Dr Jean-Del Burdairon, psychiatre et addictologue
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Jean-Del Burdairon poursuit: «La plupart des troubles –schizophrénie, troubles anxieux, bipolarité, etc.– se développent entre 15 et 25 ans du fait d’un défaut de neurogenèse. Imaginez que lorsque l’on est enfant et que l’on grandit, on “pousse” comme pousserait un arbre. Puis, entre 15 et 25 ans, il y a une forme d’élagage pour uniformiser les branches. Chez les personnes qui souffrent de troubles psychiques, il n’y a pas cet élagage. Et le cannabis en lui-même empêche ou retarde d’autant cet élagage.»
Le psychiatre poursuit: «Je déconseillerais vivement aux jeunes qui ont des fragilités et/ou des antécédents familiaux de troubles psys de fumer du cannabis.» Il précise en outre que le risque de pharmacopsychose n’est pas écarté passé 30 ans du fait de taux de THC très importants –dans son rapport de mars 2023, l’Office anti-stupéfiants (Ofast) note d’ailleurs que le taux moyen de THC dans le shit (résine de cannabis) a doublé en dix ans ans et augmenté de presque un quart dans la weed (cannabis sous forme d’herbe).
Un abus de cannabis augmente le risque d’évolution vers la chronicité
Ensuite, concernant la consommation de cannabis chez les personnes qui présentent d’ores et déjà un trouble psychique, l’avis de Jean-Del Burdairon est sans appel: «Fumer du cannabis lorsque l’on souffre de troubles psychiques tend à les aggraver et à les rendre plus résistants. En effet, si sur le moment le cannabis peut avoir des effets anxiolytiques –et c’est l’effet immédiat qui est généralement recherché–, sur le long terme, sa consommation régulière induit des perturbations du fonctionnement général qui tendent à majorer les symptômes.»
Concernant spécifiquement les psychoses, Logos Curtis, Philippe Rey-Bellet et Marco C. G. Merlo écrivent: «Nombre d’études confirment qu’en cas de psychose existante, une consommation même minime de cannabis a des effets néfastes. Dans la phase aiguë, elle aggrave les symptômes psychotiques, à savoir les idées délirantes, les hallucinations et la désorganisation de la pensée. Elle augmente le risque d’actes hétéro-agressifs et auto-agressifs et réduit, voire fait disparaître l’effet thérapeutique des médicaments antipsychotiques.» Ils soulignent que le cannabis a aussi un effet sur l’évolution à long terme de la psychose, avec des rechutes plus fréquentes et précoces. Pour le pronostic à long terme, un abus de cannabis augmente le risque d’évolution vers la chronicité.
«Le cannabis participe à détruire les facultés cognitives déjà mises à mal par les crises.»
Dr Jean-Del Burdairon, psychiatre et addictologue
Jean-Del Burdairon résume alors: «Si tout va bien, que la personne n’a pas d’antécédents familiaux, ni de fragilités ou de trouble psychique, fumer un joint n’est pas plus dangereux que boire de l’alcool en grande quantité. En revanche, s’il y a une pathologie, il existe un vrai risque et ce même en période de rémission, avec un vrai risque de rechute. Et c’est un vrai problème car les patients comprennent bien qu’ils ne doivent pas fumer en période de crise mais pensent que quand ils vont mieux, ils peuvent réguler leur consommation et que celle-ci ne posera pas de problème.»
Il précise l’impact négatif sur les facultés cognitives à long terme: «Le cannabis participe à détruire les facultés cognitives déjà mises à mal par les crises. Imaginez que les neurones soient une forêt. Le cannabis, c’est véritablement de l’essence versée dessus et à la moindre étincelle, tout flambe. Il y a donc un vrai retentissement cognitif et c’est ce retentissement cognitif qui provoque un désinvestissement social.»
Que tirer de tout cela? Simplement de la vigilance et des messages de prévention adaptés. Concernant le sommeil, on aurait tout intérêt à ne pas laisser s’installer une dépendance qui conduirait à un usage quotidien.
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Pour ce qui est des troubles psychiques, il serait préventivement pertinent de s’abstenir de fumer un premier joint dès lors que l’on présente des signes précurseurs d’un trouble ou quand –puisqu’il existe une certaine héritabilité– un parent vit avec un trouble. Il est également recommandé de s’abstenir dès lors que le trouble est présent afin de ne pas l’aggraver ni augmenter ses conséquences.
À noter pour finir: une vigilance s’impose autour de l’hexahydrocannabinol (HCC), un produit de synthèse aux effets psychoactifs semblables au THC et désormais vendu dans les boutiques qui vendent du CBD. «C’est un psychotrope très puissant mimant les effets du cannabis et ayant les même propriétés sur le long terme», signale Jean-Del Burdairon. Mêmes recommandations que pour le cannabis, donc.
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