
Les auteurs estiment que le grand public doit être mieux informé des avantages et des méfaits du cannabis.
Les États américains qui ont légalisé l’usage récréatif de l’herbe psychotrope rencontrent une hausse des « consommations problématiques », selon une nouvelle étude.
L’étude en bref. La consommation de cannabis dans les États américains qui ont légalisé l’usage récréatif – c’est-à-dire non médical – a augmenté chez les adultes de plus de 26 ans et, en moindre partie, chez les adolescents. Les chercheurs se sont appuyés sur les réponses de plus de 500 000 sondées pendant 8 ans, selon une étude publiée dans la très sérieuse JAMA Psychiatry.
Qui l’a publiée ? Le principal auteur est l’épidémiologiste Magdalena Cerdá, directrice du NYU Center for Opiodie Epidemiology and Policy et professeur associée du Langone Medical Center, l’un des meilleurs centres médicaux universitaires des États-Unis. Mais l’étude est signée par un ensemble de chercheurs de la Grossman School of Medicine et de la Columbia University Mailman School of Public Health.
« Plus 26 à 37% chez les plus de 26 ans »
Dans le détail. Les auteurs de l’étude ont commencé par analyser les données de « L’enquête nationale sur la santé et l’usage de drogues » (NSDUH), qui compte 505 796 participants. Les chercheurs se sont intéressés aux données collectées entre 2008 et 2016 dans le Colorado, l’Etat de Washington, l’Alaska et l’Oregon, les quatre premiers États américains à avoir légalisé le cannabis pour l’usage récréatif (en 2014 pour les deux premiers, 2015 pour les deux autres). Le but était de disposer d’informations sur l’usage de cannabis avant et après la légalisation.
Ils ont ensuite comparé l’évolution de la consommation dans ces quatre États et dans ceux qui n’avaient pas légalisé le cannabis récréatif. Les chercheurs ont réparti l’usage en trois catégories : au moins une fois dans le mois, consommation fréquente (plus de 20 jours par mois) et consommation problématique, soit celle qui provoque des troubles comme une accoutumance accrue, de multiples tentatives (ratées) de contrôler ou d’arrêter ou encore l’abandon d’autres activités « sociales » au profit de la consommation. Enfin, ils ont séparé les consommateurs en trois catégories, les adolescents âgés de 12 à 17 ans, les jeunes adultes, de 18 à 26 ans, et les plus de 26 ans.
Résultats ? Ils ont constaté que, chez les adolescents, la « consommation problématique » était 25% plus élevée dans les États où l’utilisation récréative avait été légalisée et augmentait de 2,18 à 2,72%. Chez les jeunes adultes, aucune différence n’a été observée. En revanche, chez les plus de 26 ans, la consommation « une fois par mois » était 26% plus élevée par rapport aux autres États et passait de 5,65% à 7,10% ; l’utilisation était 23% plus élevée, progressant de 2,13 à 2,62%, et l’utilisation problématique 37% plus élevée, passant de 0,9% à 1,23%.
« Il existe des avantages à la légalisation »
Conclusions. Ces résultats peuvent surprendre puisque, jusqu’à maintenant, les arguments en faveur de la légalisation du cannabis consistaient à dire qu’elle pouvait aider à baisser la criminalité en coupant un vecteur de financement, de mieux contrôler la qualité des produits, et de faire baisser la consommation générale, voire de limiter l’accès aux drogues mortelles. « Bien que beaucoup de recherches ont été menées sur la légalisation de la marijuana à des fins médicales, très peu ont porté sur l’impact de la légalisation de l’usage récréatif, un phénomène récent aux États-Unis, analyse Magdalena Cerdá, interrogée par L’Express. Surtout, aucune étude n’avait encore examiné l’impact de la légalisation de la marijuana à des fins récréatives sur l’usage et le trouble de l’usage du cannabis dans différents groupes d’âge ».
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Les auteurs appellent à augmenter les efforts concernant la prévention et le traitement contre l’addiction. « Les traitements comportementaux comme la thérapie cognitivo-comportementale, le management des contingences [qui consiste à soutenir la dynamique des personnes par des renforcements positifs, NDLR], ou encore la thérapie de renforcement de la motivation se sont révélés très prometteurs chez les personnes qui consomment beaucoup », détaille la chercheuse. Pour les adolescents, elle rappelle l’intérêt des programmes visant à limiter la consommation précoce de marijuana, mais aussi de l’alcool et d’autres drogues.
Réduire les inégalités ethniques
Plus globalement, les auteurs estiment que le grand public doit être mieux informé des avantages et des méfaits du cannabis et tiennent à rappeler qu’il existe des avantages sociaux liés à la légalisation. « Nous espérons que la légalisation de la marijuana puisse diminuer les inégalités raciales et ethniques, car les chiffres montrent que lorsque la consommation de marijuana est illégale, les Noirs et les Hispaniques sont plus susceptibles d’être arrêtés et incarcérés pour possession de drogue, ce qui contribue considérablement aux inégalités carcérales des minorités raciales et ethniques dans notre pays », note Magdalena Cerda.
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