Que provoque le cannabis sur le corps ? Sur le cerveau ? Les jeunes sont-ils plus exposés que les autres ? Que cherche-t-on quand on fume ? (photo d'illustration)
Que provoque le cannabis sur le corps ? Sur le cerveau ? Les jeunes sont-ils plus exposés que les autres ? Que cherche-t-on quand on fume ? (photo d’illustration) | FOTOLIA

Outre les risques physiques, connus, le cannabis perturbe le fonctionnement du cerveau, et particulièrement chez les jeunes. Certains pensent aussi que fumer du cannabis aide à dépasser sa timidité ou apaiser sa colère. Un piège. Décryptage avec deux spécialistes.

Que provoque le cannabis sur le corps ? Sur le cerveau ? Génère-t-il des addictions ? Les jeunes sont-ils plus exposés que les autres ? Que cherche-t-on quand on fume ? Deux spécialistes de l’addiction répondent à ces questions.

Quels risques physiques génèrent le cannabis ?

On connaît les risques liés à la combustion : cancer, risques pulmonaires. Mais il y a aussi ceux liés aux substances avec lesquelles le cannabis est coupé. Par exemple « du cirage ou du caoutchouc », prévient Jean-Pierre Couteron, porte-parole de la fédération Addiction. Il est aussi psychologue dans une consultation jeunes consommateurs (CJC) à Boulogne-Billancourt.

Des risques cognitifs ?

Le cannabis perturbe aussi le fonctionnement du cerveau : mémoire, attention, concentration, ce qui ne facilite pas la scolarité. Les jeunes, dont le cerveau est en pleine maturation, sont les plus exposés. « Le cerveau sera perturbé au-delà de la période de consommation »« Alcool, cannabis, tabac sont beaucoup plus dangereux à ces âges-là, précise le Pr Reynaud, psychiatre addictologue et président du Fonds action, à l’origine du site addictaide.fr. Tout l’enjeu est, au moins, de repousser la consommation après 18 ans. Les risques encourus diminuent alors de trois quarts. »

Les conséquences peuvent être plus graves chez les très gros consommateurs ou ceux qui fument un cannabis très concentré en THC : « Il y a des risques d’épisodes délirants, hallucinations, troubles du comportement, dit le Pr Reynaud. Enfin, on sait maintenant que le cannabis peut induire des schizophrénies (cela reste rare et essentiellement chez des personnes prédisposées) et aggrave indiscutablement les états psychotiques et les pathologies psychiatriques. »

Des conséquences « psycho-sociales » ?

Le cannabis altère aussi les apprentissages, les « compétences psycho-sociales », prévient Jean-Pierre Couteron. « Des trucs tout bêtes : gérer son stress, sa colère, sa timidité. Ces compétences, que l’on apprend à un enfant, sont remises en jeu à l’adolescence. Si vous êtes un peu timide, angoissé, vous pouvez vous piéger à confier ce malaise à un produit ». Danger ! « Il donne l’impression que le problème n’existe plus, alors qu’en réalité, on n’a pas acquis la capacité à le résoudre… »

Y a-t-il des risques d’addiction ?

Oui, même s’ils sont moindres que l’alcool. « On considère que 5 à 10 % des consommateurs en général deviennent dépendants », dit Michel Reynaud. Mais ces risques sont plus élevés chez les jeunes. 24,9 % des jeunes de 17 ans qui ont consommé dans l’année du cannabis présente un risque élevé d’usage problématique ou de dépendance, selon l’Observatoire français des drogues et toxicomanies.

Les dispositifs de prise en charge sont-ils suffisants ?

Il existe des consultations pour les jeunes consommateurs (CJC) dans la plupart des villes. « Mais les structures existantes sont très en dessous des besoins, pointe le Pr Reynaud. Cela rend l’accès aux soins difficile. Enfin, la pédopsychiatrie en France est en grande souffrance, en raison du manque de médecins. »

Les parents d’adolescents ont du mal à trouver des réponses aux situations qu’ils rencontrent. Il faut des mois d’attente pour une consultation.

Par ailleurs, toutes les consultations jeunes consommateurs n’ont pas la même approche. Certains considèrent que le jeune doit d’abord être demandeur. « Moi, je pense qu’il ne faut pas attendre, dit Jean-Pierre Couteron. Je consacre une partie de mon temps à travailler avec les parents dont les enfants ne veulent pas venir consulter. On réfléchit ensemble à la manière de les faire bouger. »

Soigner une addiction ne peut-il passer que par la volonté du patient ?

Dans neuf cas sur dix, contraindre quelqu’un à se soigner ne mènera à rien. Dès que le traitement sera terminé, la personne se remettra à consommer. « C’est pour cette raison que les psychiatres sont souvent réticents à hospitaliser sous contrainte des personnes dont le problème principal est la consommation de psychotropes. Le patient doit accepter de faire une part du chemin. S’il ne veut pas du tout, les proches et nous-mêmes sommes en grande difficulté », dit le Pr Reynaud.

Fumer du cannabis ouvre-t-il la porte à une escalade vers des drogues plus dures ?

Il n’y a pas de preuve de la théorie de l’escalade. Au départ, les jeunes commencent par fumer du tabac et tous les toxicomanes sont ou ont été fumeurs. Et parmi ceux qui se mettent à fumer du cannabis, « seule une petite partie passera à d’autres produits et à une consommation problématique. Mais quand ça arrive, c’est un drame pour les parents et les enfants », dit le Pr Reynaud.

Que cherche-t-on dans les drogues ?

Un plaisir ou un apaisement à des difficultés sociales, psychologiques. « Toutes les addictions sont un plaisir qui a mal tourné », dit le Pr Reynaud.

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