Isabelle Claudet professeure de pédiatrie, cheffe du Pôle Enfants et cheffe de service des urgences pédiatriques au CHU de Toulouse
Isabelle Claudet, professeure de pédiatrie et cheffe de service des urgences pédiatriques au CHU de Toulouse, alerte dans une tribune au « Monde » sur le risque encouru par les enfants face à la banalisation de la consommation de cannabis. Les urgences et les services de réanimation pédiatrique sont confrontés à une augmentation des intoxications chez des patients de moins de 2 ans.
La France est en tête des pays européens consommateurs de cannabis, les usagers français représentent près du quart de l’ensemble des usagers européens (22 millions), selon les données de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). Même si le marché de l’herbe est en progression et représente 30 % des saisies, la consommation sous forme de résine reste prépondérante, singularité nationale.
Après une inflexion du trafic en 2020 en lien avec les restrictions de circulation liées au Covid, le marché reste très dynamique et repart très nettement à la hausse (75 tonnes saisies en 2021 versus 60 en 2020, selon la Direction générale des douanes et des droits indirects).
Les principaux consommateurs sont de jeunes adultes (25-35 ans) et parents de jeunes enfants exposés de façon passive à la fumée et à des produits laissés à leur portée et ingérés : résine, space cake, barres chocolatées ou encore bonbons (gummies) contenant la substance active (THC ou tétrahydrocannabinol) en quantité pouvant être importante.
Une accélération de la dégradation de la situation
En parallèle de sa banalisation et d’une circulation importante sous différentes formes, les pédiatres des services d’urgence, de pédiatrie et de réanimation s’inquiètent depuis plusieurs années de l’augmentation des recours pour intoxication chez de petits enfants (âgés de moins de 2 ans), d’une plus grande sévérité (30 % des présentations cliniques en 2014 étaient des comas) avec nécessité de mise sous assistance ventilatoire de plus en plus fréquente (40 à 60 enfants admis annuellement en réanimation depuis 2017, 75 % d’entre eux ont moins de 2 ans). Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Les « jardiniers » du cannabis, des trafiquants en herbe de plus en plus nombreux en France
Les équipes de ces unités et les centres antipoison et de toxicovigilance du territoire national ont publié plusieurs études dans des revues scientifiques entre 2019 et 2022 afin d’alerter, d’illustrer et de confirmer cette situation inquiétante. L’analyse toxicologique dans un même centre de cheveux de 41 enfants intoxiqués a montré en 2020 que 39 % d’entre eux avaient une exposition environnementale intense et des répercussions physiques (poids inférieur, plus souvent comateux à l’admission).
Augmentation de la présence du THC dans de nombreux produits
La plus grande sévérité des cas d’intoxication de l’enfant est en lien avec une croissance exponentielle de la concentration en produit actif (THC) dans la résine, ce taux moyen est passé de 9 % en 2004 à 28 % en 2019, selon le système d’identification national des toxiques et des substances de l’OFDT. Depuis 2010, plus de 3 000 enfants âgés de moins de 6 ans ont été hospitalisés pour intoxication au cannabis, plus de la moitié entre 2016 et 2019.
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