….. en Belgique

La consommation d’alcool fait partie d’un certain art de vivre. Le « Plan alcool interfédéral » tente de freiner les comportements abusifs. ©Photo News

SOPHIE LEROY  29 mars 2023 

Le « Plan alcool interfédéral » comprend 75 mesures qui doivent lutter contre une consommation abusive et nocive. Problème: tant le secteur des boissons alcoolisées que celui de la santé sont critiques.

Le nombre de décès liés à l’alcool en Belgique est estimé à 5,4 % de l’ensemble des décès. L’alcool est aussi une des principales causes des accidents de la circulation, des violences intrafamiliales ou sexuelles. Une consommation excessive d’alcool peut provoquer une baisse des performances professionnelles et un risque accru de chômage. Son coût social et sanitaire pour l’État est de l’ordre de 4,2 milliards d’euros par an. Il y avait donc là matière à réglementer davantage.

Le « Plan alcool interfédéral », préparé par les ministres de la Santé du Fédéral et des entités fédérées, vient d’aboutir. La CIM a donné ce mercredi son accord sur les 75 mesures qui doivent lutter contre la consommation abusive et nocive d’alcool. Mais tant les acteurs de la santé que le secteur des boissons alcoolisées pointent des lacunes…« Un mineur ne peut pas apprécier ce qu’est une consommation responsable. »Partager sur Twitter

Protéger les jeunes

Le plan impose de réglementer plus strictement la publicité pour l’alcool destinée aux mineurs, notamment en l’interdisant dans les journaux et périodiques visant ce public ou au cinéma lors de la diffusion d’un film pour la jeunesse.Une interdiction va frapper la vente d’alcool le long des autoroutes, mais uniquement la nuit.Partager surTwitter

Les commerces ne pourront plus offrir de l’alcool en guise de promotion pour un produit non alcoolisé. L’alcool fort ne pourra plus être vendu aux 16-18 ans (ni aux plus jeunes), qui pourront juste acheter bière et vin. Geert Van Lerberghe, directeur général de Vinum et Spiritus, fédération belge du secteur des vins et spiritueux, s’en inquiète: « Un mineur ne peut pas apprécier ce qu’est une consommation responsable. Une telle mesure ne permet pas d’éviter les formes d’abus manifeste d’alcool qui existent déjà à cet âge! » 

Une interdiction va frapper la vente d’alcool dans les magasins situés le long des autoroutes entre 22 heures et 7 heures du matin. « Il aurait fallu une interdiction de vente sur toute la journée!, s’insurge le responsable de Vinum et Spiritus. Je comprends qu’on protège l’économie des stations-service, mais les risques de l’abus d’alcool au volant sont trop importants. »

Eau gratuite?

En outre, fini de trouver de l’alcool dans les distributeurs automatiques et les magasins des hôpitaux. On compte aussi encourager certains secteurs (horeca, sport…) à offrir de l’eau gratuitement. Pas facile: on se rappelle le flop du gouvernement wallon qui voulait que les restaurants fassent ce geste

Un pan important du plan porte sur l’aspect médical. Le soutien financier aux hôpitaux qui proposent un « trajet de soins alcool » va se poursuivre. Le gouvernement fédéral veut lancer un trajet spécifique pour adolescents et jeunes adultes.

Le plan reprend encore l’idée du registre des lobbys qui devrait compiler les contacts noués avec le monde politique, notamment par l’industrie de l’alcool donc.

Encourager la modération?

« Ce plan reste vague par rapport au principe d’une consommation modérée et responsable, remarque Geert Van Lerberghe. Entre 90 et 94% des Belges consomment de l’alcool de façon modérée et responsable. Il faut maintenir ce niveau avec une campagne de promotion de tels comportements! »« Entre 90 et 94% des Belges consomment de l’alcool de façon modérée et responsable. Il faut maintenir ce niveau avec une campagne de promotion de tels comportements! »Partager sur Twitter

GEERT VAN LERBERGHE

Les brasseurs belges, réunis sous la bannière Belgian Brewers, se réjouissent d’un « plan équilibré », mais regrettent entre autres la possibilité d’imposer dans le futur un prix minimum pour l’alcool et s’inquiètent de l’impact qu’auraient des taxes ou accises supplémentaires sur la bière. Un groupe de travail va en effet plancher sur ces pistes.« Toutes les actions du plan doivent être pleinement mises en œuvre afin que nous puissions prendre des mesures supplémentaires nécessaires pour 2026-2028. »Partager surTwitter

Le secteur des boissons alcoolisées n’a pas participé aux discussions autour de ce plan. Il avait juste été convié à répondre à une enquête écrite.

Des remarques du monde médical ont aussi été écartées. Une série de professionnels de la santé, dont l’alcoologue Martin de Duve, le docteur Thomas Orban (auteur du livre « Alcool, ce qu’on ne vous a jamais dit ») ou encore l’ASBL Question Santé, restent amers. « Les alcooliers semblent tirer les ficelles« , reprochent-ils. Ils réclament un étiquetage des bouteilles et canettes avec mention des unités standards d’alcool et valeurs nutritives. « Sachant que toutes les parties prenantes sont d’accord pour promouvoir une consommation raisonnable d’alcool (telle que définie par le Conseil Supérieur de la Santé comme 10 verres standards par semaine maximum, à répartir sur plusieurs jours), donnons dès lors la capacité à chacun·e d’entre nous de faire le calcul! », disent-ils.

Le dossier n’est pas clos. « Toutes les actions du plan doivent être pleinement mises en œuvre afin que nous puissions prendre des mesures supplémentaires nécessaires pour 2026-2028« , glisse le ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke (Vooruit).

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