Face au fléau de la toxicomanie la tendance dominante est à la « réduction des risques », une approche de santé publique qui accepte la consommation de drogue à grande échelle et essaye d’en atténuer les conséquences négatives. La « réduction des risques » a commencé avec l’échange de seringues et les cliniques de méthadone et prend aujourd’hui la forme des sites d’injection dits « sans risques », où les toxicomanes peuvent prendre des drogues sous la supervision de professionnels de la santé, qui sont censés intervenir en cas d’urgence.

La ville de Vancouver, au Canada, est souvent citée comme un exemple en la matière. Au cours des 30 dernières années, Vancouver a mis en œuvre l’intégralité des stratégies de « réduction des risques ».

Cependant, ce qui se passe à Vancouver peut difficilement être considéré comme une réussite. Le total des dépenses sociales dans le Downtown Eastside, le quartier de Vancouver « dédié » aux toxicomanes, s’élève maintenant à plus d’un million de dollars par jour et cependant les problèmes liés à la drogue n’ont fait que s’aggraver : sans-abris, incivilités, criminalité, surdoses, comme le montre une étude récemment publiée par l’Institut pour la Justice[1].  

Le Downtown Eastside, est devenu un véritable piège mortel pour les toxicomanes de toute la Colombie-Britannique, qui s’y rendent pour se procurer de la drogue, faire une surdose, puis périr dans la rue. De 2005 à 2015, le nombre de toxicomanes sans domicile fixe ayant migré vers le Downtown Eastside depuis l’extérieur du quartier est passé de 17 à 52 % de la population totale et parallèlement, depuis 2008, le nombre de décès par surdose en Colombie-Britannique a augmenté de 151 %, les chiffres de Vancouver étant à l’origine d’une grande partie de cette augmentation.

Pourtant, le Downtown Eastside est l’un des quartiers les plus étudiés au monde. Un coup d’œil rapide à la littérature spécialisée révèle au moins 6 500 articles universitaires, articles de journaux et rapports scientifiques qui se concentrent sur la vie dans ce quartier. Par ailleurs, le quartier abriterait plus de 170 associations à but non lucratif vouées à aider les toxicomanes. Tout un vaste secteur socio-scientifique se consacre à la résolution des problèmes du Downtown Eastside, et proclame les bénéfices supposés de la « réduction des risques ».

Malheureusement, une grande partie de la littérature spécialisée qui apporte une caution à la « réduction des risques » est plus proche de l’activisme que de la science pure et dure. Selon une enquête récente de la RAND Corporation, près de 80 % de la littérature sur les sites d’injection supervisée est constituée d’études provenant de deux établissements seulement : Insite à Vancouver et le Centre d’injection médicalement supervisé, à Sydney, en Australie. Selon les conclusions des chercheurs de la RAND, ces études ne sont ni rigoureuses ni concluantes, et elles négligent souvent le potentiel de nuisances et d’effets de secondaires au niveau du reste de la population.

Surtout, la politique de « réduction des risques » repose sur l’idée que l’objectif de l’abstinence – le but traditionnel de la médecine et des politiques publiques en matière de toxicomanie – est irréaliste, voire oppressif. Selon les partisans de la « réduction des risques », le véritable objectif ne devrait pas être la guérison de l’addiction, mais le maintien de l’addiction, éventuellement à perpétuité, sous la supervision des pouvoirs publics.

Cette logique nous entraine tout droit vers le « Meilleur des mondes », avec la distribution officielle de Soma à tous ceux qui cherchent une échappatoire aux inévitables difficultés de l’existence.

Sous couvert de compassion, la politique de « réduction des risques » crée des mécanismes pervers qui dégradent la condition de ceux qu’elle est censée aider et qui amplifient les problèmes sociaux liés à la toxicomanie.

Laurent Lemasson Responsable des publications à l’Institut pour la Justice

Source