Covid-19

La consommation d’alcool a-t-elle un impact sur l’efficacité du vaccin ?

Photo d’illustration. © Stéphanie Para

La recommandation des autorités sanitaires russes de ne pas boire d’alcool deux mois avant et après une injection d’un vaccin contre le Covid-19 continue de faire réagir. Mais quel est l’impact de la consommation d’alcool sur la vaccination ?

Deux mois sans boire d’alcool avant et après avoir reçu un vaccin contre le Covid-19 ? La question ressurgit, en Amérique latine notamment, où la campagne vaccinale s’accélère pour tenter de juguler une importante deuxième vague de l’épidémie dans la région.

Elle trouve son origine en décembre dernier, en Russie, quand Anna Popova, cheffe des autorités sanitaires du pays avait déclaré que les personnes devant se faire vacciner devraient arrêter de boire de l’alcool au moins pendant deux semaines avant l’injection, et ensuite s’abstenir 42 jours supplémentaires après la première dose du vaccin russe, Spoutnik V. Quelles sont les recommandations à ce sujet ?

Un destructeur du système immunitaire

Le tollé provoqué par cette déclaration avait déjà poussé le laboratoire derrière la fabrication du vaccin à répondre en préconisant une abstinence beaucoup moins longue, de l’ordre de trois jours après chaque injection.

Le responsable de ce laboratoire, Alexander Gintsburg, avait par ailleurs précisé que cet avertissement sur une limitation de la consommation d’alcool « ne s’applique pas uniquement au vaccin Spoutnik V, mais à tous les vaccins contre le Covid-19 et même à tous les autres vaccins ».

« L’alcool est un destructeur du système immunitaire et c’est connu depuis longtemps » nous éclaire Laurent Gerbaud, chef du service de santé publique au CHU de Clermont-Ferrand. « Quand les capacités naturelles d’élimination de l’alcool par le foie sont dépassées, c’est là qu’apparaît sa toxicité et qu’on désarme le système immunitaire » poursuit-il.

Ainsi, un organisme, dégradé par une consommation quotidienne d’alcool ou par des consommations irrégulières mais importantes (comme le binge drinking), peut inhiber la réponse du système immunitaire après l’injection d’un vaccin, le rendant inefficace.

Le professeur Gerbaud nous explique ainsi que les deux mois d’abstinence prônés par Anna Popova correspondent probablement à préparer le corps à l’injection puis pour ne pas perturber la production d’anticorps spécifique qui peut durer quatre semaines après chaque injection.

Cet avertissement sur la limitation de la consommation d’alcool n’apparaît pas dans les recommandations d’autres vaccins comme le Pfizer-BioNTech ou l’AstraZeneca. Le site The New Scientist s’est toutefois procuré une fiche d’information distribuée aux participants aux essais cliniques du vaccin suédo-britannique qui précise que les personnes ayant une « dépendance actuelle à l’alcool ou aux drogues, soupçonnée ou connue » ne peuvent pas participer à l’étude, sans en préciser la raison.

L’avantage d’une consommation modérée ?

À contre-courant, une étude américaine de 2013 conclut que la consommation modérée d’alcool rend plus efficace la réponse du système immunitaire à une vaccination de rappel. Mais elle montre également qu’une consommation excessive inhibe très fortement cette réponse.

Des conclusions vivement débattues au sein de la communauté scientifique, mais qui restent une hypothèse partagée par de nombreux spécialistes du rapport entre santé publique et alcool.

Vaccination : avec Spoutnik V, la Hongrie fait-elle mieux que la France ?

« Le problème, c’est quelle est la définition que l’on donne de « consommation modérée » interroge Laurent Gerbaud. En termes de santé publique, on parle d’un verre de vin par jour et pas tous les jours, c’est peu. Mais pour la plupart des gens qui ont tendance à fortement sous-estimer leur consommation, c’est plus une incitation à boire davantage qu’autre chose… »

Pour la vaccination et comme pour tout, la conclusion est donc la même : l’alcool, oui, mais avec modération.

Julien Jégo