La consommation du cannabis, en France, est d’un très haut niveau ; nous sommes, et de loin, ses tout premiers consommateurs parmi les 27 Etats membres de l’Union européenne. Après avoir frappé nos grandes cités, le cannabis s’est répandu dans toutes nos campagnes. Sa diffusion, sur un mode pandémique, s’accompagne d’un pitoyable cortège, ouvert par ses 230.000 dealers et autres trafiquants, promoteurs d’accidents de toutes sortes (routiers, professionnels, sanitaires, sociaux et sociétaux).
Sa toxicité physique est supérieure à celle du tabac : cancérogène, fauteur de troubles cardio-vasculaires (artérites, accidents vasculaires cérébraux, 3ième cause de déclenchement d’infarctus myocardiques) ; il perturbe le déroulement de la grossesse (qui s’en trouve abrégée) et l’enfant qui en naitra (malformations, vulnérabilité à l’autisme, à la schizophrénie, aux toxicomanies, aux déficits immunitaires…). Il s’y ajoute une toxicité psychique faite d’ivresse, de désinhibition rendant le consommateur dangereux tant pour lui que pour autrui ; avec des relations sexuelles non consenties, non protégées contre les maladies sexuellement transmissibles et sans contraception.
Cette drogue, par son tétrahydrocannabinol/THC, est à l’origine d’accidents routiers (impliqué dans 23% des accidents mortels), d’accidents professionnels, d’une perturbation de la cognition, inductrice d’une crétinisation qui imprime sa marque dans la mauvaise place (27ième rang) de notre pays dans le classement international PISA des performances éducatives ; inductrice de troubles délirants, d’hallucinations, d’une psychose cannabique (réversible) ; qui déclenche ou aggrave une schizophrénie ; qui incite à l’abus d’autres drogues aboutissant à ces poly toxicomanies devenues si fréquentes…
A ce jour, le cannabis est, de très loin, la substance illicite la plus consommée par les adolescents ; elle concerne de plus en plus la population devenue adulte ; 18 millions de personnes de 18 à 64 ans l’ont expérimenté en France (soit 46% de cette tranche d’âge, le double de la moyenne européenne). Parmi les éléments les plus saillants de cette consommation, retenons :
– ses 1.500.000 usagers réguliers (plus de 10 joints par mois), incluant 900.000 usagers quotidiens et multi-quotidiens. Eu égard à la très longue durée d’action du THC, la consommation d’un « joint » tous les 3 jours entretient, au moins à un certain degré, une stimulation permanente de ses cibles biologiques, les récepteurs CB1 ;
– son expérimentation est de plus en plus précoce ; elle apparait au collège, dès la cinquième (12 ans), c’est à dire à un âge critique car le cerveau, alors en pleine phase de maturation (entre 12 et 22 ans), est particulièrement vulnérable ; autoriser, comme le propose certains, sa consommation au delà de 18 ans le ferait consommer par des individus n’ayant pas terminé leur maturation cérébrale.
– diffusent désormais des résines dont la teneur en THC est de plus en plus élevée (multipliée par 6,5 en 40 ans) ;
– certains modes de consommation peuvent décupler la cession du THC à l’organisme (vapoteurs, pipes à eau) ;
– les cannabinoïdes de synthèse sont beaucoup plus actifs que le THC ;
– l’addiction au cannabis est croisée avec celle des opioïdes.
Certains Etats défaitistes ont rendu les armes. Ils ont signé l’armistice avec : le monde du « deal » ; avec les puissances financières à l’affût ; avec ceux qui organisent la fuite de leur existence dans la drogue.
N’abdiquons pas, la guerre n’est pas perdue, donnons nous les moyens de la gagner, et pour cela il faut :
1- Rappeler la législation qui prohibe le cannabis (loi de 1970). Alors qu’elle est d’une complète actualité elle reste méconnue, sauf de ceux qui veulent l’abolir. Il faut la faire connaître, l’expliciter, la justifier. Contrairement à ce qu’affirment ses détracteurs, elle est actuellement inappliquée même pour les dealers, comme le montre l’enquête européenne sur les sanctions judiciaires prononcées. Pour la possession de 1 kg de résine de cannabis, la France et les Pays-Bas sont les deux pays les plus laxistes parmi tous les 27 pays de l’Union européenne. Justifier la législation consiste à montrer ses effets protecteurs vis à vis des multiples méfaits physiques et psychiques que peut susciter cette drogue. Ceci doit conduire à présenter tous les méfaits du cannabis, dans leurs détails, avec tous les éléments de preuve.
