Pourquoi l’explosion du nombre de morts par overdose avec la pandémie aux Etats-Unis devrait nous inquiéter aussi ?
Interview du Pr. Jean Costentin
Atlantico :
Des dizaines de milliers d’Américains sont morts d’overdose au courant de l’année 2020. La responsabilité de la pandémie est pointée du doigt.
Quels sont les facteurs (stress, anxiété, solitude, etc.) qui peuvent avoir entraîné ce lourd bilan ? Les drogues actuellement en circulation peuvent-elles avoir une responsabilité dans cette aggravation ?
Pr. Jean Costentin :
L’an passé aux Etats-Unis, ce sont, à ma connaissance, 80.000 personnes qui seraient mortes par overdoses/surdoses de substances opiacées (i.e. issues de l’opium comme la morphine) ou opioïdes (i.e. de molécules de synthèse chimique mimant les effets des opiacés, tel le fentanyl). Ces décès y sont en nombre bien supérieur à ceux des accidents de la route ajoutés aux victimes des armes à feu, qui défraient pourtant la chronique.
Ces chiffres ne sont pas apparus brutalement, mais sur plus d’une demi douzaine d’années. Ainsi, ils ne sont pas imputables majoritairement aux conséquences de la pandémie de la Covid-19 qui, néanmoins, a pu les majorer.
Les molécules en cause sont : pour les unes des médicaments prescrits et utilisés comme tels au départ, et pour les autres des drogues vendues par des dealers telle l’héroïne ou des dérivés chimiques des anilino-pipéridines, les « fentanyls ».
Ce sont les deux voies d’entrée dans cette addiction fatale, l’une « thérapeutique », l’autre « récréative ».
A l’origine de cette première voie, il s’agit de patients ayant des douleurs plus ou moins intenses, auxquels leurs médecins, pour être rapidement très efficaces, prescrivent des antalgiques forts, au-delà de l’aspirine, du paracétamol, des anti inflammatoires non stéroïdiens, ou encore des corticoïdes.
C’est alors la codéine ou le tramadol, le dextropropoxyphène = Di-antalvic®, Propofan® ; la France a retiré ce dernier médicament du marché depuis une demi douzaine d’années. Prescrits à des doses et à des fréquences élevées,
ils induisent une tolérance, c’est à dire que leur effet diminue quand leur administration se prolonge. Le patient est alors incité à accroître la dose et la fréquence d’administration. Il y a des douleurs dont la cause a pu disparaître ou qui ont pu régresser mais qui, par le développement d’une dépendance, d’une addiction, font croire au patient qu’il a toujours besoin d’être traité. L’effet s’amenuisant, il presse le médecin de lui prescrire un médicament plus efficace.
Aux produits précédents (classés par l’organisation mondiale de la santé/O.M.S. comme produits du palier 2) vont être substitués des produits du palier 3 ; tels la morphine, l’oxycodone, la méthadone, la buprénorphine, la péthidine, le fentanyl… Ces médicaments devraient être réservés (hormis pour une brève durée) aux soins palliatifs, à des
patients dont l’espérance de vie est brève.
Sinon l’addiction s’installe, avec le besoin tyrannique de consommer ces médicaments devenus des drogues. Privé de leur consommation le sujet voit ses douleurs s’exacerber, d’autres douleurs apparaissent, tandis que surviennent
des manifestations, en fait des troubles, qui sont à l’opposé des effets que développaient ces agents morphiniques : dilatation pupillaire avec intolérance à la lumière, là où le morphinique contractait la pupille ; sudation là ou le morphinique la tarissait ; irritabilité, là où le morphinique rendait plus sociable ; accélération du péristaltisme intestinal là où le morphinique était constipant ; multiplication des passages aux urinoirs alors que le morphinique tendait à induire une rétention d’urine ; humeur triste, dépressive là où le morphinique améliorait l’humeur ; une hypersensibilité à la douleur, à la place de l’analgésie….Bref c’est le passage de Charybde en Silla.
Si les chiffres français ne sont pas connus, peut-on anticiper un phénomène similaire en France ? En a-t-on certains indices ?
Les chiffres français sont connus grâce à l’enquête DRAMES ; traduisez : décès en relation avec l’abus de médicaments et de substances qui, pour l’année 2019, dénombre 503 décès par overdoses, ; ce qui fait de nous les bons élèves de la classe européenne. La crise américaine des opioïdes ne nous affecte donc pas. Les médecins français sont conscient de la forte propension de nos concitoyens à s’adonner aux drogues et à certains psychotropes ; ainsi nous battons des records internationaux en matière de consommation de tabac, d’alcool, de cannabis, d’hypnotiques, de benzodiazépines, d’antidépresseurs.
