DÉCRYPTAGE – Une fois l’euphorie passée, les effets et les conséquences sont dévastateurs.

Son potentiel addictif surpuissant fait du crack l’une des drogues les plus redoutées qui soient. «Il suffit souvent de quelques prises pour que le consommateur se trouve pris au piège», explique le Dr Jean-Michel Delille, psychiatre à Bordeaux et président de la Fédération addiction. Cette propension à «accrocher» rapidement son utilisateur s’explique par la manière dont sa substance active, la cocaïne, est ingérée. Le crack est inhalé le plus souvent grâce à une petite pipe ; la cocaïne qu’il contient est ainsi absorbée quasi instantanément par l’organisme. L’effet est aussi immédiat qu’intense, mais il est très bref car la quantité absorbée est faible. La montée est violente, la descente est un «crash», selon le DDelille, qui pousse le consommateur vers une autre prise de façon de plus en plus rapprochée.À découvrir

À LIRE AUSSI Six questions pour comprendre le trafic de crack en Île-de-France

«Dans un premier temps, l’usager va ressentir un sentiment d’euphorie, de toute-puissance et d’énergie, souligne le psychiatre. Mais cet effet positif s’atténue assez vite quand les prises deviennent répétées en raison du mécanisme de la tolérance. Parallèlement, les symptômes de sevrage deviennent plus intenses. Le consommateur est plongé dans un état très pénible : il se sent épuisé, malheureux, angoissé.» Le malade passe ainsi de la recherche du plaisir au soulagement d’un besoin, et ce dernier devient de plus en plus irrépressible.

La cocaïne ne peut être fumée directement sous sa forme poudreuse, car la combustion dégrade ses propriétés psychoactives. Elle est donc transformée avec une base («basée») comme le bicarbonate de soude ou l’ammoniaque, ce qui la fait passer à l’état de petits cristaux solides : le crack. Cette opération chimique est réalisée par des dealers (appelés «cuisineurs» dans le milieu, indique l’Observatoire français des drogues et de la toxicomanie), qui vendent ensuite le crack, ou «free base», sous forme de petits cailloux blanchâtres ou de «galettes».

À VOIR AUSSI – Drogue: quels sont les chiffres de la consommation de crack à Paris?

«Dégringolade sociale»

«Les consommateurs ont souvent des trajectoires chaotiques avant même leur rencontre avec le crack, des vies douloureuses, d’exil, de violences ou de maltraitances, et ils cherchent un produit qui les aide à tenir le coup, à faire face à l’adversité du quotidien , à survivre», observe Marie Jauffret-Roustide, sociologue à l’Inserm et spécialiste des politiques de réduction des risques. Mais le crack fait aussi basculer des personnes plus insérées dans une «dégringolade sociale» selon la chercheuse : «Initiés dans un cadre festif, ils sont rapidement amenés à organiser leurs journées autour de la recherche du stupéfiant.»

Dans des entretiens menés par la sociologue avec des usagers, ces derniers évoquent d’ailleurs «le renfermement sur soi»«la perte de contrôle» et «l’obnubilation pour le produit». La cocaïne peut aussi déclencher des troubles psychiatriques qui se manifestent par de l’irascibilité, de la paranoïa, des violences. Elle est aussi à l’origine de crises d’épilepsie et d’accidents vasculaires coronariens ou cérébraux. Quant aux produits utilisés pour couper la poudre blanche, ils sont notamment associés à des risques de troubles cardiaques.

«S’il n’existe pas de traitement spécifique contre l’addiction à la cocaïne, il est heureusement possible de soulager certains symptômes», note le Dr Delille. Les médicaments les plus utilisés sont les régulateurs de l’humeur car ils améliorent le sommeil, réduisent l’angoisse, l’impulsivité, les idées de persécution fréquemment induites par la cocaïne mais aussi les prises de risques, les troubles du comportement et les violences. Des traitements visant à favoriser le sevrage sont actuellement expérimentés, mais «le cœur du traitement reste donc l’accompagnement global, médical, psychologique et social», selon le Dr Delille.

À LIRE AUSSI Trafic de crack à Paris: comment la police traque les dealers?

Dans ce contexte, les salles de consommation à moindre risque peuvent constituer une porte d’entrée vers les soins, selon un rapport rendu par l’Inserm en mai dernier. Ces lieux, où exercent des soignants et des travailleurs sociaux, offrent «l’occasion de recréer un lien de confiance propice à la resocialisation», souligne Marie Jauffret-Roustide. Ils ont par ailleurs des effets positifs en termes de santé individuelle des usagers. L’enquête de l’Inserm montrait que 22% des usagers des salles de shoot étaient des consommateurs de crack.

À VOIR AUSSI – Pour arrêter le crack «il faut s’éloigner de Paris», confie un consommateur

Source