Pr. Jean Costentin Président du centre national de prévention, d’études et de recherches sur les toxicomanies (CNPERT)

Après la féria de Mai 1968, une loi de décembre 1970 prohiba le commerce et l’usage du cannabis ; à la même époque ses effets thérapeutiques étant modestes et son potentiel addictif élevé, il fut évincé de la pharmacopée. La suite a été écrite par des soixante huit attardés s’appliquant à annihiler ces dispositions. Ces sirs, jamais purs font que le pire jamais sûre, le devient.
La loi prohibant le cannabis n’est connue que de ceux qui veulent l’abroger. Ni enseignée, ni justifiée, elle apparaît tel un oukase.


Les méfaits physiques et psychiques de son constituant, toxicomanogène, le THC, sont largement ignorés. Qui sait, par exemple, que ses effets épigénétiques, opérant sur les gamètes de ses consommateurs, pourront faire hériter leur progéniture d’une vulnérabilité : aux toxicomanies, à l’autisme, à la schizophrénie, aux troubles dépressifs, à des perturbations cognitives, à des malformations congénitales, à des déficits de l’immunité…?


La prohibition est inefficace car la loi n’est pas appliquée. Les dealers présentés par la police à la justice, sont aussitôt relâchés, avec classement sans suite.
La guerre contre le cannabis pour être perdue devrait avoir été livrée ; or les simulacres de résistance n’ont été qu’une série de concessions. La désobéissance à la loi est devenue une simple infraction, sanctionnée par une contravention de 200 €, qui ne laisse même pas une mémoire informatique, qui permettrait d’en majorer le montant en cas de récidive.


L’éducation nationale oppose une splendide indifférence à la montée du péril ; elle expérimente encore la façon d’aborder le sujet et empêche d’éminents praticiens de le faire bénévolement à sa place. Comme Vassili dans « Maîtres et serviteurs » (Tolstoï) : « Touche pas Nikita, c’est pour les maîtres » ! La défaite cannabique sera consommée qu’elle n’aura tiré aucune cartouche. Pourtant notre rang est pitoyable (27 ième ) au classement PISA des performances éducatives. L’éradication du cannabis de toute la
sphère éducative (enseignés et enseignants) élèverait significativement ce rang.


Longtemps des médias, à l’instar de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies, ont relativisé la pandémie cannabique. Révélant le chiffre de 1.500.000 usagers réguliers, faisant des français les premiers consommateurs Européens, ils utilisent ces chiffres pour estimer que l’irréversible est atteint, imposant la reddition (une légalisation de cette drogue, puis des autres).


Une mission parlementaire, initiée par O. Véran avant qu’il soit ministre de la Santé, vise à légaliser le cannabis sous toutes ses formes. S’y dépense intensément un porte-parole de La REM (J.-B. Moreau, agriculteur), voulant couvrir de chanvre indien sa campagne Creusoise. Avec d’autres députés, subvertis par le lobby cannabique, il prône l’organisation d’un référendum pour légaliser le cannabis « récréatif ».

Ces mêmes missionnaires, avant l’obtention des résultats de la caricature d’expérimentation qu’ils
ont initiée, concluent à l’intérêt « thérapeutique » du cannabis. Ils se substituent sans vergogne  aux spécialistes des médicaments et transgressent les règles qui président à la reconnaissance de tout médicament digne de ce nom.

Le cannabis « de confort » et son cannabidiol (CBD) diffusent de façon explosive ; grâce aux florilèges débridés de la publicité ; bon pour tout et bon pour tous ; il s’invite au repas ridicule de Boileau : « Aimez-vous le CBD, on en a mis partout » (« passez muscade » !).


L’effondrement du bon sens et de la science engendrera-t-il la force d’un rebond salutaire ? On peut en douter car, ayant touché le fond, les fossoyeurs continuent de creuser. Une convergence d’intérêts variés œuvre à la légalisation du cannabis « récréatif » ; en mobilisant : les appétits irrépressibles des cannabinophiles ; celui insatiable de groupes capitalistes ; les écologistes adeptes d’une régression
économique ; les tenants du wokisme, de la cancel culture et ceux qui veulent détruire notre civilisation ; des politiciens démagogues qui voient dans cette drogue un moyen de transformer des insurgés en résignés ; sans oublier de nombreux idiots utiles…


Notre société soufre de nombreux maux, l’anesthésie cannabique, en précipitant son trépas, serait son euthanasie. Au pessimisme que ces constats inspirent, substituons l’optimisme d’une victoire contre cette drogue. Elle dépend de notre capacité d’en faire très largement connaître les multiples méfaits sanitaires et sociaux.