Lettre N° LXXVIIMars 2022Président Pr. J. Costentin – Editeur en chef Pr. J.-P. Tillement ![]() |
La Lettre du CNPERTComité National de Prévention, d’Etudes et de Recherches sur les Toxicomanies |
S’il faut être attentif à l’état de la planète que nous léguerons à nos enfants, il est majeur de nous préoccuper de l’état des enfants que nous lui léguerons. |
Le Professeur Jean-Pierre Goullé, vice-président du CNPERT, élu vice-président de l’Académie nationale de médecine pour 2022 et président pour 2023 |
![]() Les membres du conseil d’administration du CNPERT ont le très grand plaisir de vous informer que le professeur Jean-Pierre Goullé, vice-président du CNPERT, a été élu en décembre 2021 vice-président de l’Académie nationale de médecine ; académie qu’il présidera en 2023. Ce très grand honneur qui lui est fait, rejaillit sur notre CNPERT dont il est un des membres les plus actifs. Il présidait jusqu’alors à l’Académie de Pharmacie la commission : «Substances vénéneuses, addictives ou dopantes» et à l’Académie de Médecine la sous commission « Addictions » |
Le cannabis et la crétinisation |
![]() Une étude de type cas-témoin, comparant 25 consommateurs de cannabis à 20 sujets témoins, tous du genre masculin, a évalué leurs performances cognitives par une batterie de tests neuropsychologiques et a mesuré par I.R.M. l’épaisseur de leur cortex cérébral.Le cannabis a réduit les performances d’apprentissage verbal et la mémoire de travail avec une diminution très hautement significative de l’épaisseur du cortex dans le lobe temporal, la région orbito-frontale, la région cingulaire, le gyrus fusiforme, le gyrus temporal. Le déficit de l’apprentissage verbal était associé à une réduction du cortex entorrhinal droit et orbito-frontal gauche. Une relation a été établie entre les anomalies structurelles et l’importance de la consommation de cannabis (quantité et fréquence). Witteman et coll. Cognition and cortical thickness in heavy cannabis users. Eur. Addict. Res. 2021, 27, 115-122. |
Prise en charge de l’héroïnomanie intraveineuse De la buprénorphine perlinguale à des formes sous cutanées à libération prolongée |
La toxicomanie morphinique culmine avec l’héroïne injectée par voie intraveineuse ; elle comporte quatre méfaits majeurs : Des fluctuations de stimulation des récepteurs opioïdes de type mu/μ par cet agoniste complet (i.e. qui les stimule avec une intensité maximale), en raison de sa brève durée d’action; ce qui majore la dépendance. Son intrusion soudaine dans le cerveau, modifie brutalement la stimulation de ces récepteurs mu, déclenchant tout aussi brutalement une libération de dopamine (le neuromédiateur du plaisir) qui, à son tour, stimule brutalement les récepteurs dopaminergiques D2 dans le noyau accumbens (centre cérébral du plaisir), à l’origine du flash, sorte d’arc électrique, du shoot, une sensation pseudo-orgasmique que l’injecteur n’a de cesse de réitérer. Des risques infectieux par réutilisation de matériels d’injection contaminés, pouvant transmettre SIDA ou hépatites ; avec aussi l’injection de particules thrombosantes et de solutions ni stériles ni apyrogènes ; Le risque « d’overdose » avec une dépression respiratoire qui peut être létale. L’administration sublinguale de buprénorphine (= Subutex®) ou orale de méthadone, opioïdes à longue durée d’action, peut dissuader des injections d’héroïne et protéger l’héroïnomane: En prévenant le syndrome d’abstinence qui résulterait de l’arrêt de stimulation des récepteurs mu ;En produisant une stimulation stable de ces récepteurs ; En empêchant l’effet flash de se produire ; en évitant aussi les risques infectieux ;En protégeant de l’overdose. Nous n’envisageons ici que la buprénorphine ; agoniste partiel des récepteurs mu (les stimulant moins intensément que l’héroïne, qui est un agoniste complet). Administrée par voie perlinguale (glossette), passant dans le sang, elle échappe à la traversée du foie qui l’inactiverait. Sa longue durée d’action permet à une seule prise quotidienne de maintenir pendant 24h un niveau stable de stimulation/occupation des récepteurs mu. N’étant qu’un agoniste partiel elle n’induit pas d’overdose, même à la plus forte dose admise (16mg) ; ce qui la différencie de la méthadone (qui est un agoniste complet).Elle est largement prescrite par