2- Mettre en place une pédagogie précoce, dès l’école primaire, étalée sur tout le cursus éducatif, déterminée, répétitive. Elle saisira l’opportunité des visites médicales prénuptiales pour évoquer la santé pré conceptionnelle, la grossesse, les méfaits épigénétiques opérés par les drogues, méfaits que les parents peuvent transmettre à leur progéniture.
Ces interventions pédagogiques seront effectuées par des intervenants qui insisteront sur le rappel de la loi, sur les subterfuges des dealers et des affairistes, sur les aspects sanitaires, en fonction de leurs compétences respectives. Ces actions ne sont que très partiellement remplies par la Police et la Gendarmerie nationale ; Elles doivent être complétées par celle d’autres intervenants, dont on se sera assuré qu’ils sont exempts de tout problème toxicomaniaque et qu’ils sont convenablement formés pour présenter les méfaits biologiques, cliniques, toxicologiques, épidémiologiques de cette drogue ;
3 – Lutter contre le cannabisme, c’est lutter aussi contre le tabac, car il est « porté sur les épaules de ce dernier » ; c’est aussi lutter contre les ivresses alcooliques qu’il potentialise. La première ligne de défense contre le cannabis consiste donc à faire respecter l’interdiction du tabac chez les mineurs, porte d’entrée du cannabis. Il faut aussi interdire aux mineurs la e-cigarette et faire respecter cette interdiction. Alors qu’à l’origine elle ne dispensait que de la nicotine, elle est maintenant détournée par l’emploi de recharges d’« huile de cannabis » (à très haute teneur en THC) et de divers produits à base de cannabis et de cannabinoïdes de synthèse ;
4 – Sanctionner toute infraction à la loi prohibant le cannabis ; en s’affranchissant du « tout ou rien », i.e. le « tout » (le maximum de 2 ans de prison ou 3.500 € d’amende, jamais appliqué) ou le « rien » (classement sans suite, qui prévaut habituellement et fait classer le délit presque sans sanction, hormis une contravention de 200 €, d’ailleurs pas toujours perçue, ce qui ne laisse même pas une trace qui aurait permis d’en accroître le montant en cas de récidive(s). Il faudra recourir à la gamme des nombreuses peines intermédiaires imaginables entre la sanction maximale prévue par la loi et une totale absolution, en tenant compte des circonstances dans lesquelles le délit a été constaté. Ce devrait être, a minima, une amende d’un niveau plus élevé que celle de base qui, surtout, ne devrait pas être en solde de tout compte. Inscrite extemporanément sur un fichier national informatisé, elle permettrait qu’à chaque nouveau constat de détention d’une quantité de cannabis pour usage personnel et/ou de consommation, le niveau de l’amende soit accru, multipliant le tarif de base par le nombre de récidives.
Au-delà de 4 infractions, attestant d’une dépendance/addiction forte (7,4 % des jeunes de 17 ans ont une consommation problématique au sens du « cannabis abuse screening test » ou CAST), serait instituée une prise en charge médicale. Elle jouerait de la persuasion, par le suivi d’un stage (payant) d’information intensive, se déroulant sur deux jours ; il comporterait à son issue un contrôle des connaissances, dont un niveau insuffisant imposerait une réitération du stage, à nouveau payant. Une surveillance ultérieure par des contrôles urinaires réguliers s’assurerait du sevrage et de sa persistance. En cas d’échec, un traitement serait réalisé en milieu fermé, médicalisé, pendant lequel seraient poursuivies des activités éducatives, focalisées sur les disciplines majeures ;
5 – Dénoncer les lobbies à l’affût : industrie du tabac, buralistes, alcooliers et comparses… pour qui la haute « valeur ajoutée » d’un produit anesthésie toute réflexion éthique sur la valeur et la qualité de la vie humaine ;
6- Indiquer, de façon aussi précise que détaillée, aux consommateurs, dont beaucoup ont un fond moral qui peut avoir résisté à l’affaiblissement de leur volonté, où va l’argent qu’ils dépensent pour satisfaire leur toxicomanie (enrichissement des dealers, des gangs, des gros bonnets de la drogue, soutien au terrorisme, voire à des guerres…) ;
7- « Pourrir » la vie des « dealers ». Lors des intercours, aux sorties des collèges et des lycées, des parents d’élèves viendraient veiller à tour de rôle ; constatant une activité de « deal », ilsdisposeraient d’un numéro enregistré sur leur téléphone portable leur permettant d’appeler discrètement la police.
