Par le Professeur Pujol

La commission parlementaire chargée d’étudier la question du cannabis « récréatif » vient de rendre un rapport qui préconise la légalisation du cannabis comme seul moyen de reprendre le contrôle sur ce fléau et « d’assécher le trafic », selon les propos de Caroline Janvier, députée LREM du Loiret.

Ces députés partent du constat que la prévention et la répression menées depuis des années ne parviennent pas à maîtriser une consommation sans cesse croissante, accompagnée de ravages sanitaires graves, en particulier chez nos jeunes adolescents. La France se classe en tête des pays européens avec 1,6 million d’usagers réguliers et 300 000 enfants de 12-15 ans ayant déjà expérimenté cette drogue.

Or, rien n’est plus faux que ce constat, comme chaque citoyen peut le constater dans la vie quotidienne. En matière de répression, tout d’abord, la loi française semble relativement sévère par rapport à d’autres pays, certes, mais force est de constater qu’elle n’est pas appliquée tant pour l’usage simple que pour le trafic.

Rappelons qu’en 2017, l’Observatoire européen des drogues et toxicomanies (OEDT) a comparé les peines de prison prévues pour l’offre d’un kilogramme d’héroïne ou de cannabis dans vingt-cinq pays.

En Grèce, où les sanctions sont les plus lourdes, l’offre d’un kilogramme d’héroïne conduit à une peine médiane de vingt ans de prison et l’offre d’un kilogramme de cannabis à dix ans de prison. À l’autre extrémité de l’échelle, on trouve les deux pays les plus tolérants, les Pays-Bas et la France où l’offre d’un kilogramme d’héroïne conduit à une peine médiane respective d’un an et de deux ans de prison.

La situation a été encore assouplie par la loi Tubiana. Souvent, en France, l’aménagement de peine conduit au paiement immédiat d’une amende et éteint l’action publique. Peu de prévenus effectuent réellement leur peine d’emprisonnement.

Par ailleurs, l’amende forfaitaire récemment instituée pour responsabiliser les consommateurs sur la voie publique n’a rien changé. La consommation n’a pas diminué pour autant : il y a autant de clients sur les points de vente et beaucoup d’usagers se font livrer à domicile. D’autres ont appris à contourner l’amende, il suffit de ne pas avoir de pièce d’identité sur soi. […]

Légaliser l’usage du cannabis « récréatif » permettrait « d’assécher le trafic », de contrôler la teneur en THC du produit et de récupérer des taxes que l’on pourrait affecter aux soins médicaux, et enfin de suivre une évolution mondiale qui va « dans le sens de l’Histoire », nous disent ces parlementaires.

Or, précisément, les retours d’expérience que nous avons sur l’Uruguay, le Canada et onze États américains qui ont autorisé le cannabis « récréatif », après l’avoir autorisé à des fins médicales, fournissent un bilan négatif.

Comment nous faire croire que le trafic disparaîtrait avec la légalisation, que les trafiquants cesseraient leur commerce très lucratif pour rentrer aussitôt dans une activité professionnelle légale et moins rémunératrice ?

De même, comment espérer que le contrôle de la puissance et de la qualité du cannabis permettrait de diminuer les addictions : l’usager régulier fumera deux fois plus pour ressentir les mêmes effets si la teneur est deux fois plus faible.

En conclusion, l’expérience vécue par les pays ou les États américains qui ont légalisé le cannabis doivent nous inciter à refuser cette éventualité dans notre pays. La commission parlementaire sur le cannabis « récréatif » devrait prendre en considération prioritaire la santé de nos concitoyens, plutôt que d’obéir à des impératifs politiques et électoralistes.

Dans le cas contraire, ces députés porteraient une lourde responsabilité devant l’Histoire et les générations futures.

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