des médecins généralistes. Hélas, la substitution de l’héroïne i.v. par la buprénorphine sublinguale crée deux frustrations : (i) l’héroïnomane ne peut plus éprouver ses « shoots » (les récepteurs mu étant occupés par la buprénorphine, l’héroïne ne peut plus changer brusquement leur niveau de stimulation ; (ii) la stimulation des récepteurs mu est moindre qu’avec cet agoniste complet qu’est l’héroïne. Ceci incite presque 50% de ses bénéficiaires (de l’ordre de 100.000) à tricher. Ils s’injectent par voie i.v. la buprénorphine récupérée dans le surnageant obtenu après mise en solution des glossettes. ![]() On déplore de scandaleuses collusions entre des médecins prescripteurs de « Subu » et des héroïnomanes. Ils le prescrivent à la plus haute dose autorisée (16 mg) ; s’interdisant ses génériques, dont l’abondante matrice galénique insoluble, diminue la récupération du surnageant après dissolution. Ils prescrivent par contre une forme lyoc de buprénorphine (Orobupré®), un lyophilisat qui après mise en solution ne laisse aucun résidu. On est consterné que cette forme galénique ait obtenue l’autorisation de mise sur le marché alors que ce détournement était prévisible. Le même laboratoire annonce le développement d’une forme injectable de buprénorphine, illustration de « la course au pire ». Ces médecins collusifs ne prescrivent jamais de Suboxone®, largement utilisée à l’étranger ; c’est l’association de buprénorphine à la naloxone, un antagoniste des récepteurs mu. Cette dernière, non résorbée par les muqueuses buccales ne vient pas troubler l’effet voulu de la buprénorphine. Par contre, dans le surnageant de la dissolution des glossettes de Suboxone®, buprénorphine et naloxone étant toutes deux présentes, son injection i.v. ferait que la naloxone s’oppose aux effets cérébraux de la buprénorphine et même induit un syndrome d’abstinence, dissuadant de réitérer semblable détournement. De nouvelles formes galéniques de buprénorphine viennent d’apparaître ; il s’agit de solutions visqueuses (Buvidal®) injectées par voie sous cutanée, ou d’implants (Probuphine®) insérés sous l’épiderme. Elles libèrent au long cours (une semaine à un mois) pour le Buvidal®, voire au très long cours (de 3 à 6 mois) pour la Probuphine®, de la buprénorphine qui passe, à une vitesse régulière dans le torrent circulatoire, stimulant de façon stable les récepteurs mu cérébraux. Les implantations ou les injections sont pratiquées par des praticiens en milieu hospitalier, ce qui ne permet pas aux patients d’extraire la buprénorphine de ces formes galéniques pour se l’injecter par voie i.v. Déjà, des médecins, qui se voient écartés de ces administrations, critiquent ces formes à libération très prolongée. Pour n’être plus soupçonnés des collusions évoquées, qu’ils recourent enfin à la Suboxone®. Pr. Jean Costentin |
Le cannabis/THC et ses principaux méfaits |
Une drogue très addictive (piégeant 20% de ceux qui l’ont expérimentée ; avec 1.500.000 consommateurs réguliers malgré sa prohibition ; les Français en sont les tout premiers consommateurs européens). Toxique pour le cerveau : Drogue de la crétinisation, elle perturbe la mémoire, la cognition ; elle induit désintérêt, aboulie, amotivation, renoncement, incurie; elle induit une ivresse (avec des risques routiers, professionnels, sociaux); désinhibitrice (avec prises de risques routiers et passages à des actes normalement réprimés); au long cours anxiogène, elle intensifie les états dépressifs (avec leurs risques suicidaires); elle induit, ou révèle, ou aggrave la schizophrénie (psychose grave) ; elle incite à l’adjonction d’autres drogues (polytoxicomanies). Toxique pour l’enfant conçu :Des individus en âge de procréer qui exposent leurs gamètes au THC du cannabis, par des mécanismes épigénétiques, risquent de concevoir des enfants porteurs de malformations ainsi que d’une vulnérabilité aux toxicomanies, de déficits de leurs capacités cognitives ou encore immunitaires ;les grossesses “sous cannabis” sont abrégées, avec des nouveaux nés hypotrophiques, à plus grand risque de mort subite, ou d’hyperactivité avec déficit de l’attention, et qui présentent un retard de leur développement psycho moteur. ![]() Toxique pour le corps :Le cannabis fumé est plus toxique que le tabac en générant 6 à 8 fois plus de goudrons