Malgré des preuves claires des risques liés à l’alcool, une consommation abusive continue d’être très répandue. Une nouvelle étude met en avant le rôle de l’assistance numérique pour aider les personnes souhaitant limiter leur consommation par elles-mêmes.

 Alexandra Bresson

Pour réduire sa consommation d’alcool, l’accompagnement numérique fait ses preuves

iStock/alvarez

Même à des consommations d’alcool jugées faibles, des risques pour la santé existent. Il n’existe donc pas de seuil de consommation qui permettrait à coup sûr de limiter les risques pour la santé tout au long de la vie, mais des consommations à risque plus ou moins élevé.

En France, un avis émis par un groupe d’experts missionnés par l’agence Santé publique France a tenté de définir des risques acceptables et propose une valeur repère unique exprimée sous la forme d’un nombre de verres standard de : 10 verres standard par semaine et pas plus de 2 verres standard par jour.

Ces mêmes experts recommandent d’avoir des jours dans la semaine sans consommation d’alcool, sachant que des tests sont à disposition en ligne pour aider à évaluer sa consommation et dépendance éventuelle. Les personnes qui souhaitent arrêter ou limiter leur consommation peuvent demander l’aide d’un addictologue afin d’établir un protocole d’arrêt adapté. En outre, les traitements médicamenteux complètent la prise en charge psychosociale et interviennent pendant et après le sevrage pour aider à maintenir une consommation contrôlée.

En Suède, des chercheurs de l’Université de Linköping ont montré qu’un outil d’assistance numérique sur téléphone peut aussi aider les personnes dans cette situation : ils ont développé un outil numérique qui aide les individus à réduire leur consommation d’alcool par eux-mêmes.

« Au début de l’étude, les participants ont indiqué que c’était très important pour eux de réduire leur consommation. Mais la plupart ont indiqué qu’ils ne savaient pas comment le faire. Ceux qui ont eu accès au support numérique ont commencé à se sentir plus sûrs d’eux-mêmes quant à la façon dont ils pourraient réellement changer leur comportement. », explique Marcus Bendtsen, qui a dirigé l’étude publiée dans la revue BMC Medecine. 

« Les personnes qui veulent arrêter de fumer sont encouragées et soutenues par leur entourage. Mais il y a une stigmatisation autour du fait de vouloir arrêter de boire de l’alcool. Il y a une conception commune selon laquelle on devrait être capable de gérer sa propre consommation d’alcool, et beaucoup de personnes ne cherchent pas à se faire aider, même si elles veulent changer leur comportement. », ajoute-t-il.

Une consommation d’alcool réduite de l’ordre de 25%

L’équipe scientifique a souhaité tester l’efficacité d’une approche reposant sur l’usage personnel de l’assistance numérique, telle qu’une application mobile ou une assistance en ligne, qui pourrait être un moyen d’atteindre davantage de personnes ayant besoin d’aide. Un tel dispositif s’avère en effet peu coûteux et utilisable par un grand nombre de personnes, notamment celles qui ne souhaitent pas se tourner vers le système de santé.

Qui plus est son utilisation peut se faire à la discrétion de chacun, ce qui fait que « personne n’a besoin de savoir que vous utilisez l’outil, ce qui réduit la barrière de la stigmatisation pour demander de l’aide. », note l’équipe scientifique. Pour déterminer si leur outil numérique pouvait contribuer à réduire la consommation d’alcool, les chercheurs ont souhaité recruter des personnes au moment même où celles-ci étaient motivées pour entamer cette démarche.

Les participants ont été recrutés en ligne, grâce à des publicités ciblées diffusées aux personnes à la recherche d’informations sur la façon de boire moins d’alcool, puis ont été répartis au hasard en deux groupes.

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Ceux du premier groupe ont immédiatement eu accès au nouvel outil numérique tandis que ceux de l’autre groupe se sont vu proposer des ressources existantes sur Internet et ont été invités à se motiver pour réduire leur consommation, avant d’avoir ensuite accès à l’outil numérique.

Ceux qui se sont immédiatement vu proposer le support numérique recevaient un message tous les dimanches qui, d’un ton neutre, les incitait à évaluer leur consommation d’alcool au cours de la semaine écoulée. Une fois que les participants ont signalé leur consommation d’alcool, ils recevaient des commentaires et avaient accès à plusieurs outils.

Il s’agissait notamment d’une incitation à se fixer des objectifs et à suivre sa consommation d’alcool au fil du temps. Les participants ont également pu en apprendre davantage sur les risques sociaux et sanitaires en lien avec l’exposition à l’alcool. Enfin, les participants pouvaient s’écrire des messages et choisir quand les recevoir, par exemple un rappel pour se calmer sur sa consommation d’alcool un certain jour ou énumérant la raison pour laquelle ils voulaient boire moins.

Les résultats ont montré que l’effet de l’outil d’assistance numérique, après quatre mois d’utilisation, était comparable à celui d’autres interventions numériques issues d’études internationales, mais aussi à celui d’interventions en face à face.

« Les utilisateurs qui avaient accès à l’outil numérique avaient une consommation d’alcool d’environ 25 % inférieure à celle du groupe qui n’en avait pas, ce qui est un effet légèrement plus important que prévu.», estime Marcus Bendtsen.

Les chercheurs développent actuellement une application pour mettre l’outil concrètement à la disposition de toutes les personnes qui en ressentent le besoin, et souhaitent également adapter l’application aux besoins individuels. En effet, « il y avait une large tranche d’âge parmi les participants à l’étude, et les raisons de boire de l’alcool étaient très variées entre les utilisateurs de 18 ans et ceux de 80 ans. », concluent-ils.

A noter qu’en France, l’alcool est responsable de 41 000 décès et de près de 30 000 cancers. Il est ainsi le deuxième facteur de risque de cancer lié au mode de vie ou à l’environnement, après le tabac.