tout premier rang européen des consommateurs de cannabis se retrouvent au 27ième rang du classement PISA des performances éducatives.
La toxicité somatique de la drogue concerne la sphère ORL et broncho-respiratoire ; au plan cardiovasculaire : responsable d’artérites chez des sujets jeunes ; troisième cause de déclenchement d’infarctus du myocarde ; à l’origine d’accidents vasculaires cérébraux de sujets jeunes ; il exerce des effets perturbateurs endocriniens ; il perturbe le déroulement de la grossesse et le développement de l’enfant qui en naîtra, avec, à l’adolescence, une grande propension aux addictions, qui semble liée à des effets épigénétiques.
Il importe à ce stade de rappeler l’élément fondateur du concept de médicament ; le sacro-saint rapport bénéfice / risque. Les bénéfices dans chacune des indications revendiquées (analgésie, immunodépression, myorelaxation, anti glaucomateux, orexigène, sont d’intensité modeste et, pour chaque indication revendiquée, inférieure aux médicaments de référence disponibles, tandis que les effets adverses sont multiples et pour certains d’entre eux, graves et même très graves (conf. supra).
Cela fait plusieurs décennies que le bon sens et la science font barrage à la diffusion du cannabis pour tout et du cannabis pour tous. L’académie de médecine a conclu il y a quelques années : « Le cannabis – un faux médicament, une vraie drogue » ; dans le même esprit, la commission de transparence de l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui avait à juger du service médical rendu du Sativex®, (association du THC et du CBD), après qu’il eut obtenu l’autorisation de mise sur le marché (A.M.M.) dans l’indication spasmes douloureux de la sclérose en plaques, a jugé qu’il était « insignifiant ». C’est la raison pour laquelle 4 ans après l’octroi précipité de son A.M.M., ce produit que les médias enthousiastes avaient présenté comme irremplaçable, n’est toujours pas commercialisé en France.
A partir des données qui viennent d’être évoquées et sur les seules bases scientifiques qui doivent prévaloir, rien ne justifie l’assertion selon laquelle la légalisation du cannabis serait inéluctable !
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