cancérigènes (larynx, appareil respiratoire) et d’oxyde de carbone (qui trouble l’apport, par l’hémoglobine, de l’oxygène aux tissus). Sa toxicité cardiovasculaire se traduit par des infarctus du myocarde, dont il est la 3ème cause de déclenchement, des artérites des membres inférieurs, des accidents vasculaires cérébraux.Il est immunodépresseur.C’est en méconnaissance de cela (Sinon ce serait criminel) qu’un nombre croissant de nos concitoyens se déclare en faveur de la légalisation de cette drogue. Voudraient-ils ajouter d’autres victimes aux 75.000 morts annuels du tabac, aux 41.000 morts de l’alcool, aux handicaps dus à ces deux drogues légales dont on est incapable de contenir les méfaits, en faisant exploser en outre le nombre des victimes des maladies psychiatriques? Pr. Jean Costentin |
La politique suisse en matière de drogues : un modèle pertinent |
![]() La politique mise en œuvre en Suisse vise à minimiser les conséquences négatives de la consommation de drogues tant pour les consommateurs que pour la société. Elle repose sur une prise en charge globale, fondée sur le modèle des quatre piliers, élaboré en 2008 dans le contexte de l’épidémie d’héroïne. Il est également appliqué pour la prise en charge d’autres drogues. Ces quatre piliers sont : la prévention,la thérapie,la réduction des risques,la répression. Dans son plan national addictions 2017-2024, la Commission fédérale suisse pour les questions liées aux drogues a élargi le périmètre initial des quatre piliers en lui ajoutant trois niveaux de consommation : la consommation à faible risque, la consommation problématique et la dépendance. Elle a étendu cette politique des quatre piliers à toutes les substances ou comportements addictogènes (alcool, cannabis, héroïne, cocaïne, médicaments psychoactifs, dépendances comportementales, tabac) Pilier 1 : la promotion de la santé, la prévention et le repérage précoce Ce premier pilier comporte, d’une part des mesures de promotion générale de la santé dont l’objectif est de renforcer les ressources sanitaires de chaque individu pour prévenir notamment toute addiction; d’autre part des mesures de prévention comportementales et structurelles qui considèrent la santé dans sa globalité ou qui portent spécifiquement sur l’addiction afin de prévenir, les comportements à risque.Le repérage précoce consiste à percevoir au plus tôt les signes précurseurs de problèmes de santé, de problèmes sociaux ou d’addiction.La prévention des addictions vise à alerter des conséquences de l’abus de substances pour éviter la dépendance. Ce domaine comprend des mesures générales de promotion de la santé, des actions de prévention, ainsi que d’intervention précoce. Les problèmes d’addiction affectent non seulement la santé et la situation sociale individuelle, mais ils peuvent également perturber leur entourage. La prévention cherche à éviter ces conséquences négatives par la mise en place de mesures efficaces.La promotion de la santé a pour finalité de donner aux individus davantage d’autodétermination quant à leur santé et davantage de moyens de l’améliorer. Elle renforce les ressources individuelles qui constituent des facteurs de protection (en particulier en ce qui concerne les compétences psychosociales, comme l’estime de soi ou l’attitude face à la résolution de problèmes) et elle contribue à réduire les facteurs de risque. Elle se compose de nombreux volets éducatifs : la santé à l’école, l’intervention précoce chez les adolescents, l’éducation sexuelle pour ne citer qu’eux. La prévention des addictions regroupe des mesures de prévention liées au comportement ou à son contexte, orientées spécifiquement pour éviter l’apparition de comportements à risque. La partie comportementale intègre des actions destinées à influencer le savoir, l’attitude, la motivation et le comportement d’un individu ou d’un groupe. La prévention liée au contexte regroupe des dispositions d’ordre législatif comme l’interdiction de la vente d’alcool aux moins de 16 ans, ou de nature à influencer la demande comme des prix élevés. Les mesures de repérage et d’intervention précoce (IP) sont destinées à détecter le plus tôt possible des situations défavorables ou des comportements problématiques et à proposer un soutien adapté au plan sanitaire et social. L’IP concerne des