Pr. Jean Costentin 

Les principaux méfaits psychiques du THC, le constituant toxicomanogène du cannabis, sont assez bien connus : toxicité cardiovasculaire, ivresse, désinhibition, prise de risques, accidents routiers et professionnels ; altérations de la mémoire et de la cognition ; perturbations de la maturation cérébrale, anxiété, dépression, schizophrénie, escalade vers d’autres drogues…

Bien qu’irréfragables, ils n’entament pas la revendication de ceux qui militent pour sa légalisation.
Alors que la connaissance des effets épigénétiques du THC devrait annihiler leur revendication, ils sont ignorés de nos concitoyens, au point de se demander si cette méconnaissance n’est pas sciemment entretenue.

La première publication sur ce sujet (Y. Hurd -U.S.A.) date pourtant d’une dizaine d’années. Elle montre que les fœtus humains d’avortements survenus autour de la 20 ième semaine de la gestation de mères consommatrices de cannabis, présentent dans une région du cerveau, le noyau accumbens (centre de perception du plaisir), une diminution marquée (-50%) de leurs récepteurs D 2 de la dopamine, relativement aux cerveaux de fœtus du même âge de mamans non consommatrices de cannabis.

C’est en stimulant ces récepteurs D 2 que la dopamine, « le médiateur du plaisir », suscite ce type de sensation. A l’adolescence, les enfants de mamans ayant consommé du cannabis pendant la grossesse, éprouvent un plus faible niveau de plaisir que leurs congénères. La prise d’une drogue, de n’importe
laquelle (leur action commune étant d’accroitre la stimulation des récepteurs D 2 ), pallie leur mal-être. Eprouvant un plaisir supérieur à celui qu’en éprouvent les autres, ils sont incités à y recourir et entrent ainsi dans l’addiction.

Des rats dont les mères ont reçu du THC pendant leur gestation présentent aussi une baisse de leurs récepteurs D 2 dans leur noyau accumbens et, manifestent une propension accrue à consommer les drogues qui leurs sont proposées.
L’ADN du gène qui code ces récepteurs D 2 , exposé au cannabis pendant la gestation, n’est pas modifié ; il n’a subi aucune mutation. Par contre cette exposition modifie son support, fait de protéines particulières (des histones) qui forment avec l’ADN, la chromatine du chromosome (par la greffe de radicaux méthyles (-CH 3 ) sur des acides aminés précis de ces histones). Ces modifications réduisent la facilité avec laquelle ce plan sera lu et, ainsi, exécuté ; d’où cette diminution de l’expression des
récepteurs D 2 .
Des méthylations de cytosines de l’ADN sous l’effet du THC, peuvent également modifier la lecture de gènes codant d’autres caractères.
Si du THC est administré d’une façon semi chronique à des rats des deux sexes avec interruption 15 jours avant leur copulation (pour son élimination complète lors de celle-ci), les conséquences sont les mêmes que celles observées lorsque le THC était administré pendant la grossesse : modifications de la chromatine ; baisse des récepteurs D 2 ; vulnérabilité aux toxicomanies.
Ainsi, les individus en âge de procréer qui ont exposé au THC leurs gamètes (spermatozoïdes pour eux, ovules pour elles), même longtemps avant leur union reproductrice, peuvent transmettre à leurs descendants (au moins de première génération) une vulnérabilité aux toxicomanies.

Ce constat est à ajouter aux explications avancées pour expliquer l’augmentation des toxicomanies dans notre Nation, toute première consommatrice de cannabis en Europe.

Les effets épigénétiques du THC peuvent affecter le consommateur lui-même, accroissant son appétence pour certaines drogues (tels les agents morphiniques et cocaïniques), mécanisme à l’origine de l’escalade toxicomaniaque. Ils peuvent induire des déficits immunitaires, une prédisposition aux psychoses.

Le consommateur en est alors la victime. Ils peuvent aussi induire chez sa descendance une vulnérabilité aux toxicomanies ; comporter le risque de malformations fœtales, d’une vulnérabilité aux troubles du spectre de l’autisme, à la schizophrénie, aux troubles cognitifs. Pour ces derniers effets ce serait en modifiant l’expression d’une protéine (GLAP 2) présente dans les synapses (structures d’interface entre les neurones qui communiquent entre eux).

Le consommateur de cannabis présente alors la facture à ses descendants.
En adaptant une formule du livre d’Ézéchiel on dira : les parents ont fumé le cannabis vert et leurs enfants en ont eu les neurones perturbés.
Revendiquer sa liberté face à son destin comporte quelques limites ; elles se font plus précises quand cette liberté porte atteinte à sa progéniture.
Aussi, fumer du cannabis ou se reproduire, il faut choisir !