Cela pourrait être à l’origine de leur plus grande pusillanimité, disons de leur plus grande prudence dans leurs
prescriptions que les médecins américains. Toujours prompts à nous inciter à copier les U.S.A. des journalistes nationaux ont reproché au corps médical français d’être avare du recours aux analgésiques puissants, allant jusqu’à lui reprocher d’être insensible aux douleurs des patients. Heureusement la majorité des médecins français a su résister à cette provocation.
D’ailleurs, les provocateurs d’hier sont devenus discrets, essayant de faire oublier leurs errements. Incorrigibles, ils vitupèrent maintenant, sans disposer des informations pertinentes pour la légalisation du cannabis dit « thérapeutique ».
C’est peut-être aussi parce que les français seraient culturellement plus « résistants à la douleur ».
Il est à noter encore que la pression concurrentielle entre praticiens pourrait être en cause. Le déficit des effectifs médicaux en France, qui culmine dans les « déserts médicaux », atténue la démagogie qui pollue aux U.S.A. la pratique médicale pour capter des patients.
L’aura médicale, même malmenée par la gratuité croissante des soins, conserve au praticien une certaine autorité, qui lui permet de résister aux sollicitations de plus en plus fortes de sa patientèle.
Ce pic constaté en 2020 est il conjoncturel ou doit on s’attendre à ce que la situation continue de s’aggraver post pandémie ?
La préservation de notre Nation aux débordements de l’utilisation des antalgiques constatés en Amérique est précaire. Si nous n’y prenons garde nous pourrions, comme en d’autres matières, copier ce mauvais exemple américain.
Notre tolérance à la douleur s’amoindrit : « Prendre sur soi » ; supporter ; adhérer au précepte formulé par Albert Camus « un Homme ça s’empêche » ; ne sont plus trop à la mode.
Très tôt nous opposons à chacun des maux de nos enfant un médicament, instaurant chez eux le stéréotype : à chaque trouble-une réponse médicamenteuse.
Notre prémunition contre les drogues s’érode. Les français, exceptionnellement désinformés, seraient maintenant favorables en majorité au cannabis dit « thérapeutique » ; tandis que s’accroit le nombre de ceux qui souhaitent sa légalisation « à des fins dites récréatives ».
Le « jouir sans entrave » soixante-huitard continue, sans faiblir, de contaminer nos comportements.
Comme patients nous sommes de plus en plus impatients et requérants. Auprès des praticiens le « j’aimerais », devient de plus en plus souvent : « je veux » ; faisant craindre qu’il s’exprime bientôt « j’exige» !
En conclusion, nous ne sommes pas atteints par cette crise des opioïdes mais, si nous n’y veillons pas, nous pourrions le devenir.
19 juillet 2021 at 12:09
Faut arreter avec ces propos , les personnes qui consomment des medicaments à base de morphine le font en connaissance de cause et meme ceux qui en prennent pour des douleurs et ceux meme si le médecin « omet » de signaler qu’ils sont addictogènes , c’est comme pour ceux qui pretendaient ou pretendent encore aujourd’hui qu’ils ne connaissaient pas les effets nefastes du tabac à moins d’etre complétement stupides ou analphabetes pretendre qu’on ne savaient pas et tout simplement mensonger , c’est juste plus facile de dire qu’on ne savit pas à partir du moment ou c’est trop tard et pour les autres l’addiction est la seule « maladie » qui ne s’attrape pas mais qu’on s’inflige , et puis avec une politique on minimise tout , on justifie, on excuse trop de gens s’attendent a ce que des médocs (d’autres) viennent les guérir sans avoir a faire quoi que ce soit et aussi les médecins sont pris pour certains par des magiciens qui pourraient d’un coup de baguette les rendre sobres, maigres, non fumeurs , on ne corrige pas une addiction par une autre pourtant c’est ce qu’on fait trop souvent parce que les gens ne veulent pas avoir a prendre leur courage à deux mains et s’arreter de boire ou de fumer, se droguer sans avoir besoin de prendre des médocs , des patchs, quand on veut on peut c’est pas plus compliqué que ça et je parle en connaissance de cause j’ai arreté de boire, de fumer, l’heroine et j’ai perdu 40kg sans médocs ni psychiatres, ni recours à une cure .
J’aimeJ’aime