questions et des valeurs sociétales. En effet, les mesures à prendre dans ce cadre peuvent porter atteinte à la liberté individuelle ou à la responsabilité éducative des parents. Aussi, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a élaboré, en collaboration avec tous les acteurs nationaux, une Charte de l’intervention précoce qui constitue le fondement des activités menées dans ce domaine. L’IP est ainsi mise en œuvre dans divers groupes d’âge, dans des contextes variés, avec un volet spécifique chez l’adolescent. Pilier 2 : la thérapie et le conseil Le conseil et la thérapie constituent une aide essentielle pour les personnes ayant une addiction ou une consommation à risque, mais aussi une assistance pour leur entourage. La thérapie contribue à gérer l’addiction, voire à la guérir. La thérapie et le conseil visent à améliorer la qualité de vie et de santé physique et psychique de ces personnes ainsi qu’à favoriser leur insertion sociale et professionnelle. Les traitements et les conseils sont adaptés aux besoins de chacun et aux objectifs thérapeutiques individuels. L’OFSP encourage le développement de démarches thérapeutiques variées, comme l’intervention brève par exemple. Ce type d’intervention incite le patient à réduire ses pratiques à risque, au moyen d’entretiens de motivation. La consultation en ligne est une autre forme d’approche qui a fait ses preuves au cours des dernières années. La Confédération et plusieurs cantons gèrent, par exemple, le portail « SafeZone », qui propose des conseils anonymes et gratuits via des courriels, des forums ou des discussions privées avec des professionnels de l’addiction. Hormis les consultations avec le médecin de famille, les prestations psycho-sociales, psychiatriques ou socio-thérapeutiques, le conseil et la thérapie peuvent également proposer des offres comme l’entraide, le suivi postcure ou l’aide bénévole. Ce volet peut aussi requérir l’intervention de professionnels de l’aide sociale, de l’assurance-chômage, de l’assurance-invalidité ou d’autres spécialistes, comme celui de juristes de l’exécution des peines. L’OFSP encourage la collaboration entre ces différents groupes professionnels au moyen de formations continues et de séminaires ciblés, en mettant également à disposition des institutions un référentiel « QuaTheDA » (Qualité Thérapie Drogue Alcool). Tous ces dispositifs font l’objet de statistiques (statistiques médicales des hôpitaux et celles des institutions médico-sociales) qui constituent de précieuses sources de renseignements. Pilier 3 : la réduction des risques et des dommagesLes mesures de réduction des risques visent à stabiliser l’état de santé des personnes concernées, en les orientant vers des comportements moins risqués ou moins dommageables, ainsi qu’à préserver leur intégration sociale ou à faciliter leur réinsertion sociale et à leur offrir une aide. L’objectif est de maintenir leur qualité de vie afin qu’elles puissent mener une existence aussi autonome et sereine que possible malgré leur comportement à risque ou leur addiction. Cette étape précède la future thérapie ou le futur sevrage. ![]() Pilier 4 : la répression : la réglementation et l’exécution de la loi Les réglementations relatives à l’alcool, au tabac, aux médicaments, aux drogues illicites, ou encore aux jeux d’argent ont pour cible essentielle de protéger la santé. En ce qui concerne les drogues licites, des mesures réglementaires visent à restreindre leur accessibilité, leur disponibilité et leur attractivité ou à limiter certains comportements, par des restrictions en matière de publicité, par la limitation des horaires de vente, ou par la fixation d’une limite d’âge pour se procurer le produit par exemple. Le cadre légal s’appliquant à la consommation de drogues illicites vise également à protéger la population. Fabriquer, vendre et consommer des stupéfiants sont des actes sanctionnés par la loi. L’interdiction est destinée à en empêcher le commerce, à en réduire l’offre et aussi la demande. Des autorisations exceptionnelles peuvent être délivrées dans certains cas, comme pour l’usage médical ou industriel de ces substances. Pr. Jean-Pierre Goullé |
Une campagne de prévention bienvenue sur les grands dangers de l’ecstasy ou MDMA |
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