Lors de la présentation des délinquants à la justice, elle ne classerait plus sans suite, et ne libérerait pas instantanément des dealers, narguant alors les policiers qui viennent de les arrêter.
8 – Insister auprès des parents sur les méfaits d’un argent de poche dispensé de façon excessive, mais aussi sur le fait que les jeunes consommateurs de cannabis, prêts à tout pour se procurer cette drogue, peuvent recourir au vol, à la prostitution, voire faire usage de la violence pour obtenir de l’argent ou devenir à leur tour des dealers ;
9 – Sensibiliser les parents sur l’attention qu’ils doivent porter aux fréquentations et aux sorties de leurs enfants ; sur l’importance d’avoir avec eux des loisirs, des sorties, des vacances ;
10- Diffuser la pratique de tests urinaires au collège et au lycée ; les premiers tests s’effectueraient de façon anonyme ; si le taux des intoxiqués s’avérait élevé, il serait alors annoncé que seraient effectués des contrôles personnalisés, ce qui permettrait d’identifier ceux qui sont incapables d’arrêter quelques jours leur consommation en raison de leur forte dépendance à la drogue. Cet état justifierait un signalement de l’enfant mineur à ses parents en leur indiquant le besoin d’une prise en charge médicale ;
11 – Rompre avec la confusion, délibérément entretenue, entre d’hypothétiques activités thérapeutiques du cannabis et ses usages à des fins « récréatives ». Tous les Etats qui ont légalisé le cannabis « récréatif » avaient instauré, plusieurs années auparavant, le cannabis thérapeutique ; ainsi aux Etats-Unis et au Canada. Très peu de preuves de son efficacité thérapeutique ni de son innocuité n’ont été apportées ; en revanche, les études épidémiologiques montrent que l’accès facilité à un usage « médical » favorise la consommation à titre « récréatif » ;
12 – Apporter sans relâche une contradiction à ceux des journalistes et médias (avec la requête d’un droit de réponse automatique et non laissé à leur discrétion) qui, par différents artifices, entretiennent la banalisation du cannabis et contribuent à sa diffusion ;
13 – Former le monde médical (médecins et infirmières scolaires en particulier), les parents, les éducateurs, les ministres des cultes, les responsables de clubs sportifs, ainsi que tous les milieux professionnels sur les risques du cannabis ; les former au repérage de sa consommation et à la façon de se comporter avec ses utilisateurs ;
14 – Rappeler avec insistance que le cannabis est souvent l’antichambre de la cocaïne et de l’héroïne par un effet passerelle ; ce constat est expliqué désormais par ses effets épigénétiques. Le cannabis/THC est donc un des premiers barreaux de l’échelle qui fait accéder aux poly toxicomanies ;
15 – Diffuser les connaissances sur les effets épigénétiques du THC. Alors que les premières connaissances datent de plus de dix ans, elles demeurent largement méconnues du public. Il importe de les lui faire connaître, en indiquant qu’une exposition de ses gamètes (spermatozoïdes ou ovules) au THC, même longtemps avant de procréer, peut induire chez sa progéniture des malformations, des retards de développement psychomoteur, une vulnérabilité à l’autisme et, à l’adolescence, une vulnérabilité aux toxicomanies, à la schizophrénie, aux troubles de l’humeur, à des déficits immunitaires, à des déficiences cognitives…
Prochain article : E – Agir contre les opiacés et les opioïdes le 27 Juin
25 juin 2022 at 00:10
je suis d’accord
André Badiche psychiatre des hopitaux
je vous adresserai plus tard le commentaire d’un praticien qui a soigné des psychoses cannabismes
et fait de la prévention en lycée et dans des cafés de la ville de Rennes
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