Par Pauline Fréour
DÉCRYPTAGE – Des chercheurs coréens se sont penchés sur les données de plus de 4,5 millions d’inscrits à l’assurance-maladie coréenne.
N’en déplaise aux amateurs de vin, bière et autres nectars distillés, il est désormais bien établi que la consommation régulière d’alcool augmente le risque de cancer (ORL, œsophage, colorectal, foie et sein, essentiellement). Pas moins de 8 % des cancers en France, soit 28.000 par an, lui sont attribués. Mais sait-on dans quelle mesure réduire ses habitudes peut être bénéfique? C’est pour répondre à cette question relativement peu étudiée que des chercheurs coréens se sont penchés sur les données de plus de 4,5 millions d’inscrits à l’assurance-maladie coréenne.
Par trois fois, en 2009, 2011 et 2013, ces derniers ont rempli un questionnaire où ils indiquaient si leur consommation d’alcool était faible (moins de 15 g d’alcool pur par jour, soit environ un verre et demi), modérée (de 15 à 30 g) ou élevée (plus de 30 g).
Les chercheurs ont mis ces résultats en regard des 80.000 cancers attribuables à l’alcool enregistrés pendant cette période. Cela a permis d’observer que les individus buvant beaucoup voyaient leur risque de cancer lié à l’alcool baisser de 8 à 9 points lorsqu’ils réduisaient leur consommation en dessous de 30 g/jour, par rapport aux gros buveurs ne changeant pas leurs habitudes. C’est dans cette catégorie que le gain était le plus notable, indique l’étude publiée mercredi dans Jama Network Open
Tout aussi intéressante est l’observation de la durée de ce bénéfice. Les grands buveurs ayant notablement réduit leur consommation d’alcool, et qui maintenaient cette habitude dans le temps, voyait leur risque de cancer s’aligner sur ceux n’ayant jamais bu plus. En d’autres termes, le surrisque lié à une forte consommation s’effaçait progressivement pour devenir le même que celui des petits buveurs ou buveurs modérés, selon les cas. «C’est une notion que l’on a pour la cigarette, mais pas forcément pour l’alcool», remarque la Pr Béatrice Fervers, chef du département prévention cancer environnement au Centre Léon Bérard (Unicancer) à Lyon.
Prévention
En France, la consommation d’alcool a beaucoup diminué depuis une cinquantaine d’années, mais l’Hexagone n’est passé que du 1er au 6e rang mondial. On estime désormais qu’un Français boit en moyenne 11,7 litres d’alcool pur par an (soit 100 litres de vin environ, par exemple). Or ce chiffre recouvre de grandes disparités: «Un peu plus de la moitié des gens se partagent 10 % du volume total national, mais, a contrario, la moitié de ce volume est bu par seulement 10 % de la population adulte», souligne la Pr Fervers. Et c’est sur cette dernière catégorie que doivent se concentrer les efforts de prévention, souligne Thierry Breton, président de l’Institut national du cancer: «L’étude coréenne confirme l’intérêt de les amener à revoir leurs habitudes à la baisse.»
Depuis 2017, les autorités sanitaires conseillent en France de ne pas dépasser 10 verres par semaine, avec des jours de pause. «À ce niveau, le surrisque de cancer est vraiment faible, inférieur à 1 %», souligne Thierry Breton. «Ces recommandations sont le résultat d’un compromis entre la santé, la culture et l’économie, car il n’existe pas de seuil en dessous duquel le risque serait nul. Mais, en France, l’alcool tient une place particulière», pointe Béatrice Fervers. Et de citer une étude française de 2021 évaluant que, si tous les Français respectaient les recommandations des autorités sanitaires, le nombre de cancers attribuables à l’alcool baisserait de 16.000, «ce qui en laisse tout de même 12.000 par an».
Ecrire un commentaire