POLITICO (ARLINGTON) En donnant à des élus locaux le pouvoir de réguler une activité qui se chiffre en millions de dollars, de nombreux États américains ont créé un terreau fertile pour la corruption et le favoritisme, rapporte Politico.

En 2015, Jasiel Correia était une étoile montante du Parti démocrate. Ce fils d’immigrés capverdiens était devenu maire de Fall River, ville portuaire ouvrière du Massachusetts, à seulement 23 ans, ce qui lui avait valu les félicitations de la sénatrice Elizabeth Warren et du député Joe Kennedy. Mais quatre ans plus tard, des agents fédéraux l’ont fait sortir de chez lui menottes aux poignets : Correia était accusé d’avoir tenté d’extorquer près de 600 000 dollars à des distributeurs de cannabis “en échange de l’octroi de licences lucratives pour vendre de l’herbe dans sa ville”, indique Politico.

Pour le site américain, la chute du jeune maire de Fall River est loin d’être un cas isolé. Elle est emblématique “d’un boom de la corruption liée au cannabis à travers tout le pays, du Massachusetts à la Californie en passant par l’Arkansas” :

Ces dix dernières années, 15 États ont légalisé le marché de la marijuana récréative pour les adultes de plus de 21 ans, et 17 autres ont légalisé la marijuana médicale. Mais dans leur empressement à limiter le nombre de vendeurs agréés et à donner aux municipalités le contrôle de l’emplacement des dispensaires, ils ont créé autre chose : un marché pour la corruption locale.”

Presque tous les États qui ont légalisé la marijuana donnent à des élus locaux le pouvoir d’approuver des licences ou de contrôler leur nombre, souligne Politico. Ces élus, aux mandats souvent modestes, doivent prendre des décisions dont les conséquences se chiffrent en millions de dollars, et ces restrictions ont incité les entrepreneurs du marché du cannabis à faire de grosses contributions aux campagnes des élus ou à engager des lobbyistes :

Pour certains entrepreneurs, les paiements peuvent être vus comme un ticket d’entrée vers le prospère marché du cannabis. Pour certains politiciens, l’attrait d’un pot-de-vin ou d’une faveur peut être irrésistible.”

À Fall River, ville de 90 000 habitants, la mairie de Jasiel Correia facturait les lettres d’approbation locale entre 100 000 et 250 000 dollars de pots-de-vin. En mai, deux élus de Calexico, près de la frontière californienne avec le Mexique, ont été accusés d’avoir sollicité des pots-de-vin auprès d’un agent du FBI infiltré. Un mois plus tard, José Huizar, conseiller municipal de Los Angeles, était arrêté, accusé lui aussi de corruption dans le cadre de marchés immobiliers et de distribution du cannabis.

La solution : moins de restrictions ?

Des allégations de corruption ont également été signalées dans les administrations de certains États, poursuit Politico. Une ancienne élue du Maryland, Cheryl Glenn, a ainsi été condamnée à deux ans de prison en juillet dernier pour avoir accepté des pots-de-vin en échange du vote d’une loi favorable à des entreprises de cannabis médical.

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Selon Politico, ces affaires ne sortent pas de nulle part. Le FBI a en effet mis en garde l’ensemble des États américains contre les problèmes de corruption liés à l’industrie du cannabis. Les États progressistes comme la Californie et le Massachusetts ne sont en outre pas les seuls concernés. Des programmes de distribution du cannabis à des fins médicales dans des États plus conservateurs comme l’Arkansas et le Missouri ont également fait l’objet d’allégations de corruption.

Certains États semblent pourtant être restés à l’abri des polémiques sur la corruption liée au cannabis. Leurs points communs ? Ils attribuent un nombre limité de licences par un système de loterie, comme l’Arizona, ou ils n’en limitent pas le nombre, comme le Colorado ou l’Oklahoma. La preuve, pour de nombreux acteurs du secteur, que les autorités devraient simplement laisser le marché réguler lui-même l’activité, conclut Politico.

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