Ouest-France le 4 novembre. Deux jeunes Guyanais, âgés de 20 et 21 ans, ont été interceptés par la douane en gare d’Angers vendredi 30 octobre. Conduits en rétention, ils ont subi des examens médicaux qui ont démontré qu’ils avaient ingéré des ovules de cocaïne en grande quantité. Autrement dit, ces deux Guyanais étaient des passeurs de drogue. Placés en garde à vue pendant quatre jours, les deux hommes ont expulsé par la voie naturelle les pochons remplis de cocaïne qu’ils avaient avalés : il y en avait près de deux kilos, d’une valeur marchande d’au moins 150 000 € ! Une belle prise pour les douanes, pas vrai ? Et un beau succès dans la lutte anti-drogue. C’est sans doute ce que vous pensez. Et moi aussi je le pensais. Seulement voilà : devant le tribunal correctionnel d’Angers, les avocats des deux hommes ont fait valoir que leur interpellation par des douaniers à la descente du train était irrégulière car aucun délit n’était directement constaté à ce moment. Impossible donc de retenir les éléments à charge mis à jour par l’enquête : le casier judiciaire d’un des prévenus, le passé pénal du père de l’amie des deux hommes, l’absence de titres de transport, la découverte des deux kilos de cocaïne… Le tribunal a tout annulé et les deux prévenus sont ressortis libres comme l’air. Bien que nous n’ayons pas tous les éléments du dossier, ce qui s’est passé se laisse facilement deviner. Les forces de l’ordre et les douaniers ne peuvent interpeller quelqu’un que s’ils ont de bonnes raisons de penser que la personne a commis un délit ou un crime. Ce qui est tout à fait normal. Et tout laisse penser que les douaniers n’ont, en effet, pas interpellé par hasard ces deux Guyanais. Ce n’est pas tous les jours que l’on voit la douane en gare d’Angers ! Ils avaient très probablement des informations leur permettant de savoir que ces hommes transportaient de la drogue en grande quantité. Mais ils n’ont pas dû remplir correctement leur procès-verbal et, par conséquent, l’interpellation étant insuffisamment motivée aux yeux de la loi, le tribunal a été contraint d’annuler leur enquête. C’est ce qu’on appelle un vice de procédure. Et c’est ce dont les avocats des criminels font leurs délices. Un papier mal rempli, une signature oubliée, une erreur dans une date, et vous pouvez espérer faire annuler toute une procédure, en dépit des preuves accumulées contre votre client. Bien évidemment, il est indispensable qu’il y ait des procédures et que ces procédures soient appliquées. La justice doit respecter certaines formes et donner aux personnes accusées la possibilité de se défendre, pour éviter autant que possible que des innocents soient condamnés. Mais il y a un moment où les procédures deviennent tellement nombreuses et tellement compliquées qu’elles se transforment en une véritable aubaine pour les délinquants. Malheureusement, c’est là où nous en sommes aujourd’hui. Les policiers, les gendarmes, de nombreux magistrats le disent depuis longtemps : la procédure pénale est devenue trop complexe, trop chronophage, les règles aboutissent parfois à des résultats absurdes et qui suscitent une indignation légitime. La procédure pénale doit certes protéger les innocents, elle ne doit pas pour autant permettre aux criminels d’échapper au châtiment ! |
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