Par le Professeur Jean Costentin , Président du Centre National de Prévention, d’Etudes et de Recherches sur les Toxicomanies (CNPERT)
Le 4 juillet 2018, un hebdomadaire qui m’était inconnu « Le un-1 », en son numéro N°209, me fut prêté par une collègue (membre de notre CNPERT).
Elle souhaitait le confronter à la connaissance sur le cannabis que j’ai constituée sur plus de vingt années.
Faussement ingénue elle ajouta « j’aimerais savoir ce que vous en pensez ».
Ce journal, par souci d’économie, est édité sur une feuille unique dont le dépliement fait apparaître 16 feuilles/32 pages, d’un format 21/29,7.
Le fumeur de cannabis doit renoncer au découpage et à la recherche de la continuité du texte, qui demeure souvent au delà de ses capacités cognitives. Il lui faudrait, pour n’en rien perdre, acheter deux numéros, les déplier et les afficher sur un mur, l’un sur une face et le second sur l’autre…
Dispensez vous de ces contorsions, vous vous prémunirez de l’ennui et surtout de l’exaspération.
La brève interview d’une neurobiologiste explique bien le mécanisme d’action de cette drogue, mais elle ne porte aucune attention spécifique à ses méfaits physiques et elle effleure à peine ses méfaits psychiques.
Exit l’anxiété, la dépression, les altérations cognitives, la désinhibition et ses prises de risques ; la schizophrénie est à peine citée.
Tous les autres articles sont lourdement eux favorables à la légalisation. Ils recourent à tous les poncifs qui nous sont infligés depuis deux décennies : amélioration de la qualité des produits en circulation (« ne craignez plus, le chichon sera bon ») ; la prévention pourra enfin se développer (si c’est comme celle qui a été appliquée au tabac et à l’alcool, gare à la suite) ; cela libérera la police de tâches inutiles (elle devra cependant se porter sur les trafics des dealers convertis à d’autres drogues ; il faudra donc les légaliser toutes, mais c’est trop tôt pour nous le dire) ; cela rapportera des taxes à l’Etat (après Vespasien et ses impôts sur les édicules, ce seront des taxes sur le shit (vous connaissez la traduction de ce terme anglais qui désigne le « cacannabis ») ; cela créera de nouveaux emplois, pour les dealers d’aujourd’hui, qui deviendront cannabiculteurs ou vendeurs dans ces nouvelles échoppes dédiées à la vente du cannabis et de des nombreux produits nouveaux qui en contiendront.
On ne devrait pas oublier de citer les emplois créés dans les hôpitaux psychiatriques qui déjà regorgent des victimes de la consommation illicite de cannabis, ainsi que ceux nécessaires à Pôle emploi pour prendre en charge ces jeunes gens que le cannabis a rendu très difficiles à insérer dans une activité professionnelle.
Ajoutons la création d’industries pour mettre le cannabis à toutes les sauces : boissons, gâteaux, chocolats, cosmétologie….
La découverte tardive de cet hebdomadaire (qui sévit depuis déjà 219 semaines) ne m’a créé aucun regret. Sur le sujet qui m’intéresse ses messages biaisés, tronqués, orientés, me font craindre qu’il en soit allé de même pour les autres thèmes qu’il a antérieurement abordés.
Avec ma manie docimologique (d’universitaire corrigeant des copies depuis 50 ans) qui me fait synthétiser mes évaluations par une note, j’attribuerais 1/20 à cette édition. Ne le trouvant pas dans votre kiosque à journaux, vous économiserez 2€80.
Voilà, chère Françoise, l’avis que vous m’avez demandé d’exprimer.
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