Jean Costentin participe à l’émission de Thierry Ardisson sur le cannabis

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Autopsie d’un « débat » télévisé sur la légalisation du cannabis

Professeur Jean Costentin

               Il n’est pas plaisant de revenir sur ce qu’on a ingéré sans plaisir, mais conscient des leçons à en tirer, je me suis livré à cette régurgitation.

Samedi 27 avril, 19h30, sur la chaine C 8 de la télévision, l’émission « Salut les terriens » de T. Ardisson, était intitulée « Va-t-on enfin légaliser le cannabis ». Ce titre, par son « enfin » exprimait déjà la conclusion à laquelle elle voulait aboutir.

Les participants :

– Thierry Ardisson, animateur de l’émission qui, hors antenne, déclara être, de longue date, consommateur de cannabis ;

– William Lowenstein, médecin addictologue qui, peut-être, par mimétisme de ses patients, consommateurs de cannabis, a adopté leur mimique ainsi qu’une élocution un peu traînante ; il dissimule certains jours son militantisme pour la légalisation de toutes les drogues, en se présentant comme le président d’une association intitulée, tenez-vous bien  « S.O.S. addictions » ;

– un « humoriste », ou en tout cas présenté comme tel, procannabique en diable, dont j’ai oublié le nom ;

– Laurent Baffie, auteur, acteur multimédia, qui, au moins dans l’enregistrement initial, fit l’apologie du cannabis, qui l’aurait aidé pour sa création artistique… ;

– Yann Moix, un écrivain, qui estimera que la légalisation était de fait.

Devant ces cinq procannabis se trouvaient deux anticannabis :

– Gérald Kierzek, un médecin urgentiste, jeune, sympathique, familier des médias,  convaincu des méfaits de cette drogue ;

– et moi, le papy grognon, l’empêcheur de consommer du « chichon ».

Ces deux derniers n’étaient dopés que par l’absence, depuis toujours, de toute consommation de cannabis.  Il s’agissait donc d’un match à 5 contre 2.

Ce n’était pas du direct, l’enregistrement dura près d’une heure ; il devait comporter des amputations, pour couvrir au final quelques 25 minutes d’émission. Ces coupures me créaient quelques inquiétudes qui s’avérèrent justifiées. Néanmoins, au sortir de l’enregistrement, en dépit de ce que j’avais entendu, je n’étais pas accablé.

Mon camp avait été très épaulé par le talent de communicateur de G. Kierzek et j’avais pu exprimer nombre de points qu’il me paraissait très important de porter à la connaissance du public.

Dix jours plus tard, le samedi 27 avril, à 19h30, je ne pus me libérer pour regarder l’émission, mais dès le lendemain la plus jeune de mes sœurs m’envoya le lien me permettant de la voir. Ma déconvenue fut vive !

Plusieurs de mes formules condensées avaient été reprises (« la fumette ça rend bête ; le chichon ça rend con » ; « pétard du matin-poil dans la main ; pétard du soir-trou de mémoire » ; «la  drogue de la crétinisation » ; mais pour être percutantes il aurait fallu y adjoindre la sauce d’une démonstration, or elle avait disparue.

Mais, surtout, cinq points au moins, que je tiens pour extrêmement importants, n’ont pas survécu à la coupe. Il s’agissait de :

– l’accroissement, au cours des 25 dernières années, du taux de THC dans les produits en circulation, d’un facteur 6,5 :

– l’extraordinaire persistance du THC dans l’organisme, et en particulier dans  le cerveau, près d’une semaine après un joint et environ deux mois après de nombreux joints ; « ce n’est pas une drogue douce, c’est une drogue très lente » ;

-les relations, devenues irréfragables, entre la consommation du cannabis et le développement de la schizophrénie ; ce risque étant majoré par la précocité des premiers usages, la durée de la consommation et les doses utilisées ; auxquels s’ajoutent des facteurs de vulnérabilité individuels ; une étude récente établit que 20% des schizophrénies sont imputables au cannabis ;

– les relations avec les troubles anxieux et dépressifs qui comportent, en embuscade, des risques suicidaires ;

– et encore, je dirais et surtout, car cette observation majeure n’arrive pas à franchir la barrière des médias : les effets épigénétiques du THC. En bref, la consommation de cannabis / THC par des individus (hommes et femmes) en âge de procréer,  leur fait transmettre à leurs enfants une vive appétence pour les drogues, qui s’exprime dès l’adolescence. J’avais illustré ce grave effet par une formule (inspirée d’ une phrase du livre d’Ezéchiel : «Les parents ont fumé le cannabis vert et leurs enfants en ont eu les neurones agacés ».

Si ces cinq éléments vous paraissent superfétatoires, les « caviardeurs » ont bien fait de les faire disparaître du « débat ». Si par contre ils vous paraissent, comme à moi, très importants, il y a alors incompétence ou, pire, malversation.

Un débat à cinq contre deux , qui occulte des données majeures, loin d’éclairer le citoyen électeur, prompt à juger très vite et de tout, est un mode commun de manipulation de l’opinion et, disons même, de désinformation.

A l’opposé du « castigat ridendo mores » (de l’utilisation du rire pour corriger les mœurs), il a été fait appel au rire grasseyant, au rire bête, en un mot au rire cannabique, pour banaliser davantage cette sale drogue et dissimuler le drame qu’elle représente pour une génération et pour notre société.

Ajoutons à cela quelques frustrations mineures :

A l’issue de la séquence filmée de « l’humoriste », qui avait suscité des rires polis j’avais déclaré « sitôt qu’on vient de se forcer à rire, on devrait en pleurer » (passé à la trappe)

Quand W. Lowenstein a laissé espérer que « la légalisation du cannabis en France créerait 200.000 emplois » ; j’avais ajouté « sans doute dans les hôpitaux psychiatriques » ; (ce fut coupé ou inaudible).

Il y a certes beaucoup plus à tailler chez les gros que chez les maigres. L’embonpoint de mon propos a payé un lourd tribut aux facilités que se sont accordés mes censeurs.